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La survie de l’agriculture française, une question existentielle pour notre nation..

On se souvient peut-être qu’Hitler avait soigneusement planifié le développement de l’Europe nazi en imaginant spécialiser les différents territoires du grand Reich (le Großdeutsches Reich) compte tenu de leurs spécificités « naturelles » ; et notamment, l’Industrie en Allemagne et l’Agriculture en France. Ce qui était assez logique, car, même si la France ne se réduit pas à une vaste exploitation agricole, l’agriculture n’est pas seulement économiquement essentielle, elle structure depuis longtemps l’identité même de notre pays, qu’il s’agisse de la culture ou des paysages.

Toucher à la paysannerie française, pousser les exploitants agricoles au suicide, c’est donc porter atteinte à notre identité : question existentielle. Et on aurait aujourd’hui envie de crier au fonctionnaire bruxellois : « Touches pas à mon paysan ! » Et parler de suicide n’est pas une figure de style censée dramatiser la situation. Yannick Jadot affirmait cette semaine sur France info qu’« un tiers des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté » et que « deux agriculteurs se suicident par jour ». J’avais déjà évoqué sur ce blog, il y a déjà quelques années, l’effarant taux de suicide des exploitants agricoles propriétaires de leur terre – près de 80 fois plus que la moyenne nationale. Et j’aimerais interpeller notre Président sur cette situation. Est-il normal que dans notre pays, les salariés perçoivent au moins le SMIC et bénéficient de 5 semaines de congés annuels, que les sans-emplois soient indemnisés, que certains immigrés n’ayant pas la nationalité française bénéficient d’allocations – tout cela étant très bien –, mais que, dans le même temps, des travailleurs de la terre dont certains ne peuvent jamais partir en vacances, vivent pour le tiers d’entre eux – j’ai regardé, ce serait peut-être le quart – sous le seuil de pauvreté ? J’aimerais l’interpeller et lui demander : « Depuis sept années, qu’avez-vous fait pour eux ? »

Mais allons au fond du problème. J’accuse la Commission européenne d’être, pour des raisons purement idéologiques, le fossoyeur de l’agriculture française, sacrifiée d’une part au nom d’une politique de normalisation outrancière de l’agriculture européenne, et d’autre part de la promotion d’un libre échange qui accepte de mettre en concurrence, sur notre continent, des produits aux qualités très contrôlées et des produits venant de pays « exotiques » qui ne respectent aucune règle, ni environnementale ni sociale. Cette ouverture « suicidaire » n’étant pratiquée ni par la Chine, ni par les États-Unis, ni par l’Inde.

Et j’accuse, pour des raisons tout autant idéologiques, Emmanuel Macron d’avoir sacrifié notre agriculture pour ne pas fâcher Bruxelles. Est-ce une faute ? Est-ce un crime ?

Notre problème, ce n’est pas l’existence de l’Europe comme entité géographique ou culturelle, ce n’est même pas l’Europe comme projet de coopération politique ou économique, c’est l’autocratique UE comme vecteur d’une idéologie liberticide et destructrice de valeur. Quand va-t-on remettre de l’ordre à Bruxelles ? Il est urgent de réaffirmer constitutionnellement la primauté de notre droit national sur le droit européen, d’annuler un certain nombre de normes qui s’imposent à nos agriculteurs, et de fermer nos frontières aux produits des pays qui ne les respectent pas. Qui aura le courage de le faire ? Et à ceux qui me disent : « ce n’est pas possible, on a signé des traités qui nous en empêchent ; on n’a donc pas le droit de faire cela ; on risquerait des amendes », laissez-moi répondre ceci :

De tout temps, on a signé des traités ; de tout temps on a, au pire violé, au mieux suspendu en l’attente de renégociation, ces traités. Prétendre qu’on ne peut pas contrevenir à la loi commune européenne, c’est prétendre qu’un automobiliste ne peut pas rouler plus vite que la vitesse autorisée. Notre quotidien à tous nous montre que l’on peut parfaitement, tout en en acceptant les conséquences, violer la loi, et chacun sait que si sa vie est en danger, ou qu’on doit conduire à l’hôpital un blessé grave, il se moquera des limitations de vitesse. Enfin, la France risquerait des amendes… laisse-moi rire ! …, C’est nous qui payons, c’est à nous de mettre aujourd’hui une forte amende à la Commission européenne, en refusant de payer une partie significative de notre contribution, au prétexte que son fonctionnement ne nous convient pas, et d‘en exiger une remise à plat. Quant au risque de se voir exclu de l’EU… autre crise de fou rire… le BREXIT nous a mis en position de force ; merci aux Britanniques ! L’UE accepterait-elle de ne fonctionner qu’avec l’Allemagne, ses satellites, et quelques pays du sud ? Un nouveau Reich allemand ? – traduire ici « Reich pour « Empire » – le quatrième…

On voit Gabriel Attal s’évertuer à trouver des solutions. Il ne pourra que creuser un peu plus le déficit abyssal de nos comptes publics en distribuant quelques aumônes qui ne règleront rien. Le problème est structurel ; rien ne pourra être réglé sans s’attaquer à la Commission européenne, au lobby agroalimentaire et à la grande de distribution, symboles de cet attelage fatal que je dénonce à longueur d’article, en ces termes, de la Bureaucratie et du Marché. Mais notre Président roule pour cet attelage et n’y touchera pas. Oui, le Président Emmanuel Macron, qui déclarait il y a peu qu’il n’existe pas de culture française (il ne parlait pas d’agriculture), ne fera rien de tout cela, car il adhère totalement à l’idéologie mondialiste et bureaucratique de la Commission, et il est aujourd’hui son complice avant d’être demain son candidat à la Présidence de l’Europe. Ayons donc au moins la pudeur de faire silence et de laisser les agriculteurs mourir tranquilles.  

Un réarmement démographique ?

C’est notre président qui en a parlé en ces termes, nous apportant de nouvelles preuves de ses talents de communicant. C’est bien un fils de com, pour le meilleur et pour le pire, capable de trouver toujours le mot juste pour marquer les esprits. Sandrine Rousseau, que je cite aussi peu que je l’apprécie, lui a répondu la semaine dernière plusieurs choses dont je reprends deux extraits : « Je vais vous dire et ça va être choquant, mais la baisse de la natalité fait partie des variables qui sont rassurantes » ; et puis encore : « On n’a pas besoin, pour notre système économique, d’avoir plus d’enfants et je le dis en tant qu’économiste ».

À l’évidence, voilà bien un sujet de fond qui mériterait un vrai débat, je veux dire authentiquement démocratique, puis la proposition d’un plan (croissance/décroissance) et une consultation populaire par référendum. Nous n’aurons rien de cela, car nous ne vivons pas en démocratie, mais dans un système de gouvernance où le pouvoir est partagé entre une classe politique qui a perdu de vue ses électeurs, des hauts fonctionnaires faillis, et les tenants du Marché qui ne voient que leurs intérêts.

Et si ce débat nécessaire devait alors lieu, il mettrait en lumière au moins quatre dimensions à la question démographique : géopolitique, économique, environnementale, sociétale. Et j’en néglige ici faute d’inspiration…

D’un point de vue géopolitique, et c’est là où l’on peut parler de réarmement, il faut bien considérer que la démographie est ou a été une arme. On sait que les politiques natalistes menées entre les guerres européennes ou mondiales avaient comme premier objectif de produire des combattants, voire de la chair à canon. Et on comprend que cette question doit travailler le gouvernement israélien. Car on se souvient de la menace lancée par Boumediene, l’ancien président la République Populaire et Démocratique Algérienne, à la Tribune de l’ONU en 1974 : « Avec le ventre de nos femmes nous vaincrons l’Occident ». Plus récemment, Recep Tayyip Erdogan a condamné les idées mêmes de contraception et de planning familial en ces termes : « Nous allons accroître notre descendance. On nous parle de planning familial, de contrôle des naissances. Aucune famille musulmane ne peut avoir une telle approche. Nous suivrons la voie indiquée par Dieu et notre cher prophète ». Faut-il se réarmer démographiquement en vue d’une guerre de civilisation ? Personnellement, je suis pacifiste, car je ne crois pas à la guerre comme solution à un quelconque problème. Mais un pays doit être suffisamment armé pour défendre son intégrité territoriale, ses citoyens et ses valeurs, et surtout l’être de manière dissuasive. Reste à faire les bons choix… Et peut-être vaut-il mieux, en la matière, faire confiance à la mécanique plutôt qu’à l’humain, produire des bombes aussi précises que possible plutôt que de la chair humaine combattante. D’ailleurs ce débat a déjà été tranché en France par Jacques Chirac qui, en préférant en 1997 une armée de métier à une de conscris, a confirmé l’importance « relative » du nombre de combattants. Et la France n’est pas Israël. En conclusion, on ne peut justifier la relance de la natalité dans un objectif de réarmement. C’est pourtant le terme qui a été choisi.

Sur l’aspect économique, qui est le seul qui intéressera toujours notre président, Sandrine Rousseau a raison, d’un certain point de vue… L’économie n’a pas besoin, pour produire, d’hommes et de femmes – ni bientôt pour livrer. Et de toute façon, compte tenu de tous ces fonctionnaires inutiles que l’on pourrait réaffecter à des tâches de production et nos millions de chômeurs – plus de sept millions déclarés à Pole Emploi, mais comme pour les immigrés, nul n’en connait vraiment le nombre –, la question n’est pas là. Même s’il existe objectivement des métiers en tension : chercheurs, médecins spécialistes, urgentistes, électromécaniciens bien formés, professeurs, électriciens automobiles, chefs d’équipe dans le bâtiment, secrétaires connaissant l’orthographe, hôtes ou hôtesses d’accueil dans les administrations – des vrais gens pour régler les problèmes en lieux et places des machines qui le créent –, etc., etc.  Et si l’économie a besoin de gens, c’est de consommateurs, quitte à ce que ces consommateurs soient sans emplois, mais allocataires aux revenus suffisants pour faire tourner les supermarchés et absorber la production chinoise. Mais cela au profit de qui ?

Et sur le plan environnemental, tout consommateur est évidemment un pollueur. Il suffit de constater comment la France s’est urbanisée en un demi-siècle et comment nous avons partout détruit, pollué…

Reste la dimension sociétale. Je continue à penser que la promiscuité est un facteur important d’accroissement de la violence. En France, comme partout en Europe et plus largement en Occident, nous sommes trop nombreux. Une décroissance de la population, au moins à court terme, « je vais vous dire et ça va être choquant » ça ne me fait pas peur. Quant à s’attaquer à la perte de la fertilité, c’est un enjeu de santé publique, chaque couple devant pouvoir librement choisir d’avoir des enfants ou pas. Mais reste le problème du grand remplacement qui, dans certains départements, est une réalité mesurable. Je lis dans l’excellente étude de Jérôme Fourquet de « La France d’après » qu’en Seine-Saint-Denis, depuis 2021, plus de la moitié des enfants déclarés portent à la naissance un prénom musulman. À partir de quel seuil sur l’ensemble du territoire (50 %, 75 %, 90 % ?) nos esprits bien-pensants accepteront-ils d’y voir un problème de société ? Mais j’ai peur que ce soit déjà trop tard.   

Reste la question, non pas de l’immigration, mais du grave problème de défaut d’assimilation d’une population trop nombreuses à ne pas partager les valeurs occidentales. Nous n’avons ni la vocation ni la possibilité de répondre à la misère du monde, mais seulement le devoir, dans une certaine mesure, de porter assistance à des personnes qui partagent nos valeurs et sont menacées dans leur pays pour des raisons idéologiques. Pour le reste, nous pourrions nous inspirer de certains pays comme le Canada, qui a une politique dynamique d’immigration : sur dossier, une immigration ouverte à des personnes qui maitrisent, à l’écrit comme à l’oral, la langue du pays d’accueil, qui déclarent partager ses valeurs, et qui peuvent justifier de ce qu’ils peuvent apporter : formation diplômante, savoir-faire, projet personnel…

Oui, Sandrine Rousseau…

Mais je rajoute trois lignes, sans vouloir jouer au petit Clausewitz. Si la question du réarmement démographique se pose en ces termes, peut-être vaudrait-il mieux transformer l’OTAN en Alliance Occidentale de Paix, alliance armée, puis rappeler à la Russie que, si elle devait se souvenir un jour de ses racines judéo-chrétiennes, cette Alliance pourrait lui était ouverte. Et puis être prêts à se défendre, sans agressivité inutile.  

Un peu de tambouille politicienne

Ne relisons que le premier article de notre constitution car le reste du texte nous gaverait un peu. On y affirme que notre République est « indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Mais, comme les jeunes pourraient le dire s’ils s’intéressaient à ces sujets, c’est un peu du pipeau. Disons-le autrement : c’est une formule qui se veut performative, mais qui ne performe plus… vœux pieux d’une république laïque et sans âme qui n’a jamais été plus divisée (les territoires perdus de la république…), plus impuissance et fragile face à l’islamisation de la société, moins démocratique (usage inconsidéré du 49.3, et refus absolu des référendums…). Et son président, dont l’engagement européen ruine notre démocratie déjà fortement débilitée, est antisocial et, jusqu’à ces derniers mois, a beaucoup cédé aux musulmans radicaux à la grande joie de l’extrême droite qui sait que ces renoncements lui ouvrent grandes les portes du pouvoir.

Et il vient donc de remanier son gouvernent, restant fidèle à son principe : « Tout changer pour que rien ne change ». Il lui a donc fallu faire preuve d’imagination pour sortir de l’impasse où il se trouvait et promouvoir un schéma inédit, quitte à surprendre. Et dans le but de maintenir En Marche des institutions qui pourtant ne fonctionnent plus ; et maintenir son cap : brader la souveraineté nationale au nom d’une souveraineté européenne dont on ne comprend pas l’équation, contenir les classes populaires dans leur précarité, rouler cheveux au vent pour la haute bourgeoisie, quitte à sacrifier les classes moyennes. Il lui faut donc transférer le pouvoir, tout le pouvoir, à une bureaucratie européenne dont il se voit futur Président, mais aussi maintenir le reste en l’état quitte à opérer des corrections, recalages, replâtrages. Et tout cela « vendu » par des bonimenteurs rompus à tous les artifices de com, costume-cravate et main sur le cœur.

Oui, Emmanuel Macron est un conservateur bourgeois qui s’inscrit dans une filiation mitterrandienne. Mais il est intelligent, doué pour la com et les calculs politiciens. Et comme il n’a plus de majorité dans une Assemblée de plus en plus marquée à droite, il réinvente de manière assez habile la cohabitation qui s’impose. Il constitue un gouvernement de droite en puisant chez les Républicains, (Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Rachida Dati, Catherine Vautrin, Christophe Béchu, Sébastien Lecornu) en prenant comme Premier ministre un proche, ancien socialiste. Si cela ne s’appelle pas innover… Et c’est l’avantage assez génial de se prétendre « ni de droite ni de gauche », ni du centre : From nowhere ! Un président de droite et un gouvernement de gauche, tout comme l’inverse, cela s’appelle une cohabitation (invention mitterrandienne), un président de nulle part et un gouvernement de droite ou de gauche, cela s’appelle… en fait, je ne sais pas… invention macronienne. Mais cela est nouveau, disruptif, et ne semble avoir qu’un objectif, celui de maintenir aux affaires ceux qui nous gouvernement depuis des décennies : les socialistes mitterrandiens et les républicains chiraquiens, ceux-là mêmes qui nous ont envoyé dans le mur – on se souviendra d’ailleurs que Jacques Chirac fut Premier ministre sous François Mitterrand et que leur mariage de circonstance fut plutôt harmonieux. Et tout cela « protège » notre constitution de toute réforme qui permettrait de repartir dans une autre direction. Comme un épandage de glyphosate qui, parait-il est un antibiotique, et qui stériliserait le Système en l’empêchant de muter. Mais si l’image vous gêne, parlons de la momification d’un corps politique garantissant sa stabilité biologique. D’autre, par d’autres images, nous expliqueront que, coincés dans de profondes ornières, notre véhicule institutionnel est prudemment à l’arrêt.

Et je conclus cette courte chronique sur un remaniement qui ne mérite pas plus d’attention, en ironisant sur les vœux que certains ont exprimé : « que ce nouveau gouvernement réussisse ». Mais réussisse à quoi ? Qui connait la feuille de route de M. Attal ? Qu’il réussisse à contenir les revendications des classes populaires en muselant le peuple ? Réussisse à empêcher aux prochaines élections européennes une déroute de Renaissance et un triomphe du Rassemblement National ? Réussisse à terminer le transfert de la souveraineté populaire vers la bureaucratie bruxelloise ? Réussisse à rendre les plus riches encore plus riches, quitte à rendre les plus pauvres encore plus pauvres ? Réussisse à éradiquer dans l’esprit des gens tout désir de liberté ? Qui peut le dire et qui peut comprendre un président capable d’autant de contradictions apparentes : nommer Gabriel Attal à l’éducation après Pap Ndiaye, ou Rachida Dati à la culture après Rima Abdul Malak – j’ai seulement retenu de cette dernière qu’elle avait été Directrice des programmes de Clowns sans frontières ; ça ne s’invente pas. Mais, dans le même temps, il conserve les mêmes ministres en charge du régalien (Finances, Police, Justice, Armées…). À croire que pour les ministères qu’il juge sérieux, il ne fait pas n’importe quoi, mais que, pour le reste, il s’en moque un peu et peut se permettre de faire de la com, de jouer, comme un gamin avec un hochet, de nommer même des ministres complaisants avec le wokisme pour donner quelques gages. Ce qui montre assez le mépris qu’il a pour ces ministères, mais aussi pour nos institutions qui sont appelées à disparaitre, dissoutes par les institutions eurépéennes.

Mes vœux pour 2014

 Je prolonge cette idée de lent raffinage des valeurs – une façon pudique et élégante d’évoquer la vieillesse – pour témoigner du fait qu’il ne faut pas aller chercher bien loin les fondements de la morale. Et que les trouvant dans la nature, c’est-à-dire dans la vérité indépassable des êtres et des choses, nous pourrions la formuler ainsi : Chacun de nous ayant des capacités innées et acquises propres, notre liberté, mais plus encore notre devoir, est d’en user avec tempérance et sans excès, dans le respect des autres et de nous-mêmes. Rajoutons : et d’en assumer la responsabilité. Car la vie n’est qu’un trop court moment de jouissance ; et qui ne trouve précisément sa justification que dans la jouissance qu’elle rend possible à des êtres conscients. Et les concepts de droit et de liberté s’inscrivent dans ce cadre naturel déterminé par Dieu, selon les plus optimistes, ou par une forme de fatalité, si l’on veut prendre toute la mesure de ce flacon à moitié plein, mais toujours trop vide, ou bien encore, selon d’autres conceptions, par un hasard obéissant à des lois mécaniques et probablement relativistes. Et si nous pouvons revendiquer ce droit naturel, qui est aussi celui de vivre selon notre nature, nous devons aussi comprendre et accepter que les autres en usent pareillement. Tout le reste, c’est un peu de la littérature… en fait, un peu moins que cela, de la philosophie qui tourne en rond autour d’un point nodal, gordien, qu’elle cherche, un peu comme en cuisine on épluche un oignon en espérant en trouver le cœur ; ou, si l’image ne vous parle pas, comme les anciens investiguaient la matière en quête de l’insécable constituant : insécable, en grec ἄτομος [átomos], l’atome. Il faut donc, de mon point de vue, s’en tenir à la nature, ce qui n’est ni facile à conceptualiser ni si simple à faire. Mais, plus les années passent et plus j’entrevois mon retour prochain à l’humus de la nature, plus j’y vois, un peu comme Épicure ou Diogène, l’alpha et l’oméga de notre existence. Mais, formellement, on peut choisir d’exprimer cette vérité première et ultime de plusieurs manières, suivant différentes écoles philosophiques. Mais comment le dire plus simplement qu’en évoquant la liberté d’être ce que la nature et la vie nous ont fait et d’exercer ses dons dans le respect des autres ? « La liberté des uns s’arrête là ou commence celles des autres », autrement dit, un intérêt général qui ruine les libertés individuelles n’est pas moralement acceptable. Et les seuls débats démocratiques que nous devrions avoir – c’est un vœu pieux, mais vain, pour 2024 – sont d’une part celui du transhumanisme et d’autre part celui de la dérive totalitaire des systèmes bureaucratiques.

D’abord le transhumanisme, car c’est un nihilisme, ce qu’il faut bien comprendre… Car le transhumanisme est l’ultime étape d’un projet qui, après avoir réifié le monde, exploité la nature et l’homme, veut s’affranchir définitivement de la nature en concevant in vitro un transhumain non naturel. Et violer la nature en prétendant la dépasser, c’est briser le cadre moral naturel, c’est-à-dire saper les fondements de la morale. Une certaine façon de réaffirmer de manière définitive « Dieu est mort ». Et lorsque je reprends cette formulation nietzschéenne, je pense d’abord à la clarification de Spinoza « Deus sive natura ». Le nihilisme s’exprime ainsi : « Dieu, c’est-à-dire la nature, c’est mort ! », on s’en fout… Nique ta mère ! – et ton père… Dieu ou Maïa… La « morale » transhumaniste sera, non pas transhumaine, inhumaine, mais sans cadre, et surtout sans fondement, non pas comme une ile dont le socle sous-marin se détacherait du plancher océanique et qui dériverait sur le grand bleu, poussé par les courants, ballotté par le vent, mais comme tout un continent à la dérive : une morale amorale, sans valeur, ou du moins sans autres valeurs que consumériste.

L’autre question qui mériterait enfin un vrai débat est celle des libertés. Au prétexte de protéger notre vie, notre santé, notre confort, notre avenir, une autre prétendue morale « humaniste », les systèmes bureaucratiques qui gouvernent nos vies n’ont de cesse de raboter nos libertés, alors que le seul objet de la politique est de garantir les libertés individuelles et une forme de justice sociale. Les libertés individuelles forment – reprenons cette expression pour insister sur ce parallèle – l’alpha et l’oméga de la politique. Et le système qui nous gouverne, tiré par l’attelage fatal du Marché et de la Bureaucratie, peut être jugé à l’aune de ce principe. Faisons l’exercice ! Nous perdons chaque année des libertés individuelles et la justice sociale est de moins en moins garantie dans un monde où l’écart entre les riches et les pauvres ne cesse de croitre. Et notre sécurité n’est même pas assurée par des policiers équipés comme des soldats au front. Parler de faillite n’est donc pas une outrance. Pourtant la classe politique qui en assume une partie de la responsabilité n’envisage pas de dégager, elle s’accroche à ses privilèges… Et le système n’envisage pas de se réformer : aucun parti politique de La France Insoumise au RN ne propose de changer de système ; ils veulent seulement prendre le pouvoir et en jouir.

L’humanité est donc en train, sans l’avoir vraiment décidé, mais guidé par une prétendue élite de responsables de très grandes entreprises et de hauts fonctionnaires, dans une relative indifférence générale, de poursuivre sa longue marche vers des terres désertiques, un eldorado fantasmé et fatal, après avoir rompu avec tout ce qui pouvait lui servir de cadre moral, et avoir cassé la seule boussole qui pouvait encore l’aider à ne pas se perdre : la perspective de la liberté humaine. Bonne année et bonne route !

Youpi! nouvelle année

On est toujours condamné à se répéter ou à se contredire. Je ne crois pas me contredire beaucoup… mais est-ce vraiment une qualité ? Et à défaut de raffinement, les années qui s’accumulent, comme des boites de conserve vides entassées dans une décharge, forment un lent processus de raffinage de mes angoisses et de mes colères. Non seulement je comprends aujourd’hui mieux ce que je suis, mais je l’accepte comme une fatalité décrétée par un esprit malin, un sacré esprit malin ludique jusqu’à la perversion. Notez que j’avais écrit ici : « putain d’esprit malin », mais vous n’aimez pas les grossièretés, et puis « sacré » renvoie à une dimension divine, celle d’un ange déchu qui s’amuse, lassé des frasques d’une Lilith qui lui est devenu un peu ce que Xanthippe est à Socrate, une chieuse. En fait, il faudrait creuser tout cela, labourer cette matrice à coup de tête ou de rein. Mais ma langue s’égare et je sens qu’à tant de grivoiserie, vous allez vous fâcher. Pourtant, si je me sens prêt à entrer bientôt en enfer, c’est à condition que Lilith en soit la gardienne… Xanthippe, non ! j’ai déjà donné, et cet enfer dure…

Je parlais de raffinage car je peux, à l’infini du temps de ma vie – c’est Woody Allen qui disait que l’éternité c’est long, surtout vers la fin ; pensait-il à Xanthippe ? – commenter ce que je vois, ce que je comprends et pense. Mais je vois trop que j’en reviens toujours au même point, au même niveau de colère et d’angoisse. Et si je suis né comme ça, je mourrai mêmement, que cela vous plaise ou non. Cette modernité de merde, entièrement formatée par l’attelage du Marché et de la Bureaucratie gouvernementale sur un mode consumériste, me gave ; et me révulse tant je pense qu’une autre modernité était possible. Et ses valeurs qui ne sont que des contrevaleurs me font gerber. À vingt ans, je « militais » déjà, un peu naïvement, dans un groupuscule anarchiste. Bien des années plus tard, alors que la logique, le syndrome « Dany le Rouge » devrait être, qu’en prenant des rides, du ventre, et en perdant ses cheveux, on devienne macroniste, je suis en fait devenu ce que j’étais déjà, mais en plus enragé, en plus radical, en plus désespéré. Et j’ai envie de vous crier à tous « je suis toujours un anarchiste et je vous emmerde… » Un anarchiste modèle « Élisée Reclus », libertaire, démocrate tout en étant anti parlementariste, anti religieux sans être nécessairement athée, non-violent mais sans faiblesse – je t’aimerai si je le peux, je te tuerai si je le dois –, féministe en assumant ma virilité (bien qu’aujourd’hui assez fatiguée), naturaliste, écologiste… Un mélange improbable et écartelé entre Proudhon et Tolstoï, Thoreau et Jean-Marie Guyau, Arendt et Ain Rand, Weil et Camus, sans oublier Nietzche, l’antéchrist. Et puis, et puis… individualiste jusqu’au bout du bout, « jusqu’au trognon » pour paraphraser Céline, méprisant les normes, les modes, le politiquement correct, la culture institutionnalisée. Enfin, je suis, bien malgré moi, un mal blanc occidental et capable d’écrire cent essais pour dire tout le mal que je pense de la civilisation judéo-chrétienne. Mais c’est ma famille, c’est comme ça ; et si demain il faut entrer dans une guerre de civilisation, je ferai ce que Reclus fit pour la Commune de Paris, je prendrai les armes pour défendre mes racines, si douteuses soient-elles, et si les forces me manquent, ma hargne de bête fatiguée y palliera.