De l’aurore du monde au matin d’aujourd’hui

Je fais souvent ce rêve étrange… Souvent ! ; en fait depuis l’enfance, aussi incroyable que cela paraisse. Un rêve si étrange et si souvent renouvelé sous des formes inépuisables, mais chaque fois différentes. Cette nuit, encore…

J’étais vivant, évidemment ; sans âge bien précis. Je n’avais ni faim ni froid ; aucune souffrance physique n’alourdissait mon corps. J’étais donc, en rêve, vivant, bien vivant, mais on m’avait ôté ma vie. Je me trouvais en un lieu inconnu, urbain et densément peuplé, sans possibilité de situer ce lieu que je ne reconnaissais pas ; sans voiture et sans moyen moderne de communication. Mais communiquer avec qui ? Je n’avais personne à appeler et surtout aucun endroit où me rendre. Personne ne m’attendait. J’étais sans buts, sans histoire, étranger au monde qui m’entourait. J’imagine que Patrick McGoohan, l’auteur de cette série télévisée des années 60, « Le prisonnier », avait lui aussi fait de manière récurrente ce même rêve, sans doute pour des raisons traumatiques semblables.

Avoir perdu sa vie, tout en étant vivant ; être parmi des gens qui ne vous voient pas, sans rien à leur dire, rien à leur demander. Avoir basculé, comme on passe une porte, dans un monde étrange, en fait étranger à soi, un monde sans rien à soi, rien de connu ; un monde sans parents, sans amis, sans travail, sans fonction sociale, sans souvenirs et sans devenir ; un monde que vous ne connaissez pas et qui vous ignore, où tout est extérieur à vous et où vous n’existez pas ; un monde où vous êtes étranger et qui vous est étranger, une sorte de néant. Un néant qui n’est pas rien, mais le contraire du tout. Le néant étant, ce qui reste quand vous avez tout ôté du monde. Il reste alors un grand vide, un vide infini, un vide plein du manque de ce qui aurait pu être, ou qui fut. Et j’existais dans ce néant où des ombres s’agitaient et vaquaient à des occupations dont j’ignorais tout, sans comprendre s’ils étaient des fantômes, ou si c’était moi qui l’étais.

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