Publicité et communication.

J’entendais il y a déjà quelques jours à la radio un publiciste parler de son métier comme d’un art de la communication. A l’évidence, c’est un bon professionnel qui sait trouver les mots qui vendent. Puis-je lui répondre par chronique interposée que la publicité n’est qu’une technique de vente et que si ces techniciens de la réclame utilisent souvent les formes de l’art du temps, cela ne change rien au fond. Car tout est bien dans le rapport de la forme au fond. Si l’on souhaite mettre en évidence que cette forme de communication mercantile donne de l’information, j’en conviens, mais tout est porteur d’informations. Tout objet, matériel ou immatériel, du fait de son accessibilité aux sens, est porteur d’informations que notre intelligence est capable d’ordonner et de comparer pour faire sens. Mais la publicité ne peut être présentée comme simple pourvoyeuse d’informations : elle en donne si peu dans des spots si cours, des images réduites à une formule lapidaire sur un fond évocateur – alors qu’elle est essentiellement porteuse d’un message, injonctif mais subjectif, d’achat. Et c’est dans cette dialectique perverse et truquée du fond et de la forme que je vois la vérité de la publicité. Elle privilégie la forme sur le fond, au point de rompre tout lien de représentation intelligible entre fond et forme, pour privilégier, par cette déconnexion de la représentation, une association d’idées, de sentiments, qui permet de parler au consommateur, non pas du produit, mais de lui, consommateur, de sa vie, de ses frustrations, de ses désirs, et au bout du compte de flatter son égo, en promettant de le faire devenir ce qu’il ne deviendra pas. Et toujours en lui présentant des figures auxquelles il puisse s’identifier pour que, vendant la figure, l’archétype, le consommateur achète sans vraiment s’en rendre compte le produit. Et pourquoi le nier, tout cela me bluffe quelquefois, me séduit souvent, m’agace toujours. Car je vois trop bien la dimension aliénante de la publicité. Tout système totalitaire a besoin de propagande. Toute propagande est porteuse d’un message et révélatrice d’un dessein totalitaire. Il n’y aurait pas de « Société du spectacle »[1] sans publicité. Et la publicité a définitivement tué la politique. Quand le message politique se réduit à ce point, se condense dans une formule creuse écrite en gros caractères sur une affiche ou sourit un homme politique qui semble vous dire par ce petit sourire en coin « je vais bien vous baiser », alors, on peut s’interroger sur la capacité de l’humanité à briser ses chaines. La publicité porte ; car elle parle le langage de la vérité, mais cette vérité est celle de nos désirs, de notre inépuisable crédulité, de la vanité de nos espoirs, de l’illusion de nos choix. Et elle reflète une image, et nous donne à voir sous une forme épurée ce que nous sommes, non pas dans notre vie, car les hommes et les femmes que la publicité met en scène n’existent pas comme individus et ne sont que des types, des figures archétypales, mais dans notre tête ; ou, si nous ne sommes pas ainsi, encore, ce que nous devons devenir pour que le Système tienne, que le cirque continue, que la Société du spectacle perdure, tout cela pour le profit de quelque uns.



[1]. Rendons hommage à Guy Debord.

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