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Radical

Qu’est-ce qu’un esprit radical ? C’est un esprit d’une exigence déplacée qui souhaite sottement que soient mis en accord actes et discours ; c’est un esprit qui croit, naïvement, que l’on peut « faire ce que l’on dit », qui pense que l’éthique est à vivre, ou que la philosophie n’est pas seulement un exercice intellectuel réservé à une élite universitaire fonctionnarisée, mais que ce doit être plutôt et une optique et une posture assumée, nécessairement militantes. Un esprit radical est donc, par nature, utopiste, révolté, outrancier, agaçant, souvent stérile. Par exemple, ne sachant louvoyer, concéder, se prostituer, il est inapte à la politique, et n’est donc jamais en capacité de faire bouger les lignes. Triste tropisme. Le monde appartient à ceux qui croient, à dieu ou à la matière, qui croient aux idéaux, aux idées fétiches comme disait Marx, aux lendemains qui chantent. Le monde appartient aux esprits rationnels, à ceux qui acceptent la hiérarchie des choses matérielles ou idéelles. En fait, il appartient aux esprits religieux – croyants ou athées –, car la religion – si je peux paraphraser Feuerbach – n’est qu’une anthropologie. Disons-le autrement : le monde n’appartient pas aux individus entiers, mais aux êtres fragmentés. Pour les autres, ceux que j’appelle les mescréants, qui sont les vrais laïcs, il ne reste que l’inconfort de l’hétérodoxie que l’on vit dans les marges. Je veux désigner ainsi ceux qui n’ont pas reçu la grâce, ces pauvres bougres qui n’ont pas le don de croire et sont condamnés à vivre sans ce trésor que représente la foi, déiste ou matérialiste, l’espérance – insistons : qui ne font pas leurs, les trois vertus théologales.

Peut-on illustrer l’exorbitante exigence de ces esprits radicaux ? Par exemple en notant leur étonnement que n’existe pas en France de comité d’éthique capable de réfléchir sur les questions morales et d’assurer une veille critique sur la production législative, au regard de ces exigences. C’est vrai qu’il est surprenant que rien de tel n’existe dans notre pays qui se rêve pourtant comme le phare moral de l’humanité, qui se prétend berceau de l’humanisme et terre des Lumières, qui, non seulement conserve dans un pavillon du parc de Saint-Cloud le mètre étalon, mais aussi dans une arche d’alliance symbolique, les Tables de la loi gravées par le Dieu de la raison, sous la forme d’une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Oui, ces esprit rétifs s‘en émeuvent – hé, les sots ! dans les milieux populaires, on s’exclamerait, pour marquer cet étonnement, « Hé, les cons ! ». Ne peuvent-ils comprendre que, quand la classe politique nous rebat les oreilles ad nauseam avec les valeurs, sans généralement les citer ou les hiérarchiser, et sans jamais les promouvoir ou les défendre, elle ne fait que son travail en portant le seul discours que les électeurs sont capables d’entendre ? Ne peuvent-ils comprendre que la seule éthique qui vaille est celle du Marché, la seule valeur productive est le profit ? Il faut choisir entre la défense des valeurs ou la lutte contre le chômage…

Et puis, on serait tenté de leur répondre qu’existe un Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Mais, têtus qu’ils sont, plus obtus que des ânes, ils répondront qu’ils ne parlent pas de cela, qu’ils ne réduisent pas les questions morales à des problèmes de bioéthique et que le comité présidé par Jean-Claude Ameisen a un tout autre objet. Quant au conseil constitutionnel …