Tout à l’envers

La France est politiquement déliquescente, alors qu’elle n’a jamais été aussi centralisée et que l’État n’a jamais été aussi puissant ; et c’est un premier paradoxe, d’autant plus étonnant que, si l’on observe notre pays dans son autre dimension, celle de la nation, on est frappé de son état d’anomie.

Chacun le constate et attend la prochaine élection dans l’espoir d’un sursaut démocratique qui, pourtant, ne peut venir d’un système failli, tenu par une caste qui s’accroche à ses privilèges comme un chien qui refuse de desserrer les mâchoires et d’abandonner son os. En attendant, une partie de plus en plus importante de la population est reléguée, laissée dans un état de déréliction qui fait le lit de tous les communautarismes, et produit un populisme explosif.

Chacun sait que la crise est systémique, que notre république est au bout, et qu’il faudrait la refonder en reformulant la question première, celle de la démocratie ; opérer ce que l’on appelle, en langage religieux, une Réforme, et qui est bien l’inverse d’une révolution qui, elle, n’est que le retour du même, sous une autre forme. Regarder Hollande, ce n’est qu’un Sarko fardé de rose…

Notre cinquième république a fonctionné plus d’un demi-siècle ; mal, si l’on considère là où elle nous a menés. En fait, elle n’a jamais fonctionné, puisque dès 1962, elle a été profondément modifiée par l’instauration de l’élection du Président de la République au suffrage universel. Elle aura donc fonctionné, en son état d’origine, quatre ans, et je remarque que cette modification qui nous a fait entrer, sans en faire le constat, en sixième république, a été adoptée alors par 62,2% des suffrages exprimés, soit par moins de 48 % des inscrits (une minorité des citoyens). Et nous avons depuis un exécutif à deux têtes, le Chef de l’État et son Premier ministre.

Mais cet attelage typiquement français, mal foutu, ne fonctionne pas. En effet, le Premier ministre, constitutionnellement « produit » par la majorité des députés, devrait représenter l’Assemblée, donc la nation, alors que le Président est institutionnalisé Chef de l’État. Inversion des rôles, car l’élection de ce dernier au suffrage universel, en fait bien le vrai représentant « ultime » de la nation, le premier des Français ; et le chef du gouvernement, premier des ministres, responsable de l’administration, est le vrai chef de l’État.

Et l’on ne doit d’ailleurs jamais confondre le peuple et l’État.

Comment croire à la politique sans croire aux symboles et à la force des mots ?

Comment imaginer que puisse fonctionner un système politique, quand le prétendu Chef de l’État est en fait Chef de la nation, et que le premier représentant de l’assemblée populaire assume le rôle de chef de l’administration, donc de l’État ? Notre sixième république, qui est d’ailleurs devenue septième, après les modifications constitutionnelles de 2000, marche donc sur la tête. Dès lors, comment s’étonner qu’elle n’aille nulle part ?

On nous parle de révision constitutionnelle. C’est une sottise ; chacun le sait et le dit avec ses mots : bricolage politicien, bêtise, connerie, faute…

Pourtant, on pourrait imaginer, à défaut de le réécrire, adjoindre à notre texte constituant des amendements nécessaires, y introduction des principes fondamentaux qui ne peuvent se satisfaire d’une simple loi. J’en évoque trois qui touchent aux droits humains fondamentaux et aux valeurs :

– interdiction du commerce d’êtres ou d’organes humains,

– interdiction du commerce d’animaux sauvages[1],

– interdiction du commerce de données individuelles numérisées.

Les politiques sont-ils prêts à en discuter ? Non, car ce serait un frein au commerce, et une entrave à la seule valeur qui les touche : l’argent.

[1]. Un animal sauvage étant un animal qui n’est pas né en captivité.

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