J’ai toujours eu des réticences à l’affiliation sectaire, même si je reconnais volontiers ma dette envers EPICURE et confesse surtout mes sympathies pour les écoles fondées par ZENON de Kition et PYRRHON. Je reste d’ailleurs très marqué par la bonne vieille (mais saine) philosophie gréco-latine, philosophie qui a tout dit ou presque, et avec tant de clarté et souvent une belle élégance du propos. Néanmoins, les textes de PAUL ou d’AUGUSTIN ne me laissent pas indifférent, même si j’ouvre aujourd’hui plus souvent un ouvrage de NIETZSCHE ou un essai d’Hannah ARENDT que ma vieille bible. Mais, si je devais me définir philosophiquement, c’est-à-dire politiquement, j’utiliserais sans doute le terme de mescréant, assumant la désuétude du participant présent du verbe mescroire qui, par opposition à croire, signifiait en vieux français, d’abord ne pas avoir confiance, s’abimer dans cet état de perplexité, d’indécision où l’on doute de tout et de chacun, où l’on ne saurait dès lors se déterminer ; ou qui caractérise plus justement un état d’esprit, ou d’âme, où l’on se détermine, non pas sur une certitude, mais sur une impression, une intuition, ou peut-être l’envie de choisir comme on parie. J’admets trop souvent mescroire, et ne pouvoir, pour cette raison qui tient d’abord à ma conformation psychologique, me compter parmi ceux qui savent – ou croient savoir, et partant ne pouvoir m’encarter ici ou là. Pour cette raison, je n’ai confiance en personne et pas davantage en mon propre jugement et en mes capacités d’intuition ou d’analyse. Je ne possède nulle créance sur la vérité, nulle certitude, peu de convictions et si peu de foi, et dès-lors toute vérité assénée ad nauseam par les medias, l’opinion publique ou les tenants de la morale bourgeoise, les rhéteurs de tout poil, me parait suspecte. Je mescrois donc, non pas par refus de croire, ou croyant à tort – croyant si peu – mais par simple incapacité psychologique à croire.