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Un réarmement démographique ?

C’est notre président qui en a parlé en ces termes, nous apportant de nouvelles preuves de ses talents de communicant. C’est bien un fils de com, pour le meilleur et pour le pire, capable de trouver toujours le mot juste pour marquer les esprits. Sandrine Rousseau, que je cite aussi peu que je l’apprécie, lui a répondu la semaine dernière plusieurs choses dont je reprends deux extraits : « Je vais vous dire et ça va être choquant, mais la baisse de la natalité fait partie des variables qui sont rassurantes » ; et puis encore : « On n’a pas besoin, pour notre système économique, d’avoir plus d’enfants et je le dis en tant qu’économiste ».

À l’évidence, voilà bien un sujet de fond qui mériterait un vrai débat, je veux dire authentiquement démocratique, puis la proposition d’un plan (croissance/décroissance) et une consultation populaire par référendum. Nous n’aurons rien de cela, car nous ne vivons pas en démocratie, mais dans un système de gouvernance où le pouvoir est partagé entre une classe politique qui a perdu de vue ses électeurs, des hauts fonctionnaires faillis, et les tenants du Marché qui ne voient que leurs intérêts.

Et si ce débat nécessaire devait alors lieu, il mettrait en lumière au moins quatre dimensions à la question démographique : géopolitique, économique, environnementale, sociétale. Et j’en néglige ici faute d’inspiration…

D’un point de vue géopolitique, et c’est là où l’on peut parler de réarmement, il faut bien considérer que la démographie est ou a été une arme. On sait que les politiques natalistes menées entre les guerres européennes ou mondiales avaient comme premier objectif de produire des combattants, voire de la chair à canon. Et on comprend que cette question doit travailler le gouvernement israélien. Car on se souvient de la menace lancée par Boumediene, l’ancien président la République Populaire et Démocratique Algérienne, à la Tribune de l’ONU en 1974 : « Avec le ventre de nos femmes nous vaincrons l’Occident ». Plus récemment, Recep Tayyip Erdogan a condamné les idées mêmes de contraception et de planning familial en ces termes : « Nous allons accroître notre descendance. On nous parle de planning familial, de contrôle des naissances. Aucune famille musulmane ne peut avoir une telle approche. Nous suivrons la voie indiquée par Dieu et notre cher prophète ». Faut-il se réarmer démographiquement en vue d’une guerre de civilisation ? Personnellement, je suis pacifiste, car je ne crois pas à la guerre comme solution à un quelconque problème. Mais un pays doit être suffisamment armé pour défendre son intégrité territoriale, ses citoyens et ses valeurs, et surtout l’être de manière dissuasive. Reste à faire les bons choix… Et peut-être vaut-il mieux, en la matière, faire confiance à la mécanique plutôt qu’à l’humain, produire des bombes aussi précises que possible plutôt que de la chair humaine combattante. D’ailleurs ce débat a déjà été tranché en France par Jacques Chirac qui, en préférant en 1997 une armée de métier à une de conscris, a confirmé l’importance « relative » du nombre de combattants. Et la France n’est pas Israël. En conclusion, on ne peut justifier la relance de la natalité dans un objectif de réarmement. C’est pourtant le terme qui a été choisi.

Sur l’aspect économique, qui est le seul qui intéressera toujours notre président, Sandrine Rousseau a raison, d’un certain point de vue… L’économie n’a pas besoin, pour produire, d’hommes et de femmes – ni bientôt pour livrer. Et de toute façon, compte tenu de tous ces fonctionnaires inutiles que l’on pourrait réaffecter à des tâches de production et nos millions de chômeurs – plus de sept millions déclarés à Pole Emploi, mais comme pour les immigrés, nul n’en connait vraiment le nombre –, la question n’est pas là. Même s’il existe objectivement des métiers en tension : chercheurs, médecins spécialistes, urgentistes, électromécaniciens bien formés, professeurs, électriciens automobiles, chefs d’équipe dans le bâtiment, secrétaires connaissant l’orthographe, hôtes ou hôtesses d’accueil dans les administrations – des vrais gens pour régler les problèmes en lieux et places des machines qui le créent –, etc., etc.  Et si l’économie a besoin de gens, c’est de consommateurs, quitte à ce que ces consommateurs soient sans emplois, mais allocataires aux revenus suffisants pour faire tourner les supermarchés et absorber la production chinoise. Mais cela au profit de qui ?

Et sur le plan environnemental, tout consommateur est évidemment un pollueur. Il suffit de constater comment la France s’est urbanisée en un demi-siècle et comment nous avons partout détruit, pollué…

Reste la dimension sociétale. Je continue à penser que la promiscuité est un facteur important d’accroissement de la violence. En France, comme partout en Europe et plus largement en Occident, nous sommes trop nombreux. Une décroissance de la population, au moins à court terme, « je vais vous dire et ça va être choquant » ça ne me fait pas peur. Quant à s’attaquer à la perte de la fertilité, c’est un enjeu de santé publique, chaque couple devant pouvoir librement choisir d’avoir des enfants ou pas. Mais reste le problème du grand remplacement qui, dans certains départements, est une réalité mesurable. Je lis dans l’excellente étude de Jérôme Fourquet de « La France d’après » qu’en Seine-Saint-Denis, depuis 2021, plus de la moitié des enfants déclarés portent à la naissance un prénom musulman. À partir de quel seuil sur l’ensemble du territoire (50 %, 75 %, 90 % ?) nos esprits bien-pensants accepteront-ils d’y voir un problème de société ? Mais j’ai peur que ce soit déjà trop tard.   

Reste la question, non pas de l’immigration, mais du grave problème de défaut d’assimilation d’une population trop nombreuses à ne pas partager les valeurs occidentales. Nous n’avons ni la vocation ni la possibilité de répondre à la misère du monde, mais seulement le devoir, dans une certaine mesure, de porter assistance à des personnes qui partagent nos valeurs et sont menacées dans leur pays pour des raisons idéologiques. Pour le reste, nous pourrions nous inspirer de certains pays comme le Canada, qui a une politique dynamique d’immigration : sur dossier, une immigration ouverte à des personnes qui maitrisent, à l’écrit comme à l’oral, la langue du pays d’accueil, qui déclarent partager ses valeurs, et qui peuvent justifier de ce qu’ils peuvent apporter : formation diplômante, savoir-faire, projet personnel…

Oui, Sandrine Rousseau…

Mais je rajoute trois lignes, sans vouloir jouer au petit Clausewitz. Si la question du réarmement démographique se pose en ces termes, peut-être vaudrait-il mieux transformer l’OTAN en Alliance Occidentale de Paix, alliance armée, puis rappeler à la Russie que, si elle devait se souvenir un jour de ses racines judéo-chrétiennes, cette Alliance pourrait lui était ouverte. Et puis être prêts à se défendre, sans agressivité inutile.  

Deux actualités

Je m’étais promis de ne plus parler de politique, ou d’en parler moins, de m’en extraire ; aussi, parallèlement à l’écriture d’un roman qui progresse trop lentement – une façon de m’échapper de l’actualité en faisant un retour à 1984, l’année –, je préparais un court texte sur le « Socrate de Platon », comme on pourrait dire le « Jésus de Paul de Tarse », celui du chemin de Damas. Mais l’agacement étant trop grand, je veux évoquer deux actualités, sans rapport ; encore que… L’affaire Abad et la tuerie de ce jour, au Texas, et porter sur ces actualités un regard proprement « philosophique ». Socrate attendra.

Oui, la philosophie est d’abord un regard, une « optique », et je rajouterai, quitte à paraphraser un peu Levinas, « une optique spirituelle » – il écrit en effet dans « Totalité et infini » que « L’éthique, déjà par elle-même, est une « optique » ; et ailleurs que « L’éthique est l’optique spirituelle ».

Évidemment, je n’ai rien à dire sur les accusations de viol portées contre Damien Abad, du moins rien d’original. Mais j’entendais Sandrine Rousseau exiger la démission du nouveau ministre des Solidarités, en déclarant sur RTL, hier 24 mai : « Il doit être démis par principe de précaution ».https://www.youtube.com/watch?v=T7wSod9Jni8

Et je veux m’arrêter sur cette phrase qui montre, non pas au fond, mais sur la forme ce qu’est le wokisme : une escroquerie intellectuelle grossière qui consiste à mésuser des mots et des concepts, dans une pure démarche de propagande moraliste. Faut-il rappeler qu’une militante écologiste ne devrait pas abuser les auditeurs avec un principe de précaution – aujourd’hui entré dans notre constitution – qui a été défini et entériné lors du sommet de Rio de 1992, et qui expose que « malgré l’absence de certitudes, à un moment donné, due à un manque de connaissances techniques, scientifiques ou économiques, il convient de prendre des mesures anticipatives de gestion de risques eu égard aux dommages potentiels immédiats et futurs sur l’environnement et la santé ». Transposons le cas à M. Abad, puisque la militante écolo-féministe woke nous y invite en nous proposant de faire ce pas idéologique de la vessie à la lanterne : nous n’avons effectivement aucune certitude sur l’existence, chez lui, de pulsions sexuelles irrépressibles de nature à le pousser au viol. Mais où est le « risque eu égard aux dommages potentiels immédiats et futurs … » ? Risque qu’il agresse Mme Borne ou une autre ministre en Conseil ? Si risque il y a, la solution n’est pas de lui interdire l’accès à Matignon ou aux bureaux de son ministère, car ce ne serait que déplacer le problème ; la seule façon de réduire le risque à zéro serait de l’enfermer. On voit donc, sujet politique sans doute, mais débat philosophique surtout, que s’opposent ici deux principes, la présomption d’innocence et le principe de précaution. Et là où Sandrine Rousseau se montre être une « escroque », c’est quand elle confond présomption d’innocence et d’innocuité, pour pervertir, façon woke, un principe de précaution environnementale que tout le monde accepte, en un prétendu principe de précaution morale tout à fait contestable, car nauséeux. Et elle utilise alors toute la triste mécanique woke : torsion des concepts, injonction morale, dialectique sophistique et foireuse, pensée totalitaire. Pourquoi totalitaire ? Car considérer que l’on peut disqualifier, écarter, ostraciser une personne dont on ne peut encore contester l’innocence, c’est une démarche totalitaire récurrente des régimes les plus détestables, car elle permet d’enfermer tous les suspects, toutes les personnes dénoncées, dans une démarche trop connue. Et on comprend alors pourquoi on lit parfois, s’agissant d’un certain écologisme, cette formule de Khmers verts.

Autre sujet, encore plus dramatique – et si l’on peut faire peut-être un lien, entre les deux, c’est par la violence des images de notre société que les médias nous renvoient : une nouvelle tuerie dans une école aux États-Unis. Comme si la guerre en Ukraine ne suffisait pas… J’entends déjà que certains plaident ici et là-bas sur la nécessité d’interdire la vente d’armes. Et je suis étonné que comme pour le dérèglement climatique – oui, j’ai bien l’intention de mélanger un peu les choses –, on ne souhaite jamais aller au fond des choses, orientant puis focalisant les problèmes loin de leurs causes, comme si on ne voulait surtout pas y aller vraiment voir. Nos vrais problèmes, et ils sont liés, sont, non pas le dérèglement climatique, mais la destruction de l’environnement qui a bien d’autres conséquences, aussi graves que la dérive climatique ; non pas la circulation des armes, mais la violence de la société américaine, c’est-à-dire, pour une grande part des médias. Et je pense à cette formule de Régis Debray, peut-être entendue à la radio – je ne sais plus – qui disait que les états européens étaient devenus des pays américains comme les autres. Il le redit d’ailleurs dans un de ses dernières parutions, « le siècle vert », l’an passé, en nous traitant de « gallo-ricains ».

Et c’est pourquoi, je ne veux débattre ni du dérèglement climatique ni de l’interdiction de la vente des armes, me réservant pour des débats qui n’auront pas lieu, du moins tant que les médias ne sortiront pas de leur médiocrité et donneront à entendre sans la dénoncer la pensée woke. Et d’ici là, je vais revenir à Socrate.