Un don financier n’est jamais une preuve de hauteur morale, mais ne prouve évidemment pas plus le contraire, et je ne tomberai pas dans cet ornière dogmatique qui conduit à croire que le pauvre serait par nature plus honnête que le riche (trop riche pour être honnête …), ou que son comportement serait plus moral que celui de l’homme fortuné. L’argent n’a pas grand-chose à voir avec la morale, et l’un et l’autre ne sont pas incompatibles, même si Paul de Tarse a écrit dans une de ses épitres (celle à son disciple Timothée) que « l’amour de l’argent est la racine de tous les maux » (1 Tm 6, 10). Mais je ne confonds pas l’argent et la cupidité. Et la pauvreté, comme la souffrance, ne sauve pas, et si la fatalité souscrit à notre égard et sur le registre de l’équité ce que nous pourrions considérer comme une dette morale, nous ne pourrons jamais nous prévaloir d’aucune reconnaissance de dette, d’aucune lettre de crédit pour gagner notre place au paradis.
Certains donnent par compassion, et donner quand on a peu est du domaine du partage (le manteau de Martin de Tours). Et si agapè est traduit, selon les sources, par amour ou charité (voir les vertus théologales chrétiennes), je préfère associer l’amour au partage (la symbolique évangélique de la multiplication et du partage des pains), car pour passer de la charité au mépris, il n’y a qu’à gravir un barreau ou deux de cette échelle qui permet de regarder l’autre, en surplomb, avec condescendance. D’autres donnent sans partager, car ils ont tant, et ce qu’ils donnent ne leur manque pas.
Et il est clair que beaucoup donnent parce qu’ils en ont les moyens, et que, pour le dire simplement, plus on est riche et plus on peut donner et qu’alors c’est se donner bonne conscience – on devrait d’ailleurs dire s’acheter bonne conscience. Car envoyer un chèque évite de se déplacer, de s’investir, de sa salir les mains, d’être en contact avec la misère, de se retrouver face à ceux qui souffrent. On donne, comme on acquitte un impôt, et puis on passe à autre chose, le cœur plus léger et l’esprit plus serein.