Et de deux ! Après un Brexit sidérant, l’Amérique a élu Trump. Comment ne pas frémir en pensant à la prochaine présidentielle Française ?
Les médias unanimes avaient annoncé la victoire des partisans du maintien britannique dans l’Union européenne, puis la victoire démocrate ; et ont activement milité pour transformer leurs pronostics en réalité[1]. De même pour l’échec annoncé de Marine Le Pen au second tour de l’élection de 2017 ; échec qui semble acquis à tous les journalistes qui ne manquent pas une occasion de mobiliser contre le FN.
Une forme de populisme gagne du terrain, mais le dénoncer est un peu court quand on serait mieux inspiré à remettre en question un système failli qui produit une situation qui n’est pas sans rappeler les années qui ont précédé l’avènement en Europe de leaders fascistes, puis la Première Guerre mondiale.
Nous payons le prix de la disparition de la classe moyenne, et d’un abandon des classes populaires par les partis de gauche.
La logique du Marché, aujourd’hui libéré de la tutelle des États – ce que l’on appelle la mondialisation et que défend chez nous l’UMPS –, conduit à l’émergence d’une bourgeoisie de plus en plus riche et dominatrice, et à la relégation d’une fraction de plus en plus importante de la population, qui se retrouve précarisée et qui va grossir les rangs de ce que l’on appelait traditionnellement les classes populaires. Les riches s’enrichissent, les pauvres s’appauvrissent, et les classes moyennes disparaissent progressivement. Et l’ubérisation de l’économie, dont le modèle économique est construit sur la destruction des structures professionnelles traditionnelles et la précarisation des producteurs, symbolise parfaitement cette évolution. Comme l’écrit Christophe Guilluy, « L’adaptation des sociétés européennes et américaines aux normes de l’économie-monde passe donc par la mise en œuvre du plus grand plan social de l’histoire, celui des classes populaires ». Les classes populaires ont grossi en nombre et atteignent aujourd’hui en France entre 50 et 60% de la population – même si ce concept de « classes populaires » est flou et mériterait d’être interrogé. En effet, cette population n’est nullement homogène ; ni éthiquement ni sociologiquement ni culturellement. Mais tous ces gens se retrouvent relégués, marginalisés et non représentés ; et de fait désaffiliés.
Car les partis politiques ont cessé de représenter cette partie silencieuse de la population : en France, en Angleterre, en Amérique et ailleurs. Les partis de gauche, pour l’essentiel, marxistes, ne peuvent représenter ces gens et ont, de toute façon, perdu tout crédit depuis la chute du mur. C’est pourquoi on peut prédire un avenir peu glorieux à M. Mélanchon. Le Parti Socialiste, parti de notables embourgeoisés, ne s’intéresse pas à ces classes que je qualifie ici, faute de mieux, de populaires, et quand les sans-voix essayent d’exister politiquement, par exemple dans un mouvement comme « Nuit debout », chacun moque la démarche sans comprendre ce qu’elle nous dit et en appelle à l’évacuation policière de la place de la République.
Il suffit donc qu’un leader populiste aux accents mussoliniens en appelle au peuple pour que l’on risque de basculer dans l’irréversible. Et qu’importe que cette notion de peuple soit alors totalement instrumentalisée, et qu’importe l’outrance des propos ! Comment ne pas être frappé par la dernière intervention du candidat Trump. Pendant qu’au même moment, Hillary faisait son show entourée de stars politico-médiatiques (deux anciens présidents, des artistes reconnus et appréciés, de nombreux représentants de l’intelligentsia), Trump apparaissait seul avec sa famille, sans soutien de son parti dont la majorité des leaders avaient de longue date déclaré qu’ils voteraient contre lui, et, dans un court discours, en appelait au peuple (The American People) pour trancher, en expliquant que le choix se résumait ainsi : le peuple ou le système, lui ou « Clinton Inc. » ?
On ne pourra laisser, sans risque de dommages, une partie importante, voire majoritaire de la population, sans représentation, sans voix, ou ne lui laisser comme recours que l’abstention ou le FN. Et imaginer que la France d’en haut (M. Juppé ou M. Hollande) va pouvoir continuer à représenter la France d’en bas, c’est une escroquerie ou une illusion. Perdurer dans cette voie, c’est ouvrir un boulevard à Marine Le Pen.
[1] . 76,1 % de la presse américaine a soutenu les Démocrates.