Comment comprendre ce « Dieu est mort » ? Simplement, à la lettre ! Nietzsche nous dit que l’idée de Dieu est fatale, et que nous devons vivre comme si Dieu n’existait pas.
C’est le message, à la fois simple et radical, de « l’antéchrist ». Ce n’est pas une déclaration d’athéisme, mais une mise en garde contre le christianisme, et un retour à une leçon essentielle de la philosophie antique : L’homme doit se suffire à lui-même. Il doit cesser de se poser la question du Divin, de ce que Dieu est, de ce qu’il pense et de ce qu’il veut. Il doit faire retour à la réalité de ce qu’il est, lui, homme, à son corps et, pour le dire avec une formule spinoziste, au conatus de ce corps.
Et c’est bien ce message que les prêtres ne veulent entendre et ne peuvent accepter, cette invite à vivre une éthique au-delà du bien et du mal, au-delà des préceptes religieux, de la morale bourgeoise, et sans médiation, ni de l’Etat, « ce monstre froid », ni des prêtres « ces prédicateurs de la mort ».
Prenons la mesure de ce message. Nietzsche nous donne à entendre un nouvel évangile[1] – rappelons qu’étymologiquement l’évangile-evangelium vient du grec euaggélion, la bonne, l’heureuse nouvelle – un évangile qui prend la forme d’« Ainsi parlait Zarathoustra », et qui fait de Nietzsche un anti christ, et un second Jésus, révélé l’an 0 qu’une ère postchrétienne[2].
Par ce « Dieu est mort », il escamote la question de Dieu, question insoluble, saugrenue, stérile[3], et qui nous éloigne de l’essentiel, c’est-à-dire de notre humanité. Il nous invite à réinvestir l’humain et la nature, et, de ce point de vue, on pourrait dire que le concept de surhumain est antithétique de celui de transhumain, la surhumanité n’étant pas à chercher dans le divorce d’avec la nature que le trans humanisme nous propose, mais dans un retour à la nature. Il faut cesser d’humaniser la nature, pour renaturaliser l’homme. La philosophie nietzschéenne est donc le pendant d’un humanisme qu’il condamne. D’ailleurs, et je l’ai écrit plusieurs fois dans ces chroniques, l’humanisme n’est que l’autre nom du christianisme.
[1]. « Je suis celui qui annonce la bonne nouvelle… En cela aussi, je suis un destin… » – Ecce homo
[2]. Le 30 septembre 1888, si l’on s’en tient à la déclaration de Nietzsche.
[3]. « Dieu est une question grosse comme le poing, un manque de délicatesse à l’égard de nous autres penseurs », Dans Ecce Homo.