En politique, le principe ne fait pas la loi mais l’inspire ; et beaucoup de lois nécessaires et subjectivement « justes » contredisent partiellement les principes constitutionnels, sans d’ailleurs les ruiner. La loi s’inspire donc du principe, lui donne corps, le tempère, le met en balance avec d’autres principes plus ou moins contradictoires dans les faits. Et puis, il y a les valeurs et l’idée qu’on s’en fait, et la morale…
Le droit est donc une science molle, « humaine trop humaine », une Science Humaine et Sociale, ou politique si l’on préfère. Elle est donc interprétative et hautement subjective. Quant à la morale…
Les affaires d’Aulnay-Sous-Bois, et Fillon en sont des exemples à méditer : Viol ou pas viol de Théo ? Primat de la loi ou de la morale chez un leader politique ?
Il y aurait beaucoup à dire, et principalement sur le traitement médiatique de ces affaires. On ne connait de Théo que son prénom, mais s’il s’agissait d’un terroriste, on ne connaitrait que son patronyme. Pourquoi ces choix médiatiques stigmatisants ? L’usage privilégié de « Théo » qui donne de lui l’image d’un gamin – car, enfin, ce jeune homme doit bien avoir un nom de famille ! –, et je trouve ici remarquable que ce prénom renvoie à une identité judéo-chrétienne –, est compassionnel, et condamne a priori les flics[1]. Par contre, les médias, dans le cas de terrorisme, ne manqueraient pas de mettre en avant un patronyme maghrébin, ou du moins arabe.
Le cas Fillon n’a aucun rapport, si ce n’est que tout finit par se percuter dans le ressacement des nouvelles. Tout a été dit, ad nauseam, et les électeurs pourront bientôt trancher en connaissance de cause. Mais encore faudrait-il que le candidat puisse exposer son programme, car il y a l’homme, sa moralité, aujourd’hui dévoilée crûment, et son programme. Mais les médias qui s’acharnent veulent l’abattre, ayant, non seulement jugé, mais condamné. Par contre, Marine, qui a aussi triché, qui a été condamnée par le parlement européen et ne veut pas payer, est laissée tranquille, quiète, et elle pourra continuer à condamner le système dont elle fait partie et qu’elle ne propose pas de réformer, dénoncer les magouilles en oubliant les siennes, jouer du « tous pourris » ; avec la complicité des médias.
S’agissant de l’instruction des emplois présumés fictifs de Pénélope, je note encore deux points qui mériteraient de longs développements. L’Europe du Nord se moque de notre pratique de la politique. J’en suis aussi choqué, mais la pratique de l’emploi fictif est, en France, institutionnalisée. Deux exemples : Les fonctionnaires de l’État, s’ils font de la politique, et ne travaillent jamais pour l’État, peuvent toucher leur retraite de fonctionnaire, comme s’ils avaient travaillé. Ils cotisent donc sans bourse déliée, et perçoivent donc un salaire « différé » sans travailler ? C’est un emploi fictif. Second exemple : l’État subventionne le dialogue social en permettant que des syndicalistes soient salariés par de grands groupes, sans jamais travailler pour eux. C’est encore un emploi fictif. Et l’on pourrait trouver d’autres exemples (tous ces gens qui émargent au Conseil Economique Social et Environnemental, n’y viennent jamais et n’y fond strictement rien, etc.)
Mon second point sera ma conclusion du jour. À propos de l’instruction du dossier Fillon par le PNF, on a posé, très logiquement, la question de la séparation des pouvoirs. Je donne ici, à nouveau, ma vision de la « Théorie des cinq pouvoirs ». Cinq pouvoirs (trois actifs et deux réactifs) sont à l’œuvre dans nos sociétés. Les trois actifs, par ordre de prégnance sont le Marché, la Bureaucratie et l’Opinion Publique. Les deux, réactifs, sont les médias et la classe politique. Dans le dossier qui sature tant les chaînes et les ondes, le Marché qui tire les ficelles (on parle ici d’AXA) reste très au-dessus de l’histoire. La Bureaucratie, sous la forme du PNF, est à la manœuvre. L’Opinion tranchera, in fine. Les médias réagissent comme une chambre d’écho, et par un comportement de meute, instrumentalisent, déforment, orientent, manipulent, mais tourneront avec le vent, car, si le Marché est toujours cohérent, les médias sont inconsistants. La classe politique, comme les médias, est essentiellement réactive.
[1]. Je ne défends pas la force publique, dont j’ai peur et que je n’aime pas, mais je me refuse à la condamner « a priori ».