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La crise de l’autorité

Si certains discours de droite – par exemple ceux de M. Retailleau, bien relayés par M. Praud – me gênent, c’est tout sauf étonnant, car je continue à me considérer comme un modeste militant de gauche. Mais une gauche qui n’a rien à voir avec le centre droit macron-compatible du Parti socialiste, un parti de bobos qui a depuis les années 80 abandonné les classes populaires au Rassemblement National. Et encore moins avec les dérives stalino-révolutionnaires de La France Insoumise. Car, fidèle à Camus ou à Arendt, je ne crois pas aux révolutions qui ne sont que des occasions de régler ses comptes et de remplacer, à la tête de l’État, une bourgeoisie par une autre, et de suspendre les libertés pour un temps ; un temps qui en général dure.

Prenons la question, si lourdement posée par les commentateurs de CNews, de l’Autorité. Et sans avoir peur d’y mettre ici une majuscule. Mais poser la question en ce terme est déjà problématique. Mais comme il y a effectivement problème – voir le rapport d’une certaine jeunesse avec la police, plus généralement avec la loi –, je préfère parler d’un déficit de confiance. Et on m’objectera peut-être que c’est la même chose, qu’il n’y a Autorité que s’il y a confiance en la parole qui est censée faire autorité : en premier lieu celle des parents, mais aussi celle de l’enseignant, du scientifique, du juge, du médecin, du prêtre, des médias institutionnels, etc. Mais quelle confiance accorder ici ou là, quand nous baignons tous dans la propagande, le négationnisme, le prétendu complotisme.

Je pense que pour un homme de droite, l’autorité évoque plutôt la force et la soumission des gens du commun aux détenteurs de l’autorité (politique, policière, juridique, morale), soumission à tous ces gens de pouvoir qui promeuvent la moraline et défendent une bien-pensance qui peut sombrer dans le wokisme le plus radical. Alors que pour un homme de gauche, cette autorité procède d’une relation de confiance qui permet à chacun de s’abandonner aux institutions, par adhésion et non par peur des représailles. La défiance étant la vraie source de la perte d’autorité, et non la faiblesse de la répression.

Cette thématique a bien été développée par Hannah Arent, philosophe de gauche, mais aussi par Thomas Hobbes (toute autre époque), l’un des précurseurs, selon moi, de la laïcité. Que nous dit Hobbes dans le Léviathan ? Il nous dit que si on peut fonder un état par la force, il ne peut se maintenir que par le consentement des gouvernés, par l’idée d’un Contrat social plus ou moins explicite. Et ce consentement, cette adhésion nationale se construit bien sur la confiance ; par exemple sur la conviction qu’en matière de sécurité, on a tous intérêt à ce que l’État bénéficie du monopole de la violence et sache en user avec mesure.

Et c’est quand l’autorité fait défaut, du fait d’une défiance généralisée, qu’il ne reste plus à l’état qu’à utiliser la force comme substitue à l’autorité, et à glisser toujours plus sur la pente totalitaire. On l’a bien vu avec la crise du Covid. Beaucoup de Français ont douté de l’efficacité du vaccin. En réponse, l’État est allé très loin pour imposer sa vision des choses. On le voit aussi aujourd’hui avec l’environnement. Face au scepticisme généralisé, l’État est prêt à imposer à tous des règles liberticides, mais pour le bien des gens.

On pourra donc, comme les personnalités de droite le suggèrent, augmenter toujours le nombre de policiers et de caméras de surveillance, modifier le Code pénal pour augmenter les peines, construire de nouvelles prisons, raboter un peu plus les quelques libertés individuelles qui nous restent. Nous transformer en Chinois… Faire que « 1984 » ce soit ici et maintenant. Mais si l’on ne fait que cela, sans se préoccuper de recréer de la confiance, on aura peut-être rétabli une forme d’ordre – à l’image de l’Iran, où une femme qui refuse de se voiler peut finir par être pendue, au nom de Dieu ; on peut aussi, comme en Corée du Nord, mettre une balle dans la nuque des délinquants, ou encore, comme dans la Bande de Gaza, jeter les déviants depuis la terrasse d’un immeuble, afin qu’ils s’écrasent quelques étages plus bas. On peut faire régner un ordre plus strict, mais on n’aura pas recréé de confiance, donc d’autorité, on aura simplement créé du ressentiment, de la violence refoulée.

Comment retrouver un niveau d’adhésion à nos valeurs, à notre système ? Et la question est complexe, car comment faire adhérer des musulmans fidèles à leur religion, à un système politique laïc ? Pour cela, il faut s’attaquer au Système et se souvenir que la crise de nos prétendues démocraties vient du fait que le mensonge est devenu, grâce à la médiatisation du monde, aux réseaux sociaux, à l’omniprésence de la publicité, l’un des outils majeurs du gouvernement des masses. C’est pourquoi on ne comblera aucun défaut d’autorité, sans s’attaquer à cette fabrication de mensonges qui ruine toute confiance. Hannah Arendt, que j’ai citée et que j’ai à l’esprit, expliquait précisément dans « Du mensonge à la violence » que lorsque l’État perd son « pouvoir », son « autorité », il ne sait plus comment gouverner si ce n’est par la violence et le mensonge, le mensonge qui conduit inévitablement à la violence, à la violence de mensonge. Fatal cercle vicieux : crise de l’autorité, donc substitution de la force répressive à l’autorité, donc mise en place, avec tous les secours et les outils de la communication publicitaire, du mensonge d’état, donc perte de crédibilité et méfiance généralisée. Et on se souvient comment des mensonges d’état ont pu justifier des guerres : pour les États-Unis, au Vietnam, puis en Irak où il était question de retrouver et de neutraliser des ADM. Pour la Russie qui aujourd’hui prétend dénazifier l’Ukraine.

Il faut donc sans doute construire des prisons, au moins pour que les détenus y vivent de manière digne et ne dorment pas sur des matelas posés à même le sol, des centres clos pour y garder les OQTF en attente d’expulsion. Évidemment, il faut que la justice soit apolitique (condition de son indépendance), et donc dissoudre le Syndicat de la magistrature. Et puis contrôler nos flux migratoires, afin d’accueillir dans de bonnes conditions, le maximum raisonnable de gens que nous pouvons intégrer, assimiler, compte tenu de nos capacités d’accueil. Mais il faut surtout se poser la question de l’institutionnalisation du mensonge, de l’omniprésence et de la pollution de la publicité de produits utilisée pour vendre une idée, un homme politique comme on vend un autre produit de consommation. « On se lève tous pour un candidat comme on se lève tous pour Danette », même méthode. Et peut-être ne plus accepter que l’on prétende nous faire vivre en démocratie, alors que nos systèmes occidentaux le sont de moins en moins et que le sort des gens se règle sans eux, ailleurs, par de hauts fonctionnaires non élus vivant non seulement « hors sol », mais « entre eux ». C’est-à-dire redonner du pouvoir au peuple, et donc s’attaquer aux partis politiques. Citons Arendt « Les partis, en raison du monopole de la désignation des candidats qui est le leur, ne peuvent être considérés comme des organes du Peuple, mais, au contraire, constituent un instrument très efficace à travers lequel on rogne et on domine le pouvoir populaire ».

Et puis réinterroger ce que l’on nomme société de masse, ou société consumériste ; et se souvenir qu’avant de parler des droits accessoires de telle ou telle minorité, il faudrait déjà garantir à chacun les droits fondamentaux. Arendt les voit ainsi : « Les « trois grands droits premiers : vie, liberté, propriété … » Et j’adhère à cela. La vie, elle nous est de plus en plus chichement comptée, quand l’essentiel de notre temps, de notre énergie, est consacré à survivre – survie contre, survie malgré… La liberté, faut-il en parler ? Elle disparait progressivement en Occident, comme disparait la sphère privée. La propriété privée ? Tout est fait pour que cette propriété soit confisquée entre les mains des plus riches – de moins en moins nombreux et de plus en plus riches – et pour contraindre les autres à vivre à crédit, en location, de manière précaire, à la merci du Marché, de l’État et des aléas de la vie.

Et, disant cela, je ne m’égare pas. Nos institutions et ceux qui les font exister ne nous représentent pas, ne défendent pas nos intérêts, ne nous protègent plus, ne nous écoutent pas ; et quand, fait devenu rarissime, le peuple est consulté par référendum (29 mai 2005) et que sa réponse ne convient pas aux élites, alors on méprise et contourne cet avis. Comment s’étonner alors que les Français – ne parlons que d’eux – ne fassent pas confiance à leurs dirigeants et aux services de l’État ? Alors oui, dans ces conditions, on ne peut s’étonner de la ruine de l’Autorité. Et il est alors logique que l’image du Général de Gaule soit si présente dans les médias.

Mais concluons ce long article. Nous vivons bien une crise de l’autorité, dont la classe politique est le principal responsable. Cette crise est une crise de la défiance. Et on n’y répondra pas par une augmentation de la répression, un nouveau rabotage des libertés individuelles. Mais en s’attaquant aux réseaux sociaux, en confinant la publicité dans des espaces plus étroits, en recréant des universités et des médias institutionnels, moins politisés, plus laïcs, expurgés du wokisme. Qu’attend-on des institutions ? Qu’elles nous protègent, nous rassurent, fassent baisser notre niveau de stress, nous offrent un cadre stable, sécurisé à nos activités ; que l’État nous gère en bon père de famille, avec douceur et autorité. C’est tout le contraire que nous constatons. Un état incompétent et irresponsable.  

Toujours les valeurs

Les trois ennemis les plus radicaux de l’homme sont l’Homme, l’État et la Technique. L’homme, car l’homme ne se respecte pas lui-même et se montre, malgré les injonctions religieuses et les prétentions philosophiques, incapable de maîtriser ses pulsions et de se tenir ferme et droit. L’espèce humaine est généreusement dotée de la faculté de penser et de discourir. L’homme réfléchit donc un peu et bavarde beaucoup, mais tout cela est stérile. Depuis la création des premières écoles philosophiques grecques, nous n’avons pas avancé d’un centimètre. C’est vrai qu’Octave-Auguste avait ouvert à Rome des bibliothèques ouvertes au Public. C’est vrai que Marc-Aurèle, maître du monde occidental, était un philosophe stoïcien sincère. A quoi cela a-t-il servi ? C’est juste, le Bouddha, le Christ… mais ils n’ont pas changé l’homme. Le fils de Dieu, fils et Dieu à la fois, un dieu omnipotent, n’a pas changé l’homme. Il n’a rien réglé. Il est mort, est revenu, mais ne reviendra pas. Joyeuses Pâques !

La technique, car faute d’être un moyen de libération de l’homme, elle le déshumanise, le réifie, le transforme en objet, en produit, et le gère comme un problème qui attendrait sa solution. Constatons aussi que chaque progrès qui règle un problème, en crée deux nouveaux qu’il lui faudra alors régler, justifiant sa totale prise sur nos vies. Et le progrès, convenons-en, n’est pas au service des gens, mais du Marché.

L’État, parce que son essence est toujours totalitaire ; et que, si l’on ne voit pas bien comment s’en passer, il faut alors le qualifier de mal nécessaire, un mal qui a deux visages : le technique et le bureaucratique. Et si le moindre mal est un État démocratique et laïc, le pire est un État religieux. Mussolini, qui a inventé le concept de fascisme, prônait un totalitarisme d’État, nationaliste et méprisant l’individu. Mais que le pouvoir soit concentré entre les mains d’un État aux ordres d’un leader, d’un guide, d’un grand timonier, d’un petit père des peuples, ou d’une assemblée de prêtres interprétant des textes ambigus, ou encore d’un parti unique autoproclamé représentant du peuple, c’est toujours le même totalitarisme, la même dictature, la même violence, la même absence d’état de droit, le même traitement des opposants, la même négation des libertés individuelles et des autres droits humains fondamentaux. Et le droit d’expression écrasé par la propagande bien-pensante de l’État. Et c’est cela qu’il faut combattre, et avec la même détermination, ici et maintenant, l’islamisme, le mélenchonisme, certaines dérives liberticides macronistes. Nicolas Gomez Davila résume bien la situation « L’État moderne réalisera son essence lorsque la police, comme Dieu, sera témoin de tous les actes de l’homme ». Orwell, dans sa fameuse dystopie, ne raconte pas autre chose. Ici, nous n’y sommes plus très loin, même si la Chine a pris un peu d’avance. Encore un effort M. Macron, ou bien ce sera M. Retailleau qui ne demande que ça, mettre des caméras dans nos salles de bains pour vérifier que nous changeons de caleçon aussi souvent que l’Ademe le souhaite ; ou bien Mme Le Pen qui ne s’intéresse pas à ces sujets, ne souhaite pas renverser la table, mais s’y attabler en salivant, convaincue que son rond de serviette l’y attend déjà.

Mais la question des valeurs est centrale. Par exemple, dans un pays laïc, l’apostasie est un droit, une liberté. En Islam, c’est un crime puni de mort. Rappelons que longtemps, en Occident, si être apostat vous valait la prison et la torture, être relaps, c’était le bûcher assuré, au nom de l’orthodoxie morale, du Bien, de Dieu, du Dieu aimant et miséricordieux des Évangiles. Et on voit aujourd’hui comment la question de la fin de vie gêne les catholiques… Suicide ? vous avez dit suicide ?

Oui, la question des valeurs est centrale. L’actualité me ramène donc à Trump qui la chevauche à sa façon, en cow-boy ; à Vance qui nous interpelle sur la censure en Europe, à Elon Musk qui est sur la même ligne, mais s’effraie des droits de douane… Je ne doute pas que le Président étatsunien ne commence aucune de ses journées sans lire mon blog. Je lui suggère donc une idée : pourquoi ne pas créer une zone civilisationnelle, occidentale de libre-échange, sans aucun droit de douane ? Tout en la limitant aux pays occidentaux acceptant de signer et d’appliquer une courte charte des valeurs ? Ce serait l’occasion de les redéfinir, d’en finir aussi définitivement avec le wokisme et l’usage perverti de la théorie du genre, de réaffirmer, comme les Britanniques viennent de le faire – mais restés dans l’UE, auraient-ils pu le faire ? – que l’identité juridique des individus tient à leur sexe et non à leur genre – ce qui implique que dans une compétition sportive, un trans de genre féminin, mais porteur d’une 23e paire de chromosomes XY – même s’il a perdu une paire d’autre chose – étant bien, biologiquement, un homme, doit concourir avec les hommes ; et peut-être de promouvoir de nouvelles valeurs : Esprit de Responsabilité, Défenses des libertés individuelles, Solidarité, Sens de la justice… Cela exclurait de fait la Chine, la Russie, les pays islamisés, le wokistan, peut-être une partie des pays de l’EU, pour reprendre la rhétorique de Vance. Je remarque d’ailleurs en faisant une recherche web sur « valeurs occidentales » qu’il n’en existe aucune de clairement définie par un texte consensuel. C’est un concept flou et mou, comme une certaine gauche bobo les aime tant. Tant qu’elles ne seront pas affirmées et respectées, elles n’existeront pas. Quant à la Déclaration universelle des droits de l’homme, c’est un texte non universellement reconnu, une déclaration de vœux pieux contestable. Et ses 30 articles sont mal écrits et tendancieux, donc très interprétables, donc inutiles… un exercice diplomatique creux, de la vraie politique… Et un terrain de jeu pour des juriste engagés qui peuvent produire une jurisprudence toujours plus exorbitante du droit ; ou pour des responsables politiques qui peuvent demander n’importe quoi, au prétexte que ce serait un droit de l’homme.  

Patriotisme

Notre Président en appelle au patriotisme des Français. Est-ce un appel aux jeunes Nahel Merzouk des banlieues ? C’est vrai que certains sont déjà formés à l’usage des armes à feu, et même si la kalach n’est pas en usage dans l’armée française, les armes de guerre se ressemblent un peu toutes.

J’ai un peu tardé à réagir tant j’étais sidéré par ses paroles. Et puis j’ai retrouvé cette citation de Nicolás Gómez Dávila : « Le patriotisme qui n’est pas adhésion charnelle à des paysages concrets est une rhétorique de pseudo-cultivés pour entrainer des illettrés à l’abattoir ».

Contribution citoyenne à une réflexion sur la violen

C’est donc un coup de machette fatal qui a tué Elias, ce gamin sortant de son entrainement de foot. Les agresseurs étaient des délinquants connus, non sociabilisés, et la victime un jeune parfaitement intégré au casier judiciaire vierge, notamment sociabilisé en équipe de foot. Le week-end dernier, c’est un jeune marginalisé, pourtant issu d’un milieu bourgeois, qui massacrait une très jeune fille en utilisant le couteau qu’il gardait dans la poche de sa doudoune – le foot sociabilise, les jeux vidéo désociabilisent en interposant un écran entre soi et les autres, soi et le monde. Depuis, une grenade est jetée dans un bar associatif par un inconnu armé aussi d’une kalachnikov. En en Allemagne, un autre jeune homme fonçant dans la foule et tuant ; puis en Autriche… Et la liste va s’allonger dans les jours et les semaines qui viennent… inexorablement. Fini les marches-blanches, les « plus jamais ça », fini les regrets pour ce qui ne serait que faits divers à répétition. Les politiques se taisent ou font de la communication sans que l’on sache bien s’ils croient encore à ce qu’ils disent. Surtout, Emmanuel Macron se tait et préfère jouer à l’IA comme d’autres à des jeux vidéo. Eric Piole déclare qu’il s’en fout, Anne Hidalgo, plutôt que de débattre avec son opposition, s’hystérise et en appelle aux tribunaux.

Notre classe politique est out, hors sol. Vance n’a pas dit autre chose à Munich. L’extrême droite en appelle à plus de répression comme si cela pouvait régler le problème. Alors qu’on a collectivement construit (pour les uns) et accepté (pour les autres) une société de plus en plus violente et qui a sacrifié sa jeunesse. Et certains semblent croire, ou feignent de croire qu’en étant plus répressifs, on peut réformer la société. Pascal Praud a tort sur ce point. C’est évidemment faux, d’ailleurs toutes les études le montrent, les jeunes faisant de la prison sont ceux qui récidivent le plus. Et plus les policiers sont armés – ils le sont aujourd’hui comme des soldats au front – plus la violence urbaine augmente. Et les caméras de vidéosurveillance n’ont jamais empêché le moindre délit ou crime. Alors, faut-il prôner le laxisme, le laisser-faire. Surement pas, il faut que la justice, chaque fois, passe, et vite, que les criminels soient condamnés à hauteur de leurs actes et fassent leur peine. La répression est donc nécessaire et doit encore se renforcer, mais ce n’est pas suffisant. Nécessaire mais pas suffisant. Il faut aussi et surtout tenter de régler le problème à la base. À savoir…

S’attaquer au communautarisme, à l’emprise des religions sur les gens, intégrer, assimiler, et tant qu’on n’y est pas arrivé, limiter l’immigration au droit d’asile – la personne directement menacée, son couple, ses enfants – et à une immigration économique dont le volume serait voté chaque année par l’Assemblée nationale. Une immigration sur dossier, et en privilégiant les individus parlant un minimum de français et ayant une culture compatible avec la nôtre. Et en privilégiant aussi, nous en avons le droit, les personnes diplômées ou ayant une vraie formation professionnelle. Et limiter considérablement le rapprochement familial.

Et il faut s’attaquer fermement à l’entrisme islamiste, aux promoteurs du djihad, et à tous ceux qui préfèrent la charia aux lois de la République.

Mais il faut aider ces nouveaux entrants : vrai parcours d’intégration d’une dizaine d’années, logement décent assuré, parrainages locaux, formation « régulière » à la citoyenneté française et au respect de nos valeurs : liberté, esprit de responsabilité, solidarité, laïcité.

Il faut aussi porter une attention particulière aux jeunes de seconde ou de troisième génération d’immigrés, mais aussi aux jeunes Français de souche, comme le meurtrier de Claire. Par exemple par une évaluation systématique et individuelle à l’entrée en sixième, puis au collège et au lycée par un psychologue capable d’identifier des enfants en échec de sociabilisation, en souffrance, présentant des problèmes psychiatriques. Une notation, par exemple vert-orange-rouge, conduirait pour ceux qui le justifient à un « complément d’enquête » et un suivi géré par un organisme spécifique, lui-même géré par l’Éducation nationale ou cogéré avec le Ministère de la Santé. Un organisme qui serait en lien avec les services de police et de gendarmerie et aurait connaissance des signalements à ces services. Mais on devrait aussi envisager un service militaire et/ou civil, service citoyen, comme prolongement et conclusion naturels de ce suivi des jeunes, particulièrement ceux en difficultés, potentiellement dangereux pour eux et la socité.

Mais quantité d’autres évolutions doivent être envisagées, et des propositions ont été évoquées dans les médias, par exemple l’abaissement de l’âge de la majorité pénale – je remarque dans le même temps qu’au moins un parti politique prévoit dans son programme d’abaisser l’âge de la majorité civile à 16 ans ; la prolongation du temps d’incarcération des OQTF en dépit des normes européennes, dont il faut avoir le courage de s’affranchir ; la construction de centres éducatifs fermés ; l’investissement dans la psychiatrie, etc.

Il faudrait donc déclarer le sujet de la violence des jeunes, grande cause nationale, et recruter des encadrants. Mais le chef d’État, sans le dire, car il se tait, semble s’en moquer. Cela couterait de l’argent. Oui, sans doute. Cela nécessiterait des recrutements. Oui, sans doute, mais il y a tant de fonctionnaires qui ne servent à rien, tant de Français chômeurs qui ne font rien et qui, pour un certain nombre d’entre eux, le regrettent.

Mais calmons-nous, il ne se passera rien d’ici 2027 et probablement rien après. Les programmes de la droite et de l’extrême droite sont essentiellement répressifs. Messiers Philippe ou Attal ou Hollande ont déjà fait leurs preuves. Le programme du NFP est, sur ce point, et sur quelques autres, indigent ou consternant. Messieurs Retailleau, Vauquier ou Darmanin n’ont aujourd’hui rien proposé de global ou de cohérent. Il faudrait un référendum, mais l’État profond technocratique qui nous gouverne considère que le peuple est trop puéril pour pouvoir trancher sur ce qui le concerne.

Le monde change, l’histoire avance à marche forcée. L’image de Donald Trump et de Vladimir Poutine réglant le problème ukrainien dans le dos de l’Europe est signifiante. La France n’était pas sur la photo de la conférence de Yalta, mais le Général de Gaulle avait néanmoins réussi à s’imposer dans le camp des vainqueurs, puis à promouvoir avec Konrad Adenauer le rapprochement avec l’Allemagne. Mais il avait un talent et surtout une autorité, une légitimité que Macron n’a pas. Il incarnait… Ce dernier travaille aujourd’hui à notre effacement. Incapable de s’imposer à l’Amérique, à la Russie, ridiculisé par l’Algérie ou les Comores, il a réussi à rabaisser notre pays au rang d’une province touristique d’un empire européen dirigé par une chancelière allemande. Il reçoit les uns et les autres en grande pompe, joue les maîtres d’hôtel et les amuseurs pour la bonne société qui compte. Les Français ont honte…

Non, la gauche n’est pas morte…

On célébrait donc en janvier le quatre-vingtième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. Une occasion nécessaire de nous souvenir de la Shoah, d’en parler à des jeunes qui ne connaissent rien de ce drame majeur et matriciel. Je lis d’ailleurs avec effroi que 46% des jeunes Français âgés de 18 à 29 ans n’ont jamais entendu parler du mot « Holocauste » ou « Shoah ». Comment le croire ? Et connaissent-ils Staline ou Pol Pot ? On parle souvent de la faillite de l’École, la preuve est faite. C’est aussi une occasion de se reposer la question du mal, notamment du mal absolu. Mais je sais bien qu’Hannah Arendt, dans son livre sur le procès Eichmann, a dit l’essentiel.

Mais je ne souhaitais pas aller aujourd’hui sur ce terrain, mais parler d’autre chose. J’entends les médias de droite se réjouir que la France, comme de plus en plus de pays d’Europe, penche à droite : Raz de marée, submersion, le terme est à la mode ; et que la gauche est une idéologie faillie. Je ne suis pas sûr que ce soit si simple. Ni que la gauche, notamment l’extrême gauche, ce soit nécessairement un nouveau fascisme. Non, je ne suis pas sûr que ce soit si simple. Car il faut rappeler que depuis la Première internationale, il y a deux visions du socialisme qui s’opposent comme peuvent s’opposer des frères ennemis. À tel point que dès la Seconde internationale, l’un avait éliminé l’autre. Et que cette guerre fratricide a pris un tournant réellement dramatique lors du premier front populaire, et précisément dans le cadre de la guerre d’Espagne. Revenons-y…

Dès la naissance du mouvement socialiste, deux conceptions se sont opposées violemment. Faut-il rappeler que cette Première Internationale, fondée le 28 septembre 1864 au Saint-Martin’s Hall de Londres, avait pour objet de créer une Association Internationale des Travailleurs (AIT) à l’initiative des ouvriers français, anglais, allemands et italiens. Tous unis contre la bourgeoisie.

Mais très vite, dès 1969, un divorce apparait entre, d’un côté les tenants d’une vision étatiste et collectiviste du socialisme, et de l’autre une vision antiétatiste et individualiste. Le mouvement se divise alors, comme un pacte à l’encre à peine sèche que l’on déchire, entre partisans de Karl Marx favorables à un centralisme démocratique et tenant de la création de partis politiques, et les « antiautoritaires » réunis autour de Mikhaïl Bakounine et défendant la vision proudhonienne de la démocratie. Naissent ainsi deux mouvements, communisme et anarchisme.

Mais tout de suite, dès 1871, la défaite de la Commune de Paris et la répression qui s’en suit affaiblissent considérablement les anarchistes, qui préfèrent souvent se nommer libertaires, et rendent définitive la rupture entre les deux mouvements. Élysée Reclus, libertaire pacifiste, féministe, écologiste avant l’heure – le mot n’existe pas encore –, végétarien et accessoirement naturiste, un scientifique internationalement reconnu et apprécié, est pris les armes à la main, mais sans qu’il s’en soit servi.

Bakounine est exclu par le congrès de La Haye en 1872. Et puis, plus tardivement, cette aventure espagnole…

Le Front populaire est créé en 1936 en France, la même année qu’en Espagne, et pour les mêmes raisons : gagner les élections. Le « Frente Popular » nait à l’initiative de Manuel Azaña en janvier 1936. Il regroupe beaucoup de mouvements de gauche : Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), l’Union générale des travailleurs, le Parti communiste d’Espagne, le Parti ouvrier d’unification marxiste (POUM), divers partis républicains, des indépendantistes galiciens et catalans, les anarchistes de la Confédération Nationale du Travail. Puis la guerre d’Espagne va s’engager en 1937 et opposer les forces de gauche aux fascistes. Mais Staline, voulant privilégier le Parti Communiste au détriment de toutes autres forces de gauche et préférant prendre le risque de la victoire de Franco, demandera aux forces communistes de retourner leurs fusils contre les anarchistes et le Parti ouvrier d’unification marxiste. Orwell, qui a bien failli y laisse sa peau, a bien raconté ce fratricide dans « Hommage à la Catalogne ».

Dès lors les deux frères vivront leur vie, le premier ayant eu effectivement beaucoup d’enfants, et le second restant quasiment stérile. D’un côté une filiation « riche » : Staline (25 millions de victimes), Mao (au moins 50 millions de morts selon l’historien Frank Dikötte), Pol Pot (un génocide de près de 2 millions d’âmes – certaines sources évoquent plus de 3 millions). Hitler a, lui, tué 5 à 6 millions de juifs. De l’autre côté de cette fratrie, pas de parti politique, pas d’expérience politique à citer. On ne peut que mettre en regard des intellectuels, opposer Camus à Sartre ou bien citer Orwell, Hanna Arendt, aujourd’hui, d’une certaine manière, Michel Onfray, des gens de gauche qui défendent une démocratie anticommuniste, antitotalitaire, antiétatique, libertaire, et pourquoi pas souverainiste et attachée à une forme de nationalisme ouvert au monde. Et dont les valeurs pourraient être – c’est moi qui le propose ainsi – Liberté, responsabilité, solidarité. Une gauche, authentiquement de gauche, c’est-à-dire proche de ceux qui travaillent dans les conditions les plus difficiles et pour de faibles salaires, mais radicalement opposée au mélenchonisme qui n’est qu’un néomarxiste autoritaire comme un autre, opposée aussi au socialisme du PS, un étatisme étroit et woke, aux Verts, ces Khmers verts qui ne sont que des caricatures écologistes à la façon de l’ADEME qui veut se mêler de la façon dont on lave ses slips et ses soutiens-gorges. Et c’est à cette gauche libertaire que je reste fidèle, sachant que je crois que la disparition de l’état, ce mal nécessaire, comme la liberté, comme la démocratie n’est qu’un horizon que l’on qualifiera, selon ses choix, soit d’idéal soit d’une utopie, comme la cité de Dieu pour les chrétiens si l’on veut. Et rappelons que ce que souhaitent les libertaires, et notamment ceux absolument opposés à la violence, ce n’est pas le désordre, mais un ordre sans État.  Proudhon le dit ainsi : « L’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir ».