Je voulais vous parler de Sébastien Faure, ça attendra… la question de l’uniforme à l’école me fait réagir.
Notre président, qui n’en est pas à un revirement près, souhaite interdire au collège, comme au lycée, le port de l’abaya, c’est-à-dire faire simplement appliquer la loi de 2004 sur les signes religieux dans les écoles publiques : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». Mais cette loi n’est pas appliquée par un État qui se plaint par ailleurs de la perte de son autorité. Comment peut-on à la fois prétendre à l’autorité et ne pas faire appliquer les règles qu’on édicte ? Ça parait difficile, tous les parents le savent.
J’entendais à la télé un intellectuel que j’apprécie prétendre d’abord que l’abaya n’est pas une tenue religieuse – quelle blague ! – et rappeler que la mission de l’école n’est pas de faire la police, mais de transmettre des connaissances à une jeune population dont le niveau moyen ne cesse de décroitre, et qu’il convenait aussi de respecter les libertés individuelles, dont celles de se vêtir comme on le souhaite. Et c’est à tout cela que je voulais réagir. Et aussi en remarquant que dans le même temps des militants féministes soutenaient au Tribunal d’Aurillac, une femme inculpée pour s’être promenée seins nus.
Mais revenons à nos jeunes têtes blondes… et brunes. Je suis un partisan de l’ordre et de l’ordre républicain, et si je me prétends de gauche, anarchiste, c’est en reprenant la formule de Proudhon : « L’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir ». Mais, pour maintenir la paix publique sans laquelle il n’y a pas d’ordre, il faut de la prévention et de répression ; et du point de vue des anarchistes, beaucoup de prévention et peu de répression ; une répression qui doit, à mesure que la prévention produit ses effets, devenir inutile. Et si la répression c’est l’affaire de la police (et des juges), la prévention, c’est celle de l’Éducation nationale dont la mission comporte trois volets : l’acquisition des connaissances, l’apprentissage de la civilité et l’apprentissage de la citoyenneté. C’est donc bien à l’école d’enseigner, d’inculquer le vivre ensemble et je trouve légitime qu’un ministre de l’Education d’une nation laïque interdise dans les établissements scolaires le port d’un vêtement religieux qui favorise le communautarisme.
Maintenant, reste la question de la liberté, qui se pose bien, et à laquelle, en ma qualité d’anarchiste viscéral, je suis très sensible. Je pense que chaque individu majeur doit être libre de s’habiller comme il veut, avec deux limites. S’il signe librement un contrat qui lui impose explicitement une tenue professionnelle – chez Disney de Mickey, là un tee-shirt logotisé par la marque qui l’emploie, ailleurs un uniforme militaire, là encore un costume cravate ou une autre tenue plus neutre, il doit alors respecter son engagement contractuel. Et puis, reste le trouble à l’ordre public, le fait par exemple de refuser de porter le moindre vêtement dans l’espace public.
Quant aux gamins mineurs, ils ne peuvent prétendre à la liberté, et c’est de la responsabilité de leurs parents de leur imposer leur tenue ; mais, dans l’enceinte d’un établissement scolaire, on doit pouvoir admettre que l’autorité parentale soit déléguée pour un temps à la structure éducative. Ce qui autorise alors l’institution à imposer ou à interdire, comme c’est le cas, un uniforme, en fonction du projet éducatif qu’elle porte. On pourrait ainsi imaginer que, pour mettre les filles au niveau des garçons, cette institution interdise aux filles le port de la jupe, ou oblige tous les garçons à en porter une, pour « effacer » (presque) toute différence de genre – ça, ça va plaire aux wokistes… Mais, évidemment, l’institution est sous l’autorité du peuple qui devrait pouvoir, d’une manière ou d’une autre, trancher ce débat. Et j’ai l’impression qu’elle l’a déjà fait par voie de sondage. Et que notre président cherche vainement des questions référendaires à poser.