Parce que le débat sur l’usage de l’écriture inclusive est à la fois clivant et fondamental, on ne devrait pas rester indifférent à cette nouvelle tentative de notre bienpensante républicaine, de nous imposer son idéologie normative et prétendument féministe. Laissons d’ailleurs de côté les vrais débats sur l’égalité des droits de chaque sexe, sur les places des hommes et des femmes dans la société, ou encore sur cette façon dont certains mâles se conduisent en prédateur avec les femmes. Il s’agit là d’autres débats, tout aussi fondamentaux.
Mais rappelons au moins deux choses. Tout d’abord, la façon dont une langue évolue. C’est l’usage, parlé et écrit, qui détermine sa lente évolution ; et c’est naturellement, c’est-à-dire à la fois dans la rue, mais aussi dans les journaux et les productions culturelles, que cette évolution s’opère. Et je suis très attaché à cette construction proprement démocratique d’une langue qui n’est pas strictement vernaculaire ; une production, autant élitiste que populaire, et qui tient donc autant à l’ethnos qu’à l’échange interculturel. La langue est sans doute le meilleur lieu de rencontre entre le prolo et l’intellectuel, l’argot de l’un et les préciosités de l’autre. Ce sont donc les gens qui font évoluer la langue, leur langue, et l’académie doit parallèlement adapter la norme, et l’école l’enseigner. Ce n’est donc pas à l’école d’inventer la norme et à la société de s’y faire, comme je l’ai entendu ce jour dans une radio.
En second lieu, il faut rappeler, ce qu’Orwell avait fait remarquer en son temps, que tout projet politique de transformer la langue, d’interdire ou d’imposer l’usage de certains mots, les mots pour dire la réalité du monde, tout projet de modifier l’orthographe à des fins idéologiques, est de nature totalitaire.
Aujourd’hui, et s’agissant d’écriture inclusive, nous en sommes là ; et il convient de s’y opposer « par principe » ; quelle que soit la nature des intentions, probablement bonnes, à l’origine de la chose. Et de rappeler à l’école ses devoirs : enseigner la norme.