Je gare mon véhicule sur un modeste parking devant la « Salle du marronnier » dans le bourg de Theix. Il est midi, il fait un peu frais, la place de ce petit village breton est déserte et les places de stationnement sont quasiment toutes libres. Une seule est réservée aux Personnes à Mobilité Réduite et est bien aménagée avec la distance latérale augmentée pour permettre la manœuvre du fauteuil.
J’attends quelqu’un, au chaud dans ma voiture. Un autre véhicule, modèle récent, voiture neuve, arrive et se met sur la place handicapée. Une dame, la soixantaine, en sort, alerte, ferme la voiture, puis part faire des courses d’un pas décidé. J’en suis choqué.
Après son départ, je vais vérifier derrière son parebrise : elle a bien la carte « handicapé ». Elle a donc usé d’un droit. Mais quand même… Qu’elle soit vraiment handicapée, ce qu’on ne mesure pas, en la voyant marcher d’un pas si rapide et si aisé, ou qu’elle ait pris la voiture d’un parent réellement handicapé m’importe peu. Ce que je remarque, c’est qu’il n’y avait qu’une seule place aménagée pour les handicapés en fauteuil, que de nombreuses autres places étaient libres tout à côté, et que cette personne qui n’en avait pas besoin, mais qui pouvait utiliser un droit, le sien ou celui d’un autre, a souhaité s’en prévaloir quitte à empêcher un « vrai » handicapé venant après elle d’utiliser cette place. Elle n’a donc pas usé d’un droit, mais en a abusé.
Et je n’y vois pas seulement un manque total de politesse, ce qui n’aurait pas justifié ce texte d’agacement. J’y vois une certaine approche perverse des droits. Pour certains, à l’évidence, un droit peut être un privilège et utilisé, revendiqué comme tel : « J’ai le droit ! ». Que cette formule pue, que cette formule m’agace. C’est tout le problème de notre modernité occidentale. Il n’y a plus de citoyens souhaitant revendiquer et assumer ses devoirs ; il n’y a plus que des consommateurs de droits. Triste époque dans laquelle je ne me reconnais pas.