Je n’ai rien appris ou si peu. Les années passent, je demeure … en l’état. Un peu moins frais, sans doute ; plus lent, moins ouvert sur le monde, plus borné par mes pauvres certitudes. En fait, on ne devient que ce que l’on est – vieille sagesse – c’est-à-dire une sorte de caricature de soi. Évidemment, il faut un certain temps pour prendre forme, que le corps se desquame du verni culturel, que la mue s’opère : on parle justement de maturité, et elle vient plus ou moins tôt, et après il reste encore à vieillir. J’aurais été plutôt lent. Mais quoi qu’on fasse, si l’on peut accélérer ou ralentir le processus de maturation, on ne devient que ce que l’on est, sans possibilité d’aller au-delà, de pousser nos limites, de s’élever de quelque manière que ce soit au-dessus de notre intime condition ; rien de plus. Et rien d’autre, donc, à espérer. Bien sûr, l’éducation aplanit un peu, arrondi les bosses, gomme quelques aspérités, mais sans plus. Le con, comme la belle personne, le reste quoi qu’on y fasse.
Et après ce lent processus de raffinage, en fait si court, trop court à notre goût, on patauge dans ce que l’on est, comme un cochon dans sa souille, la salissant chaque jour un peu plus. La sagesse n’existe pas. Il n’y a rien à comprendre, rien à attendre.
Oh, jouir ! s’étourdir ! quitter ce corps, dormir ! Avant que le temps vienne ou la voix se fera moins forte, le verbe moins assuré, quoique plus précis ; mais tonnerre ou murmure, c’est la même vérité, pauvre et subjective qui sera ressassée jusqu’à la fin jusqu’au regret de ce qui fut et qu’on aura bien conscience d’avoir trop négligé.