La politique a disparu dissoute dans l’administration, par l’administration. Au prétexte de réalisme économique et d’une prétendue loi naturelle du Marché, la technobureaucratie, avec l’aide des professionnels de la réclame, a en effet mis hors-jeu tout débat d’idées. Il n’y a donc plus, aujourd’hui, la moindre prise en compte d’idéaux, la moindre réflexion sur les valeurs, la moindre confrontation dialectique. De toute façon, les mots pour se faire ont été confisqués par les communicants, désamorcés, interdits, et une novlangue moins dangereuse, institutionnalisée. Le champ politique a donc été grandement abandonné après avoir été stérilisé par les technocrates, et notre monde affadi par une bien-pensance aux relents totalitaires.
Il n’y a plus de politique ; car qu’est-ce que la politique, si ce n’est l’expression argumentée et la confrontation des opinions ? Mais, s’il n’y a pas d’opinion publique, le public empêché de s’en constituer une n’ayant que des humeurs[1], les femmes et les hommes politiques n’en ont pas plus, n’ayant eux, que des stratégies : On l’a vu, ou plutôt entendu, et l’on pourrait en prendre beaucoup d’exemples : Le candidat Hollande déclarait que « son ennemi c’est la finance » – expression forte d’une opinion radicale –, le Président Hollande entretient depuis les meilleures relations du monde avec la finance et la favorise sans limites ; quant à son prédécesseur à l’Élysée, on chercherait en vain une opinion par lui mise en avant, et à lui opposable, mais on ne trouve rien. Pas d’opinion, que des stratégies, des intérêts à préserver.
[1]. Après avoir rappelé que « L’opinion ne peut se former que dans la discussion », Hannah Arendt écrit dans « On revolution ». « La masse ne peut avoir d’opinions, elle n’a que des humeurs. Il n’y a donc pas d’opinion publique ».