Macron, démission !

Je l’entends… comme si cette décision de notre président pouvait régler la situation. J’y suis évidemment favorable et je pense que ce choix assez improbable, mais gaullien, donnerait aussi à l’étranger une certaine image de la France. Mais cette crise politique qui intervient, et ce n’est pas un hasard, en même temps que d’autres, sociale, économique, financière, ne serait nullement réglée par un changement à l’Élysée et de nouveaux locataires au Palais Bourbon. Car notre cinquième république est morte, ou du moins agonisante, et nous ne reviendrons pas à la quatrième – car les Français ne renonceront pas à l’élection de leur Président au suffrage universel. Notre système majoritaire, notre dictature majoritaire si particulière et si liée au bipartisme droite-gauche, ne pourra plus fonctionner. Il faut donc tourner la page, comme celle d’un agenda. Et personnellement, cette agonie me parait déjà trop longue, trop pénible ; même les deuils ne doivent durer qu’un temps relatif. Il faudrait donc, puisque le présent sent déjà mauvais et que le retour au passé n’a pas de sens, avancer, fonder enfin cette sixième république. Et ce n’est pas techniquement difficile, mais il n’y a aujourd’hui aucune volonté politique de le faire ni aucun homme charismatique et médiatisé pour l’imposer. Et puis, deux remarques : Le peuple, lui, s’en fout, tant il est dépolitisé et désinformé par des médias principalement aux ordres. Quant au Marché, il n’a aucun intérêt à ce qu’un pouvoir fort et légitime, intervenant dans un système démocratique et sain, lui mette des bâtons dans les roues. Plus le pouvoir politique est faible, plus l’État est déliquescent, plus il aura les mains libres pour nous faire les poches. Mais comment allons-nous pouvoir continuer à vivre avec ce cadavre puant dans le séjour, cette odeur de charogne qui flotte dans l’air ? J’apprends qu’en rentrant chez lui un policier de la BAC 92 a été très violemment amoché à coups de barre de fer par des voyous. Ce n’est pas sans rapport. C’est même assez symbolique, cette façon dont les voyous peuvent gentiment tabasser l’État, sans que grand monde s’offusque ou que le système fasse sa révolution. Tout cela est devenu si banal : le trafic d’êtres humains à Calais, le marché de la drogue partout dans les quartiers, le vol pratiqué par certaines communautés nomades comme une activité professionnelle comme une autre, l’abandon des gens par le système. C’est tout un monde, le nôtre, celui dont certains se gaussent en le qualifiant de progrès : « Elle est pas belle la vie ? »

Léger comme l’été

Oui, il y a deux jours, spleen en été, nuages noirs et pluie froide. Secouons-nous… et parlons de choses plus légères ; et quoi de plus léger à la brise d’été que la tenue d’Adam avant la chute ? Les médias s’en font régulièrement l’écho – comme un marronnier à contre-saison : de plus en plus de nos concitoyens aspireraient à vivre nus ; et les villages de vacances naturistes, comme les plages qui vont avec, auraient leurs croissantes faveurs. Qu’en penser, qu’en dire, alors qu’il y a beaucoup d’angles d’attaque ?

Mais, d’abord, ayant comme première référence politique Élysée Reclus, qui, au XIXe, le pratiquait, je ne peux qu’avoir une forme de sympathie pour ses adeptes. Et puis je vois bien dans ce dépouillement des codes sociaux, vestimentaires, un pied de nez irréligieux et une forme de revendication libertaire, de rapprochement égalitaire, démocratique. Tous nus, tous bronzés, tous égaux sous le soleil dans une simplicité de premier jour. Remarquons qu’en règle générale, on meurt habillé – habillé pour quoi, un suaire pour quelle cérémonie, quel voyage ? –, mais on nait nu, comme si, la d’où l’on vient, il n’y avait pas besoin de se cacher. D’ailleurs le corps nu du nouveau-né, innocent et sans pudeur, ne trouble pas.

Je pense que ce retour au corps est non seulement naturel, mais assez salutaire à une époque où le modèle que notre système promeut passe par la dématérialisation de relations le plus souvent médiatisées par des écrans qui font écrans entre les gens et ne leur donnent à voir que des images plus ou moins manipulées. Et nous en sommes réduits à communiquer moins des idées, des sentiments, des émotions, que des données numérisées qui seront stockées, je le dis en passant, non pas dans un ciel plus ou moins nuageux (cloudy), mais dans des bâtiments de béton et de fer ancrés dans le sol. Et dans ce monde qui se dit virtuel, mais n’est qu’artificiel et immatériel, chacun est même invité à s’inventer un avatar et à s’effacer derrière cet être non pas de chair et de sang, mais d’octets et de pixels. Et dans ce processus de dématérialisation dont les deux objectifs sont de faciliter l’exploitation des hommes et l’enrichissement des plus riches, ce sont aussi les corps qui disparaissent. Au moins, avec les naturistes, les corps ne sont plus invisibilisés, mais découverts ; pour être sans doute découverts par les autres, mais surtout redécouvert par soi. Et le corps ne triche pas, même si, en le tatouant… Par exemple, à poil, il n’est plus possible de trop gloser sur le genre, et de prétendre que le sexe est une construction sociale. Nus, on sait bien à qui on a affaire, un garçon, une fille… C’est simple comme l’appareil qui est alors le nôtre. Et de ce point de vue qui transperce la pudeur, la nudité simplifie les rapports en réduisant la relation à l’essentiel : un corps, une voix, un regard.

 Mais je ne veux pas vous quitter sans faire un certain rapprochement, assez facile et tentant, entre le port du voile, de la burqa, et la nudité naturiste ; tout cela, évidemment, dans l’espace public. Chacun étant libre d’exprimer ses convictions religieuses et philosophiques, mais jusqu’à un certain point qui fait débat. Et si le choix, pour une femme, de ne dévoiler que ses yeux, correspond bien à une éthique spirituelle, on peut mêmement considérer que le fait de ne cacher sous des lunettes de soleil que les yeux, pour dévoiler tout le reste, correspond à une autre éthique de même ordre, aussi éloignée et aussi proche de la première que l’extrême droite est politiquement proche de l’extrême gauche. Mais il y a aussi ce qu’il est convenu de nommer les « bonnes mœurs » et qui ne sont que les mœurs culturelles, donc souvent religieuses de la nation, au prétexte de privilégier la cohésion nationale, donc la paix sociale.

Ces derniers développements montrant assez bien que les deux questions se posent légitimement, pareillement, mais à une exception près. Les rapports de force, liés à la démographie et à la peur engendrée par l’islamisme, font que si les pouvoirs publics, par lâcheté, sont prêts à beaucoup céder au voile, ils ne sont par contre pas décidés à en faire autant pour la nudité. Pourtant, afin de contenter tout le monde, on pourrait par exemple décider qu’un jour par semaine, par mois ou par an, le port vestimentaire est vraiment libre, sous toutes ses formes. Mais je vois un autre argument qui plaide pour le voile et contre la nudité. On sait que le pouvoir appartient à l’attelage fatal du Marché et de la Bureaucratie. Et le Marché, la mode, peut faire de l’argent avec le voile islamique ou la burqa, beaucoup moins avec la nudité qui, par nature, se moque de la mode. Il est donc probable que la nudité deviendra acceptable, quand le Marché sera convaincu que c’est un Marché et que les couilles des naturistes peuvent être en or.

Spleen en août

De l’amitié à l’affection, il n’y a qu’un pas, celui de l’engagement. Et s’il y a possiblement une grâce, au sens chrétien du terme, une possibilité d’être sauvé de la pourriture, de ce que l’on nomme parfois pesanteur, parfois entropie, une possible grâce en quelque lieu temporel et relationnel, non pas au bout du chemin, mais au détour d’une sinuosité, c’est d’affection qu’il s’agit. « La pesanteur ou la grâce » pour m’inspirer du titre d’un recueil de textes de Simone Weil… qui ne cessent de me perturber…. Être condamné ou sauvé.

Je continue à prétendre, sans trop plus savoir ce que cela veut encore dire, que je ne suis pas croyant, mais si Dieu et Diable sont des images qui peuvent faire sens, c’est en affirmant que d’un côté se situent l’amour et le respect, et de l’autre la haine et le mépris. Amour et respect, nous voilà de retour à l’affection et à la grâce de la rencontre. On peut sans doute tout supporter, ou du moins tant de choses laides, tant de moments stériles, mais à condition d’être compris, c’est-à-dire d’exister dans un autre regard, Dieu si l’on y croit, un animal de compagnie peut-être, un ami véritable surement… Sans quoi l’affection n’est qu’un faux semblant, une politesse de l’âme. Non pas que je conteste la politesse, qui devrait être l’éthique première de toute personne responsable, mais j’attends plus que cela… de l’affection, une attention sincère. Mais pourquoi vous ennuyer avec tout cela ? Je vous l’avoue, ma solitude me pèse souvent, comme son corps au pendu… c’est un gouffre que ni ma vie sociale ni ma vie familiale ne peuvent remplir. C’est dit, même si c’est folie de le dire ainsi, de le dire ici – mais qu’importe, je ne suis pas lu…

Je m’en faisais l’amère remarque : un vieux fou est condamné deux fois par la vie : il est vieux, ce dont il se passerait bien, et il est fou… est-ce bien sa faute ?

Le problème à Macron

Peut-on encore parler de démocratie quand l’immense majorité des décisions qui concernent notre vie quotidienne est prise par des fonctionnaires de l’ombre ?

Ça me démangeait trop pour que je n’en parle pas. Nous sommes effectivement dans une impasse politique dont je ne vois pas comment nous pourrions sortir. Mais, après tout, je connais des gens qui habitent une impasse et s’y sentent bien, car peu de choses s’y passent.

Résumons plus d’un demi-siècle de politique française. En 1958, pour sortir d’une période de crise, les Français ont accepté de basculer dans une dictature démocratique – une dictature au sens romain du terme. Mais sans doute faut-il déjà expliquer ce concept. Lorsque la République romaine, dont on sait qu’elle a su faire fonctionner une forme de démocratie, était confrontée à une crise majeure, existentielle, le Sénat (ou les consuls) nommait un dictateur qui, sans remettre en cause les institutions, recevait tous les pouvoirs pour régler, en un temps donné, cette crise. Puis, sa mission accomplie, ce dictateur, en général un général (ou un ancien consul) pour une crise qui était souvent une guerre, rendait au Sénat le pouvoir qu’il avait reçu. C’est un peu ce qu’avait imaginé Charles de Gaule, pour un pouvoir reçu du Peuple ; et il avait choisi un mandat original de sept ans ; renouvelable une fois. C’était moins de six mois pour les premières dictatures romaines.  

Mais le général ayant disparu, ce système perdura, même s’il fut plusieurs fois corrompu ; par Mitterrand, puis par Chirac. Mais, dans cette période, si l’on pouvait parler de démocratie française, il fallait la voir comme une dictature de la majorité, avec un chef se conduisant comme un monarque républicain, jupitérien. Et tout cela supposait une majorité capable de s’incarner dans un chef légitimé par l’élection présidentielle, exerçant la dictature au nom de sa majorité.

Or, il n’y a plus de majorité absolue. Et plus de possibilité avant longtemps de faire fonctionner de manière républicaine cette dictature. Nous sommes donc condamnés, à moins d’un changement de système, donc de constitution, à l’impuissance, au chaos. Car ces nouveaux équilibres politiques nous imposent, comme dans de nombreux pays occidentaux, une démocratie parlementaire où les députés, sur des programmes, des projets, des lois trouvent des majorités de circonstances. Mais ce n’est pas notre culture ; et changer de système supposerait une crise encore plus profonde que celle que nous connaissons aujourd’hui et des hommes et des femmes décidés à imposer un changement radical et salutaire.

Et quitte à changer de système, comme on change d’époque, on pourrait aussi construire un nouveau modèle démocratique plus authentique, plus direct, qui oblitérerait totalement ces cadres de majorité absolue ou relative. Mais, pour espérer de telles novations, de tels changements de paradigmes, encore faudrait-il que nous ayons en France des hommes et des femmes d’état. Je n’en vois pas. Ce qui ne veut pas dire que nous n’en ayons pas, c’est, plus justement, que notre système technobureaucratique pourri par la com ne leur permet pas de sortir du bois.

Un dernier mot… Un journaliste s’inquiétait que le pouvoir du législatif (le parlement) devienne supérieur à celui de l’exécutif (le gouvernement). Mais n’est-ce pas cela la démocratie, que les élus aient plus de pouvoir que les fonctionnaires ?

Un peu d’humilité

On aura peut-être remarqué que souvent je semble passer à côté. C’est juste… et c’est souvent un choix « éditorial ». Tout le monde semble en effet aujourd’hui ne s’intéresser qu’à cette question posée aux Français : peut-on reconduire « une équipe qui perd », animée par un chef d’État qui en sept années a réussi à mener la nation dans une impasse chaotique, ou faut-il se résoudre à faire le choix entre la peste et le choléra ? Bon dimanche ! Mais tout étant dit sur cet exercice périlleux de citoyenneté, je préfère m’interroger sur les fins de la politique et la notion de progrès. Après tout, notre Président n‘a-t-il pas parfois réduit le débat à cela… Les progressistes, plutôt jeunes et disruptifs, En Marche sur le chemin de l’Histoire versus les conservateurs, vieux, ringards et déconnectés, incapable de prendre la route ou le train de l’Histoire. Et la question qui me préoccupe est de savoir, précisément à l’époque où la puissance individuelle d’agir semble réduite à rien dans un monde global, mécanisé, aux économies interdépendantes, si un homme, une femme politique providentiels peuvent encore prétendre changer le monde ; ou si nous en sommes réduits à nommer aux plus hautes responsabilités des énarques rompus aux relations publiques, dont la seule marge de manœuvre serait sur le plan sociétal, car tout le reste serait déjà inéluctablement « plié ».

Pour faire court, rappelons que les théories scientifiques, qui permettent d’appréhender, c’est-à-dire de décrire et de prévoir des phénomènes qui semblent régis par des lois de causalité, ont profondément bouleversé la philosophie. Notamment la vision que nous pouvons avoir de l’Histoire et du Progrès. Je pense précisément à la théorie de l’évolution que Darwin nous a laissée : à savoir que l’évolution ne résulte pas d’un « projet » au service d’une « fin » – vision théologique –, mais d’adaptations conjoncturelles du vivant à son milieu avec trois principes : «  la lutte pour l’existence (des individus et des espèces ; donc aussi des sociétés), le principe de divergence (dont la forme est aléatoire et qu’on pourrait nommer principe ou capacité d’invention), le principe d’utilité » (ou d’efficacité, qui capitalise ce qui sert ou marche, et finit par rejeter ce qui n’apporte rien ou n’est pas viable).

L’essentiel de ce que je retiens est donc que le vivant semble, en matière de devenir, n’avoir d’autre volonté que de survivre et de s’adapter. Mais Darwin s’intéressait à l’évolution des espèces vivantes dans une perspective de long terme et hors du champ politique ; et je ne cherche pas à lui faire dire ce qu’il n’a pas dit.

Car là où l’homme intervient de manière singulière, c’est qu’il rajoute à ces principes naturels (notamment la lutte pour sa survie et d’adaptation au milieu – on le voit face au dérèglement climatique) le principe de responsabilité. En effet l’homme est le seul animal à posséder à ce niveau significatif une sensibilité, une conscience morale dont l’esprit de responsabilité est l’autre nom. Et si l’homme évolue « naturellement » de manière corrélée avec l’évolution de son environnement, il est aussi celui qui modifie cet environnement qui est aussi celui de toutes les espèces : par l’urbanisme, l’architecture, l’agriculture, en polluant durablement les océans ou, au contraire, en protégeant et sanctuarisant certains espaces naturels. Et, étant en capacité de faire des choix éthiques, il peut intervenir en redonnant une axiologie à l’Histoire et sur le cours naturel et aléatoire de l’évolution des choses. Et d’une certaine manière, après avoir inventé une utopie divine et l’avoir nommé Dieu, afin de ne pas sombrer dans un désespoir fatal, il peut travailler à l’avènement d’un homme nouveau dans le meilleur des mondes possibles, dans la perspective de devenir à l’image et à la ressemblance de son utopie – la fin de l’histoire et le premier homme… Mais le chemin de l’Histoire est long, chaotique, et pavé de bonnes intentions. Et le seul viatique indispensable à ce long voyage vers cet horizon qui semble toujours s’éloigner est un esprit d’humilité. Nos candidats primo ministrables en ont-ils ?