Propos sur l’éducation

Nos sociétés s’ensauvagent et une partie de notre jeunesse, notamment issue de l’immigration africaine, est pointée du doigt – souvent celui de la main droite. Une immigration qui, c’est vrai, n’est pas gérée depuis des décennies et qui en serait donc responsable. C’est un peu court, tant il me parait que cette analyse passe à côté du fond ; et il me semble que c’est plutôt du côté de l’éducation de masse qu’il faut chercher la cause de cette violence, de cette bêtise à front de taureau. Mais il me faudrait plus de temps, de compétences, et peut-être d’envie pour développer cette idée. Essayons néanmoins de tramer ce possible essai, à titrer à la façon d’Alain « Propos sur l’éducation de masse ».

Avant la christianisation de l’Europe, l’éducation était essentiellement le fait de la famille. Non seulement de la cellule parentale, mais de la famille élargie aux limites du clan. Et jusqu’au début du siècle dernier, plus évidemment aux siècles précédents, au moins dans les campagnes, les enfants s’élevaient dans les champs et les rues des villages qui étaient le prolongement naturel de la maisonnée. Une maison à la porte ouverte sur la rue où jouaient les gamins et au seuil de laquelle, au moins quand le temps le permettait, les vieux chauffaient leurs vieux os aux ardeurs solaires en surveillant les enfants et en observant la vie de la communauté. Quand les enfants ne se socialisaient pas dans les rues du village, lieu d’apprentissage des us et des rapports de force, ils étaient éduqués par la mère, au foyer, par le père, parfois moins présent, les grands-parents, les oncles, tantes, amis, voisins. Et ils participaient tôt au travail des adultes, par exemple en surveillent les troupeaux, nourrissant les bêtes, ramassant ce que la nature pouvait offrir. Et cela a perduré très longtemps. Mais n’oublions pas que depuis que les églises sont au milieu du village, la religion a pris une grande part de cette éducation dans un cadre civilisationnel stable : famille, église.

Et puis, trait de la modernité – on pourrait parler d’une Majorité, en comparaison avec le Moyen-âge –, l’État a été de plus en plus présent, allant chez nous jusqu’à contester l’autorité de l’Église catholique. À la fois par l’éducation publique obligatoire et laïque, mais aussi par l’élaboration de normes de vie de plus en plus nombreuses et contraignantes. N’oublions pas l’idéologie républicaine qui a souhaité, en substituant l’Homme à Dieu, faire de notre religion républicaine le pendant de celle de Rome ; le solaire 14 juillet faisant écho au froid 25 décembre ; en quelque sorte un solstice d’été, un peu en retard sur son calendrier, et opposé à l’hivernal.  Et si je cède à la facilité de cette image, c’est qu’après l’orgie du solstice d’été, la lumière du jour ne peut que décliner jusqu’à une régénération mystique, une naissance improbable annonçant une renaissance spirituelle. L’éducation s’est alors trouvée partagée entre la famille de moins en moins libre d’éduquer ses enfants, l’Église, présente, mais contrainte, et l’État, omniprésent, omnipotent, totalisant, et de plus en plus totalitaire. Un schéma ayant connu son acmé pendant les trente glorieuses qui ont uniformisé la société, sa culture et sa langue.

Mais pendant cette période, un nouvel acteur éducatif est apparu et s’est beaucoup engagé sur ce volet. Le Marché, avec deux outils auprès desquels l’École parait désarmée, les médias privés de masse (journaux, télévision, puis réseaux sociaux) et la publicité de produits et de mœurs de consommation, qui a commencé par présenter, vanter des produits, puis a voulu donner envie de les avoir par des artifices et des méthodes de plus en plus sophistiquées de manipulation mentale, mentant sur les produits, escamotant le vrai au profit d’une réalité d’apparence construite loin de la vérité. Et l’éducation dispensée par le Marché, alors que nous vivons entourés, cernés, subjugués par des supports de com, est infiniment plus pénétrante que celle dispensée par des familles disqualifiées par l’État, ou par l’École, en faillite. Et, à l’heure des réseaux sociaux, cette éducation des masses ne vise pas à élever le niveau général, culturel ou moral de la population, mais à transformer des citoyens en consommateurs addicts et décervelés, afin de faire toujours plus de profits. C’est le progrès ! un progrès, tiré, non pas par la connaissance ou la culture, mais par le désir de gagner toujours plus d’argent, en exploitant toujours plus les ressources du Marché, l’environnement et les gens. Et, si l’État a toujours eu un tropisme totalitaire, le Marché, qui triche pour vendre, flirte toujours avec une forme insidieuse de violence : la publicité, c’est un viol, et de l’achat au vol, il n’y a, pour le consommateur, qu’un pas, celui, parfois, de la nécessité psychologique. Et l’État utilise de plus en plus les méthodes (pas seulement publicitaires) du Marché, les validant, et, comme le faisait remarquer Francis Fukuyama, « on peut considérer la démocratie libérale comme telle, mais remarquer aussi que la démocratie libérale porte en elle une dimension totalitaire qui réduit les libertés individuelles, en donnant toujours plus de pouvoir à l’État, et que cette doctrine de la souveraineté populaire, n’accorde au peuple qu’un semblant de souveraineté ».

Aujourd’hui, les cadres éducatifs sont d’une part ceux du Marché – totalement immoraux – et d’autre part ceux des églises, musulmanes, woke, chrétiennes – dont la moralité est discutable. L’État pèse peu, car il est si gras qu’il en est devenu impotent, et il a été mis en faillite, à la fois par une classe politique d’une grande médiocrité morale et par des hauts fonctionnaires incompétents ; l’École est inexistante, la Famille dépassée, déstructurée à une époque où même les définitions d’homme et de femme sont remises en question. Et le Marché, dont la seule valeur est financière, impose sa vision réifiée du monde, sa violence dans les rapports sociaux, son art de l’entourloupe et du mensonge publicitaire, son goût démesuré de l’argent, et son nihilisme. Quant aux religions, leur essence a toujours été totalitaire – leur folie de l’orthodoxie – et elles ont toujours méprisé l’individu, préférant vouer un culte à des concepts, l’Homme, Dieu, la parole du Prophète. Et sont toujours prêtes à dresser des bûchers et à semer la mort au nom de leur vérité. Et elles sont en concurrence et se font la guerre. Et la violence, parfois la plus brutale, parfois la plus insidieuse, règne dans une société de moins en moins démocratique où tout se décide loin des gens. Et l’immigration massive, qui a été d‘abord été voulue et promue par le Marché afin de faire baisser les niveaux de salaire des ouvriers, n’est qu’un élément de plus…

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