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Il n’y a pas de neutralité médiatique

Les médias publics et la subjectivité de l’information : entre parti pris et silence médiatique.Haut du formulaire

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Comment s’indigner que des journalistes, intervenant sur des médias publics, complotent dans un bar avec des responsables socialistes pour nuire à une personnalité de droite ? Cette révélation ne fait que confirmer ce que beaucoup suspectent déjà : les chaînes publiques françaises penchent à gauche. Ce n’est pas une surprise.

L’illusion de la neutralité médiatique ;

Publique ou pas, une chaîne d’information aura toujours un parti pris politique compte tenu du recrutement, assez endogamique, de ses collaborateurs. En effet, comment ne pas comprendre que tout responsable a plutôt tendance à recruter des collaborateurs avec qui il se sent bien, qui partagent un certain nombre de ses valeurs? Ainsi, tout média, qu’il s’en défende ou non, offre une information filtrée par sa sensibilité. L’AFP elle-même, en censurant ou en déformant certaines informations, illustre cette réalité.

Je lis par exemple dans un article que 47% des Français désapprouveraient une récente décision du Chef de l’État concernant la Palestine. Pourquoi ne pas souligner, à l’inverse, que la majorité l’approuve ou reste indifférente ? Chaque choix éditorial révèle un angle, une focale, une subjectivité. Les médias ne font pas exception : ils mettent en avant certains faits, en minimisent d’autres, et façonnent ainsi l’opinion publique.

L’héritage politique des médias publics.

Dès l’époque du général de Gaulle, les chaînes publiques ont servi de caisse de résonance au pouvoir en place. Aujourd’hui, l’ARCOM, censée réguler l’audiovisuel, est dirigée par Martin Ajdari, un centriste proche de la gauche, nommé par Emmanuel Macron. Sa nomination a d’ailleurs été critiquée par la presse comme celle d’un « haut fonctionnaire woke ». Peut-on s’étonner que cette instance reflète les orientations politiques du président ? La nomination de Delphine Ernotte à la tête de France Télévisions, malgré un bilan contesté et une méthode critiquée, confirme cette tendance : les médias publics restent un outil de pouvoir.

Le choix des sujets : une politique de l’oubli.

L’engagement le plus flagrant d’une direction éditoriale ne réside pas seulement dans le traitement des sujets, mais dans leur sélection et leur hiérarchisation qui nécessairement relativise une info par rapport à une autre, celle qui « ouvre » le journal et celles qui passent après, en second rang, au second plan.

Quels faits sont mis en avant ? Quels drames sont ignorés ? La guerre entre Israël et le Hamas, avec ses 50 000 morts depuis le 7 octobre 2023 – dont une grande partie de civils palestiniens –, occupe quotidiennement les écrans. Pourtant, qui se souvient de la guerre en Éthiopie, qui a fait entre 385 000 et 800 000 morts ? Qui parle encore de la guerre civile au Soudan, engagée en avril 2023, et qui a provoqué des centaines de milliers de morts, déplacé plus de 10 millions de personnes et plongé le pays dans une crise humanitaire sans précédent ? Les Nations unies évoquent une famine déclarée dans le camp de Zamzam, au Darfour, et plus de 25 millions de Soudanais en besoin d’aide urgente. Pourtant, les médias français, qu’ils soient publics ou privés, consacrent très peu de temps à ce conflit.

Notons qu’entre octobre 2023 et septembre 2024, le conflit Israël-Hamas a été mentionné en moyenne 52 609 fois par mois sur les chaînes d’information françaises, soit une couverture sans commune mesure avec d’autres crises humanitaires. Tandis que le Soudan reste donc un sujet marginal.

Cette omission – qu’il s’agisse des chaînes publiques, de TF1 ou CNews par exemple – n’est pas anodine. En focalisant l’attention sur la Palestine et sa population qui reçoit cent fois plus d’aide que la population soudanaise, les médias fabriquent une opinion publique et instrumentalisent l’émotion collective. Pourquoi Jean-Luc Mélenchon, si prompt à dénoncer les injustices, reste-t-il silencieux sur le Soudan ? Pourquoi les partis humanistes ne proposent-ils pas de pavoiser les mairies du drapeau soudanais, comme ils le font pour d’autres causes (si rarement les portraits de Christophe Gleizes et Boualem Sansal) ?

La transparence et le pluralisme : des exigences légitimes.

 Les médias devraient assumer leurs orientations politiques. Vincent Bolloré n’est pas de gauche, Matthieu Pigasse n’est pas de droite. Philippe de Villiers est très à droite et Michel Onfray clairement à gauche, mais si l’un et l’autre se retrouvent, c’est à la fois dans leur détestation du Président Macron, et dans leur position très souverainistes – comme, à une autre époque, Seguin et Chevènement.Et l’un et l’autre sont d’ailleurs traités de fascistes par une France Insoumise, antisémite et représentant d’un nouveau fascisme de gauche : volonté de discréditer plutôt que de débattre.

Pour les médias publics, héritiers des années Mitterrand, une ligne « socialiste » est compréhensible. Mais elle doit être assumée, et contrebalancée par un pluralisme réel. Est-il acceptable qu’un parti, que je ne soutiens pas, mais qui est le premier parti de France, soit interdit dans leur média, au prétexte que M. Mélenchon serait « républicain », mais pas M. Bardella ? La démocratie exige que toutes les voix, y compris celles qui dérangent, puissent s’exprimer.

L’exigence de rigueur journalistique.

 Au-delà des orientations politiques, une exigence s’impose : la rigueur. Les journalistes, qu’ils travaillent dans le public ou le privé, doivent informer sans mentir, sans propager de fausses informations. Leur rôle n’est pas de faire de la politique, mais de fournir des faits vérifiés et contextualisés. La propagande doit rester le domaine exclusif des hommes politiques, déjà largement discrédités.

La nomination de Delphine Ernotte, européiste convaincue, à la tête de France Télévisions, illustre cette confusion des genres. Une nomination politique, contestée dans sa forme comme sur le fond – du fait de son bilan catastrophique –, rappelle que les médias publics restent un enjeu de pouvoir. Les médias doivent-ils être des acteurs politiques ou des observateurs neutres ? La réponse est sans doute entre les deux : des acteurs transparents, assumant leurs biais, mais respectueux des faits et ouverts au débat. La démocratie a besoin de médias pluralistes, pas de machines à propagande. Et je vois bien que pour être plus complet, il ‘aurait fallu aussi parler des réseaux sociaux. Ce sera pour une autre fois.