Hier, je ne suis pas allé voter ; j’en avais pourtant l’envie, un peu comme de participer à une compétition sportive ou à un jeu de cirque ; et peut-être aussi parce que je suis un militant anti FN, et que tout moyen pour s’opposer à la progression de ce parti peut être bon à saisir. Mais je suis aussi un démocrate convaincu et un homme de devoir. Et le devoir d’un démocrate est de ne pas voter.
Mais qu’est-ce que le devoir ? Il n’y a d’autre devoir que moral, et d’autres devoirs que d’agir en conscience.
J’ai donc fait mon devoir de citoyen, en conscience, et me suis abstenu pour ne pas être complice d’un système qui méprise le peuple, et pour ne pas être responsable de la survie d’un système qui est une insulte à la démocratie et un obstacle quasi insurmontable à la construction dans notre pays d’une République démocratique laïque et sociale.
Faut-il rappeler que l’essence de la démocratie n’est pas le suffrage universel, mais la confusion gouvernants-gouvernésPlaidoyer pour la démocratie, et que si l’on veut distinguer aristocratie et démocratie, c’est dans ce choix déraisonnable, dans ce pari assez fou de préférer la masse à l’élite, le vulgaire à l’excellent ? Pourtant je conviens qu’une élite bien formée et intègre est mieux à même d’organiser la vie des gens qu’une assemblée réellement représentative. Mais la démocratie c’est bien le choix, par ailleurs très contestable, de privilégier une autre légitimité politique que celle de la compétence ; une légitimité que je suis bien en peine de qualifier autrement qu’en utilisant le terme de démocratie. Et ce choix de légitimité procède d’une simple volonté, celle de voir le peuple se gouverner lui-même, sans médiateurs.
C’est un choix radical, probablement infondé. Et c’est ce même choix qui présidât à l’émergence de tous les mouvements d’indépendance, qui conduisit les peuples colonisés à revendiquer de se gouverner eux-mêmes. Face aux nations européennes qui considéraient positivement la colonisation, comme un mouvement d’évangélisation, qui pensaient avoir comme devoir d’offrir les lumières de la civilisation à l’inculture indigène, ces peuples ont pu, légitimement, refuser cette tutelle, et exiger de prendre en main leur destin. Et qu’ils l’aient fait pas des voies non démocratiques, c’est une autre histoire. Ce processus d’émancipation était un processus démocratique. Car l’exigence démocratique procède toujours du désir des masses de s’affranchir, de s’émanciper d’un maître ou d’une élite. Hier, les Français sont allés aux urnes et ont choisi leurs maîtres sur des listes de 3 personnes qu’ils n’ont pu constituer. C’est la forme de démocratie qui semble convenir à l’Occident et que nous souhaitons imposer au monde, au nom des droits de l’homme. Je devrais m’en contenter, si ma conscience ne me rappelait pas régulièrement à mes devoirs citoyens.