Comment, en recevant ces infos – la barbarie des assassins et le courage de la population visée –, ne pas être saisi par l’émotion, ne pas avoir la gorge nouée et les larmes aux yeux ? Une formule de circonstance me revient à l’esprit « « Ich bin ein Berliner ». Oui ! nous sommes tous aujourd’hui, non pas berlinois, mais israéliens. Tous ? je ne sais pas, mais moi oui ; mais sans haine pour des Palestiniens, hier dépossédés de leurs terres, aujourd’hui pris en otage par une organisation religieuse terroriste ; et sans malaise avec mes compatriotes musulmans à qui j’ai toujours tendu la main. Et en fait, c’est même plus simple que ça : moi qui suis un vieux militant libertaire, un forcené de la laïcité, si critique vis-à-vis du christianisme et des autres religions, je reste culturellement un occidental… j’insiste… un mâle blanc occidental hétérosexuel qui vit ce déterminisme sans honte ni fierté, et de manière distanciée. Et c’est peut-être à Camus que j’ai envie, aujourd’hui, de m’identifier.
C’est mon histoire… et sans occulter son passif, j’accepte cet héritage. D’ailleurs, une partie de mon identité y plonge ses racines : un héritage culturel principalement européen modulé par une conformation psychologique singulière. Et c’est ce que me révèlent de tels drames : je suis un Occidental et, sans haine pour les autres civilisations, pour d’autres peuples qui font d’autres choix, qui ont une autre histoire, je veux défendre cette identité, ces valeurs, quitte à les trier, les hiérarchiser, et à travailler à les raffiner encore. Je veux parler ici de la liberté, de l’individualisme qui m’est cher, de l’ouverture aux autres, d’une forme de rationaliste.
Et face au mal absolu, il va bien falloir que chacun se détermine, et sans nécessairement sombrer dans la violence physique ou verbale, car il ne s’agit pas de refaire ici des pogroms dont nos compatriotes musulmans feraient les frais – rappelons que le sionisme est aussi le produit des pogroms que les populations occidentales, avec la complicité criminelle des églises chrétiennes, ont longtemps perpétué. Il s’agit d’assumer notre histoire, avec courage et lucidité, de se réaffirmer occidental face à des gens qui font la guerre à l’Occident, de rappeler que la France et plus largement l’Europe sont des terres occidentales, et que chacun, avant de militer pour faire évoluer les choses, doit accepter ce fait historique. Paradoxalement, seuls ceux qui acceptent cette civilisation – judéo-chrétienne sans doute, mais aussi gréco-latine –, qui l’aiment, sont légitimes à essayer de la faire évoluer dans le sens qui leur convient.