La loi c’est le triomphe du faible sur le fort, car la loi c’est ce qui sépare la force de ce qu’elle peut.
Les différences entre droite et gauche politiques sont à la fois moins radicales et plus essentielles qu’il n’y parait, et en fin de compte, les idées portées par la gauche sont, du fait de la nature réactive des valeurs qui les produisent, naturellement destinées à s’imposer. Et quand j’emploie les expressions « essentielles » ou « naturellement », j’inscris mon propos dans une analyse psychologique des forces en présence, et si je parle de « forces réactives », c’est en reprenant une approche singulièrement Nietzschéenne.
En effet, si l’on évalue, à sa manière, comme il le fit, en qualifiant et quantifiant ces forces en présence à l’aide du concept de « volonté de puissance » qui donne à ces forces couleur et saveur, on doit constater que la pensée de gauche est essentiellement négative, et s’oppose à une autre, plus affirmative, que l’on qualifie à droite. Et ce faisant, je ne me positionne pas sur un quelconque échiquier partisan, en prétendant par exemple que la gauche serait réactionnaire, ou le serait plus ou moins que les tenants du camp d’en face ; je prends donc le risque fort de l’incompréhension, en me situant moins sur le registre politique que sur celui de la philosophie. Et j’y reste pour constater que la gauche, parce qu’elle est réactive, c’est-à-dire fondamentalement faible – Nietzsche aurait dit « dans le camp des esclaves » – doit l’emporter dans son rapport de forces avec une droite idéologiquement active, forte – et qui serait « dans le camp des maîtres ». Car si le fort est ici inhibé, incapable d’activer ses forces, par nature actives, le faible dispose de forces réactives qu’il peut activer et imposer à tous. Nous assisterons donc nécessairement, car c’est dans l’ordre des choses, au triomphe de la médiocrité ; la force active condamnée à réagir à des forces réactives qui s’activent, et à cet apparent paradoxe d’esclaves qui s’imposent en maîtres face à des maîtres qui se conduisent en esclaves ; ce que Nietzsche appelait nihilisme. Mais la pensée de Nietzsche est complexe et ses aphorismes doivent être relus plusieurs fois pour bien comprendre le cheminement de ses analyses paradoxales. Par exemple dans le numéro 224 de « Choses humaines, trop humaines », il détaille un processus qu’il nomme « Ennoblissement par dégénérescence ». Il y explique que « les natures les plus fortes conservent le type fixe, les plus faibles contribuent à le développer ». Comprenons : « c’est précisément la nature la plus faible qui rend tout progrès généralement possible ».
Ne doutant pas d’avoir troublé mon lecteur en essayant d’appliquer une théorie philosophique nietzschéenne à une situation politique, quitte à en assumer l’anachronisme, je termine en clarifiant un point : la liberté est une vertu active, noble comme le sens de l’effort, ou la laïcité ; l’égalité, surtout quand elle se pervertit en égalitarisme est une vertu réactive, vile, comme le travail ou la tolérance.