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Une réponse à Daniel Lenoir, président de Démocratie et liberté

Cher Daniel Lenoir. Je ne sais pourquoi je reçois une invitation « sign up » à signer votre appel à un sursaut « spirituel et démocratique ». Mais ces deux mots ont fait tilt à l’oreille de l’esprit libre, non encarté et non partisan que je prétends être. Très intéressé, séduit par l’invite, mais un peu surpris par la longueur du texte, j’ai lu, prêt à signer. Car nous sommes évidemment d’accord sur le constat de l’impasse démocratique et spirituelle dans laquelle nous sommes, en France et plus largement dans un occident gagné par le nihilisme et l’abandon de nos valeurs. Nous souffrons bien de manquer de vie démocratie et de vie spirituelle. Et puis, comment ne pas souscrire à cette invitation de « voir les choses autrement » ? Krishnamurti, dont la spiritualité a beaucoup rayonné, disait qu’il fallait « se libérer du connu ». Et à s’investir de manière différente dans la res publica. Et, je vous cite, « essayer de se comprendre », « réfléchir ensemble », « collaborer », et surtout « retrouver du sens » (au progrès). Et je serai toujours au nombre des bonnes volontés, partant pour cela. Mais à ce point de ma lecture, les choses ont dérapé. Je m’attendais à ce que vous évoquiez les valeurs de liberté, de responsabilité de solidarité, ou encore le problème si prégnant de l’environnement. Mais vous avancez l’humanisme et l’universalisme, et je ne peux plus vous suivre. Car s’agissant d’humanisme, concept trouble et mal défini, je m’en tiens à la façon dont Érasme de Rotterdam, « prince des humanistes » l’a forgé au XVe siècle (avec son compère Thomas Moore qui en perdit la tête). Et pour les avoir bien lus (je crois), je vois trop que l’humanisme est l’autre nom du christianisme, ou, si vous préférez, un christianisme laïc qui aurait pu déboucher sur une autre réforme si Luther n’en avait pas décidé autrement – relire leurs échanges et diatribes. Et puis, je suis trop écologiste pour accepter la dimension spéciste de l’humanisme. Quant à l’universalisme, j’y adhère d’autant moins, que nous sommes bien confrontés à ce choc des civilisations que Samuel Huntington a théorisé dans des années 90. Il écrit d’ailleurs dans cet ouvrage majeur : « l’universalisme est l’idéologie utilisée par l’Occident dans ses confrontations avec les cultures non occidentales ». Je le crois, je le remarque, et, bien qu’Occidental assumé, revendiquant ses racines gallo-romaines, donc celtes, j’essaie de comprendre et de respecter les cultures non occidentales, et si je suis prêt à défendre mes valeurs et refuse la « soumission », je ne défends pas l’universalisme.

J’ai néanmoins continué à vous lire, car cette idée salutaire d’en appeler à « un sursaut démocratique » est fondamentale et me touche profondément, même si nous différons sur certaines de nos valeurs, mais il faut, vous en conviendrez, s’ouvrir aux autres, être prêts au dialogue. Il faut aussi, à l’évidence et comme vous l’écrivez, « sortir de sa léthargie démocratique ». Et là, je vous applaudis des deux mains à m’en casser les poignets. Mais je vous fais remarquer que les seuls qui l’aient fait sont les Gilets jaunes (dont je n’étais pas). Pourquoi ne pas ici leur rendre hommage ? À ce moment d’intimité avec votre pensée, j’ai souhaité, faute de déjà vous connaître, en savoir plus sur vous. Je suis allé sur le site de « Démocratie et Liberté » et y ai vu, dans les échanges qu’il relate, une référence à Élisée Reclus que je connais un peu ; un homme libre comme vous, comme nous, et engagé, dont la spiritualité et l’appétence démocratique sont incontestables. Mais cet ami de Kropotkine (tous deux géographes) était un esprit antireligieux, comme son frère et au désespoir de leur pasteur de père, anti humaniste, car trop écologiste pour cela – une sorte de Thoreau européen, son aîné d’une dizaine d’années. Et il ne sait jamais reconnu, lui, le grand voyageur, dans l’universalisme des Lumières. Enfin, s’il militait pour la démocratie, dans le même temps il détestait notre éphémère seconde république, celle de Napoléon le petit, et la troisième, celle de Foutriquet, pardon, d’Adolphe Tiers qui d’ailleurs faillit le fusiller et l’exila, et il combattait et l’engagement partisan et la bureaucratie étatique et le parlementarisme.

Mais, c’est en comprenant que vous êtes un Énarque – ce qui n’est pas une tare et montre au moins vos capacités intellectuelles – que j’ai compris que vous puissiez conclure en invitant vos lecteurs « à refaire confiance » à des institutions, objectivement failli, et à « ceux qui les incarnent », c’est-à-dire la haute fonction publique dont vous êtes un digne représentant. C’était d’ailleurs, il y a cinq ans, le même message qu’Emanuel Macron que vous avez soutenu, nous a délivré, avec le résultat que l’on connaît. En conclusion, bien que je défende, mais comme Reclus, et selon la formule de Comte Sponville, une « spiritualité sans dieu », que je défende la démocratie et la non-violence, et préférant poursuivre l’utopie reclusienne d’un « ordre sans l’état », je ne signerai pas votre pétition.

Bien respectueusement

Bonnes fêtes à tous

C’est vrai, je néglige trop ce blog, mais c’est bien que l’écriture me prend beaucoup de temps et autant d’énergie. À tel point que je ne vous ai pas souhaité un joyeux Noël, j’espère qu’il l’a été, un bon réveillon de la Saint-Sylvestre – il est encore temps d’emmerder les esprits woke qui nous interdisent les références religieuses – et une bonne année 2022, espérons que la séquence COVID dure moins que le dernier conflit mondial. Je ne sais si, transmettant leurs voeux en décembre 41, les gens se souhaitaient la fin de la guerre pour 42.

J’ai enfin achevé ce nouvel ouvrage, un essai politique indéfinissable, qui portera le titre de l’Hydre de Lerne, ayant renoncé au premier titre de « Manuel de civilité puérile ». Oui, la référence à Érasme est claire, et je le dis avec d’autant moins de forfanterie, que la lecture de son Manuel de civilité puérile m’avait déçu. Mai je pense que c’était un texte sans beaucoup d’ambitions. Je vais donc envoyer le mien aux éditeurs ; nous verrons. Mais je sais qu’ils sont tellement sollicités, que les gens ne lisent pas, et qu’en matière de politique, un leader politique trouvera plus facilement son public, quelle que soit la qualité de son texte et aura été assez malin pour sortir son livre dans le bon timing, idéalement à l’automne dernier.

Je voulais en donner ici quelques pages, mais extraire un chapitre ou seulement quelques pages est aussi scabreux que de donner une citation hors de son contexte. Je vais néanmoins tenter l’exercice, en donnant à lire le chapitre 8 du livre 3 (croire en l’homme, malgré tout) – oui, il y a trois livres dans un, soit 22 chapitres pour un essai trop long, mais il est difficile après la naissance d’un enfant de lui couper les jambes ou lui raboter les oreilles.

Je vais donc tenter de feuilletonner ce chapitre, en 3 ou 4 parties. Voici le début :

 

Il y a toujours eu des lanceurs d’alerte. Dans un récent petit livre, Marek Halter parle de prophètes, et j’y lis en quatrième de couverture : « Le prophète, c’est l’homme qui crie : un lanceur d’alerte avant la lettre » ; et il questionne ainsi notre présent : « Vivons-nous aujourd’hui dans un monde sans prophètes ? » Je ne saurais dire si un prophète est un lanceur d’alerte, ou un lanceur d’alerte un prophète de mauvais augure. Marek Halter en sait plus que moi sur les prophètes bibliques. Mais je retiens et cette idée et sa formulation : le lanceur d’alerte c’est l’homme qui crie, mais qui crie dans le désert. Ce qui me permet de m’attarder sur le registre testamentaire en évoquant Jean le baptiste, le dernier prophète avant Christ qu’il baptisa, et dont les évangiles rapportent « Jean est celui que le prophète Esaïe avait annoncé lorsqu’il a dit : C’est la voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur, rendez ses sentiers droits ». On nous l’a appris enfant, Jean prophétisait bien dans le désert et baptisait dans les eaux du Jourdain. Mais comment ne pas jouer sur les mots, en donnant à la formule un sens qu’elle n’a pas dans les évangiles ? Car en langage courant, parler dans le désert, c’est bien parler dans le vide, ou face à un mur.  C’est vrai que j’aime assez ces jeux de mots qui n’ont ici d’autre sens que d’en venir à cela : un lanceur d’alerte, c’est un homme qui crie au feu, sonne l’alarme dans le désert de notre indifférence. Et de ce point de vue, Jésus en est bien le symbole. Il a prophétisé, mais sans pouvoir changer le cours des choses ou la tragique trajectoire de l’histoire, même si d’autres que lui, d’autres après lui, ont su exploiter son souvenir pour construire une religion qu’il n’aurait pu approuver, qui a bouleversé le monde, mais qui n’a pas racheté l’humanité. Et si je reste attaché à cette histoire, mythifiée au point de nous tenir encore au ventre, c’est parce que Jésus, selon la doctrine, serait venu s’offrir en sacrifice pour nous sauver. S’il avait réussi, j’imagine qu’on aurait vu un changement profond et radical d’une humanité régénérée par le sang versé. Qu’a-t-on vu ?

LANCEURS D’ALERTES. Rassurons Marek Halter ! il y a toujours eu des lanceurs d’alerte, il y en aura toujours ; et peut-être aussi des gens pour crier au loup comme dans la fable d’Ésope, ou pour des raisons plus insidieuses. Et en Occident, civilisation dont l’axe est constitué par le livre premier et ultime, celui qui étymologiquement invente les bibliothèques, ces lanceurs d’alerte ont été des intellectuels engagés, beaucoup plus rarement des religieux – même si Érasme…. Et qu’ils soient essayistes, romanciers, philosophes, la liste serait trop longue et le risque d’oublier les plus importants trop grand, pour que je m’attache à en proposer une ébauche. Mais on ne doit surtout pas oublier les auteurs de fictions et de dystopies – j’en ai cité plusieurs dans le présent texte. Aujourd’hui, je vois ces lanceurs d’alerte scénariser, mettre en scène ou produire de très nombreux films, je les vois proposer des essais, écrire dans les journaux, très rarement intervenir dans les médias appartenant à l’État ou aux oligarques. Je les vois aussi produire des travaux scientifiques qui nous alertent sur le désastre écologique que nous avons provoqué et que nous entretenons. On les a découvert aussi, parfois simples cadres dans des multinationales, risquer leur vie pour dénoncer des scandales ou organiser des fuites d’informations qu’il convient absolument de porter à la connaissance du plus grand nombre. Ils sont donc nombreux, visibles et souvent audibles, même si leur message est brouillé par les faux prophètes du Système. Nous ne manquons donc pas, nous n’avons jamais manqué de lanceurs d’alerte. Ils continueront longtemps à crier dans le désert, se prétendant parfois Christ ou Antéchrist, mais l’immense majorité des gens restera indifférente ; pour l’essentiel d’entre eux, les gens s’en moquent. Le Système le sait et sait qu’il peut dormir tranquille, sauf qu’il ne dort jamais. Je ne sais si c’est désespérant, mais c’est effectivement sans espoir. Nous marchons gentiment vers la fin, andante, mais nous sommes déjà cuits, al dente. Oui, je sais, c’est un peu facile de plaisanter ainsi, mais on a beau être aussi stoïcien, il faut parfois quelques ressources quand l’angoisse vous prend : j’utilise alors l’outrance, ou l’humour, l’un comme l’autre sans éviter toujours la facilité.

Il n’y a de progrès que moral

Sans doute me faut-il m’expliquer sur cet aphorisme : « Il n’y a de progrès que moral ». Je crois que « l’homme est un projet » (autre aphorisme). C’est aussi le sens de cette ancienne formule, « Deviens qui tu es quand tu l’auras appris », une exhortation que l’on doit à Pindare, un poète lyrique du Ve siècle avant le Christ (dans cette ode, il interpelle ainsi Hiéron, tyran de Syracuse). Devoir « devenir ce que l’on est », une intuition que les philosophes comme les religions ont reprise à leur compte, et qui, pour un esprit aussi peu religieux que le mien, peut constituer toute une Mystique.

Il me semble que cette invite s’adresse à l’homme en tant qu’homme, de fait, à l’humanité en tant que telle. L’homme est, ce que la tradition aristotélicienne nomme une entéléchie, non pas un être parfait, mais un être ayant en soi sa fin et sa perfection et qui trouvera sa perfection en devenant ce qu’il est. L’humain est donc un être en devenir, un projet ; et ce projet s’inscrit, depuis le début des temps humains, dans un cadre naturel que le judéo-christianisme considère comme créé par Dieu pour son avatar. L’homme ne peut donc être dissocié de la nature dont il procède, ce que toute la philosophie antique avait compris.

Tout progrès ne vaut donc que comme progression de l’homme vers la découverte et la réalisation en actes de ce qu’il est ; et de ce point de vue, un progrès technique ne peut être qu’un moyen de progression (ou de régression) vers cet idéal. Et si une civilisation est bien ce projet même, porté en un lieu et un temps par une communauté humaine, la fin de l’histoire ne pourra être que l’avènement de l’ère des premiers hommes, de l’homme complet, accompli dans sa plénitude. Et toute décadence civilisationnelle, comme celle que l’Occident vit depuis plus d’un siècle, n’est qu’un égarement du projet humain, une fausse route conduisant dans une impasse fermée par un mur.

Et, s’agissant de l’Occident, cette fausse route a d’abord été de renoncer à la nature, puis de la violer et de la surexploiter, puis d’accepter des perversions idéologiques fatales : l’humanisme spéciste est une perversion de l’humanisme, le refus de la finitude de l’homme, de sa dimension animale, en est une autre. De même, le refus des déterminations congénitales, biologiques ou sexuelles des individus. Ne parlons pas du racialisme qui, exacerbant la race, favorise le racisme, ou du féminisme qui s’égare sur le terrain de la haine du masculin. Mais vouloir sanctuariser la nature au point de couper l’homme de ses racines ou de l’obliger à vivre dans des « smart cities » est du même ordre. Je conclurai comme j’ai débuté, par un aphorisme à ma façon : « Il faut déshumaniser la nature, pour renaturaliser l’homme ».

Écologie coercitive vs écologie libertaire

Si je reste fidèle à la philosophie, par beau et mauvais temps, c’est que c’est d’abord une éthique de la pensée et qu’étant peu rigoureux et un peu paresseux, sans doute trop faible de caractère, j’ai besoin de discipliner ma vie, donc mes pensées. Car la pensée, une fois formulée dans l’intimité de l’être, s’exprime par le dire et par le faire et façonne nos vies. L’optique est donc ici essentielle : voir, évaluer, penser. La pensée n’est d’ailleurs réellement « pensée » qu’une fois dite ou mise en action, verbalisée et incarnée. De ce fait, la philosophie, qui n’est ni l’histoire scientifique des idées, ni une forgerie de concepts considérée comme fin en soi, ni une glose sans fin sur la philosophie des autres, est une pensée morale en acte ; et de ce fait, doit appréhender le tout, et souvent par son infinité de petits bouts : les questions techniques, économiques, sociales, politiques, écologiques, existentielles, épistémologiques, etc. – comme si toutes ces classifications si réductrices avaient quelque sens.

 

Je m’exprime peu sur l’écologie, bien que je croie que les deux sujets essentiels dont l’hypothétique résolution conditionne la survie de l’humanité sont, d’une part celui des libertés individuelles, d’autre part celui de l’environnement – liberté et environnement, même massacre, même combat ; car l’une et l’autre sont systématiquement détruits par l’attelage fatal du Marché et de la Bureaucratie étatique ; et cette destruction systémique qui caractérise notre modernité est bien celle de l’humanité, de ses conditions de survie. Et croire que l’on va sauver ce qu’il nous reste de libertés en renonçant à protéger l’environnement, ou que la sauvegarde de la planète passe par un renoncement définitif aux libertés individuelles constituent la même folie.

Chaque pas, chaque progrès dans le domaine de la sauvegarde ou de la restauration de l’environnement ne peut donc s’envisager qu’en s’accompagnant de progrès, de gains de libertés. Sinon, c’est un piège, un projet non « finançable » psychologiquement. Et c’est pourquoi je pense que l’écologie ne saurait être une « utopie coercitive » ou « punitive », et doit, tout au contraire, être un « projet de société libertaire ».

Coercitive, elle ne peut l’être sauf à ruiner le peu de libertés qu’il nous reste. Punitive, ce serait trop injuste de punir ceux-là mêmes que la crise environnementale touche le plus et qui n’ont jamais choisi ce modèle de développement qui bousille et la planète et leur vie. Et de plus, on ne peut énoncer que les pollueurs doivent être les payeurs, puis exonérer le Système qui a ruiné la terre et préférer faire payer cette masse de gens qu’on a déresponsabilisée et qu’on maintient subordonnée au Système. Et c’est pourquoi, si tout vrai démocrate doit dénoncer nos « démocraties » parlementaires, si tout vrai libéral doit choisir la liberté des gens contre celle du Marché, du moins chaque fois que leurs intérêts divergent, de même, tout écologiste véritable doit dénoncer l’écologie politique, partisane, utopiste et liberticide ; cette écologie idéologique néocommuniste qui souhaite instaurer non pas une dictature du prolétariat, mais une dictature de l’écologie, c’est-à-dire, au bout du compte, comme dans le schéma soviétique, une conception étatiste et collectiviste du bien commun qui inévitablement conduira à la dictature d’un parti « écologiste » se confondant avec un État totalisant.

 

Oui, si je me déclare de gauche, démocrate et écologiste, je dénonce ce qu’on nomme l’écologie politique, en ce qu’elle est totalitaire, héritière de cette gauche néocommuniste qui, en Europe comme aux États-Unis, a gagné la guerre froide idéologique et qui renaît aujourd’hui sous forme de culture woke. Et il ne faut pas s’étonner que cette forme d’écologie soit aussi impliquée dans la promotion des mouvements LGBT ou d’un certain islamo gauchisme. Cette gauche-là, socialiste au sens que l’on pouvait donner à ce terme en 1864 (à l’époque de l’AIT, la première internationale) ; mouvement qui connut dès 1868, cette rupture historique entre la voie dirigiste et étatique proposée par Marx et celle, antiautoritaire et anti étatique proposée par Bakounine ; cette gauche qui devint léniniste puis stalinienne, avant de s’étatiser et de s’embourgeoiser ; cette gauche qui abandonna les classes populaires et la paysannerie ; cette gauche qui est celle qui a accepté Maastricht et dont EELV est une composante, n’est pas la mienne. Ma gauche étant clairement celle défendue historiquement par Bakounine, Kropotkine, Reclus (un écologiste avant l’heure), etc., une gauche anti-autoritariste, antiétatique, libertaire qui ne peut se satisfaire du projet européen et qui n’adhère pas à une conception étatiste et collectiviste du bien commun. Et, même en prenant quelques distances, je n’ai jamais renié cette famille et ai toujours, comme homme de gauche, combattu le fascisme, le communisme, le socialisme bobo, et aujourd’hui ce néocommunisme woke, dont l’écologie politique est une composante.

Cette écologie est donc dangereuse. En premier lieu, c’est une idéologie totalitaire et totalisante qui veut tout englober, tout normer, tout règlementer : la vie (où et comment nous devons habiter, consommer, nous chauffer, nous laver), les mœurs (comment nous devons nous distraire, aimer, nous accoupler, rêver – la maire EELV de Poitiers déclare que « L’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfant » –, les pensées (politiquement correctes) ; mais tout cela, sans le dire vraiment ; et en acceptant une surveillance de masse. En fait, cette écologie souhaite produire des humains, comme le Marché produit des fruits, et surtout des légumes : tous identiques, aux formes douces et colorées, calibrées et sans taches, pouvant trouver leur place dans des cagettes à bon marché fabriquées pour les recevoir, mais insipides, sans défauts, mais sans saveurs et sans identité propre.

En second lieu, c’est une utopie de bourgeois urbains, majoritairement spéciste, qui prétend défendre l’environnement et la biodiversité, mais nie la vie et la singularité des individus. Enfin, elle prétend sauver la planète et l’humanité, en sacrifiant l’individu et ses libertés, et sans changer de système de développement ou de pensée : l’absence de démocratie ne les interpelle pas ; la dictature de la bureaucratie leur est supportable ; le système de production/consommation ne les gêne que dans la mesure où il dérègle le climat. Enfin, elle est prête à consentir d’énormes efforts pour régler le problème climatique à condition que ce soit les gens, donc nécessairement les plus pauvres qui paient. L’idée étant de créer un nouveau business, relancer la machine économique (machine infernale), en la repeignant en vert. Et tous ces efforts d’adaptation d’un système qui a préféré l’optimisation des profits à court terme aux investissements de long terme, et qui veut maintenir sa rentabilité en s’écologisant, devraient être payer par les moins riches qui seront les seuls à faire des efforts quand l’industrie pourra continuer à gaspiller et les riches, payer des taxes qu’ils peuvent payer. Qu’on ne s’y trompe pas, cette écologie ne veut pas casser l’attelage fatal de la bureaucratie étatique et du Marché, elle veut simplement subvertir l’état et devenir l’interlocutrice du Marché. Et, pour avoir faire trop long, je ne parlerai pas du scandale de l’éolien qui m’aurait permis de l’illustrer.

LGBT, sujet léger, sujet estival

La question de la sexualité ne devrait pas faire débat, sauf à ce que nos contemporains, non contents de passer leur temps à se regarder le nombril, en soient arrivés, à force de rabaisser leurs centres d’intérêt et de toujours plus courber la tête, à ne regarder que plus bas, au niveau de leur entrecuisse. Car, ce ne devrait pas être un « problème » social dans une société de liberté et de respect des individus et de leur intimité. Chacun peut être hétérosexuel, homo, ou comme Jules César, un homme pour toutes les femmes et une femme pour tous les hommes. On peut aussi préférer son chien, sa chienne, son poisson rouge, débattre des qualités de la carotte et du concombre, être sensible au prosélytisme du missionnaire ou préférer l’exotisme tantrique. On peut être fidèle ou adepte de la diversité, être prude ou montrer son intimité sur le net ou à d’autres fenêtres sur rue.

La question du genre est d’un autre ordre. Comme tous les mammifères, on naît avec un sexe, mâle ou femelle, et la société nous assigne un genre, garçon ou fille. Les cisgenres s’en arrangent, en général plutôt bien, les transgenres souhaitent en changer, c’est-à-dire être reconnue comme une fille mâle ou un garçon femelle. Pour la société, c’est plus compliqué à gérer, tant la demande est marginale – l’OCDE l’estime de l’ordre d’un pour mille –, tant le sexe et le genre sont liés, et alors que le genre n’est que l’habillage social du sexe et ne s’était jamais conçu, s’agissant de l’humanité, comme dissocié de lui. Et la société devrait aussi répondre à d’autres revendications ultras minoritaires et surtout contradictoires : les uns refusent le genre comme discriminant et aliénant, et veulent donc l’abolir, quand les autres veulent en changer, donc le survalorisent. Faut-il accepter qu’un garçon, ou du moins un individu qui en a l’apparence physique, qui semble avoir tout ce qu’il faut, déclare qu’il-elle est une fille – ou l’inverse symétrique ? Faut-il que la société l’accepte et en prenne note dans son état civil, afin que l’individu qui le souhaite ait, en plus d’un sexe de naissance (M ou F), un « genre d’usage », comme un enfant ayant reçu un nom de famille à sa naissance, en général patronymique, peut aussi avoir un nom d’usage, par exemple en mariant matronyme et patronyme. Dans une démocratie, mais rassurons les LGBTQ, la France n’en ait pas une, la chose serait tranchée par le peuple, c’est-à-dire par voie référendaire, et on sait avec quel résultat. Et rassurons-nous, ce garçon qui pense être une fille, cette fille qui pense être un garçon, pourraient aussi croire être une poule et réclamer qu’on lui jette du grain. Évidemment, c’est de l’humour à bon marché, mais avec ces hétéros, lesbiennes, gays, bisexuelles, dyadiques, trans, queers, intersexes, et asexuelles, ça fait un peu basse-cour. Et quand on est comme moi, un militant des libertés qui pense que tout est respectable, un militant qui n’emmerde personne avec ses problèmes de zizi, on trouve qu’on en fait beaucoup pour si peu, et qu’à l’heure du dérèglement climatique et de la corruption de nos systèmes politiques par de nouveaux totalitarismes, notamment woke, il y a peut-être des sujets plus critiques ou plus urgents que la sexualité des uns et des autres et que les temps d’antenne pourraient être mobilisés sur des sujets plus conséquents. Mais notre civilisation est sénile et comme toutes les personnes âgées fait un triste retour à l’enfance ; et après avoir dépassé à rebours le stade phallique, en revient au stade anal – je m’en tiens ici à la terminologie freudienne, le stade du pipi-caca, auquel les médias donnent tant d’écho, pourtant d’audience.

Pour en finir avec le genre, faut-il définitivement cesser d’appeler les uns et les unes, Monsieur ou Madame. Mais comment faire pour les interpeller quand on ne sait s’il s’agit de Pierre Lapierre ou de Anne Serane ? Peut-être, les appeler Machin ? Mais machin-machine…, alors Sieurdame, mais ça sent trop le couple hétéro, et j’entends déjà les féministes exiger Damesieur. On n’en sortira pas.