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Des résolutions qui tiendront

Si les hommes de bonne volonté se doivent d’entrer en résistance, cette résistance doit être autant passive (sur la forme) qu’à active, fondamentalement active, une discipline quotidienne. Contraint par des conditions de vie inacceptables, dans leur confort matériel, et imposées à tous par un système liberticide, paternaliste et injuste, chacun doit l’accepter ou le refuser.

Si, sur un plan psychologique ou affectif, c’est toute autre chose, sur le plan politique, le choix est bien d’accepter notre condition ou de la refuser ; et il n’y a de citoyenneté que dans ce devoir de choisir, car être citoyen n’est pas un privilège ou un droit commun, c’est un engagement pour la République, pour la Démocratie. La citoyenneté, non seulement ne se réduit pas au droit de vote, mais son essence n’est pas dans l’exercice de ce droit de choisir entre quelques hauts fonctionnaires formés à l’idéologie énarquienne. Et si l’homme peut se prévaloir d’une quelconque valeur, elle est déjà à chercher dans sa capacité à faire des choix, par exemple de renoncer à un peu de confort au nom de ses principes. L’hygiène de vie primant sur le plaisir de consommer des produits inutiles et nocifs.

Il n’y a de contrat social qui tienne que par cette capacité des générations qui n’ont pas souscrit à celui légué par leurs pères, de le redéfinir, l’améliorer, en corriger les dérives, les errances, les égarements. Et de refuser l’inacceptable.

Refuser, c’est simplement se saisir de sa vie, refuser de s’abandonner à la technobureaucratie. Et j’entends bien qu’il faudrait s’indigner. Mais s’indigner, c’est à peine plus que de se plaindre, une posture frileuse qui participe de ce paternaliste monarchique qui prétend faire le bien des gens malgré eux, c’est-à-dire sans eux, contre eux. Les larmes et les cris des oppressés sont de peu de poids, face à un pouvoir qui vit dans des palais bien gardés, insonorisés, étanches aux bruits de la rue, de la vie, et qui sert des intérêts de classe.

Le temps des bonnes résolutions

Il n’y a de vertu qu’ignorante de sa nature. Sinon, ce n’est qu’orgueil ou calcul. Car, quand on considère l‘amour comme un investissement dont on attend Les fruits ici ou dans l’au-delà, on est encore bien loin de l’amour.

 

Je me souviens des propos de Sartre, philosophe que je n’ai jamais beaucoup aimé, faute peut-être de l’avoir suffisamment compris, et de sa façon de nommer certains en parlant de « salauds ». Comte-Sponville en donne une définition plus précise et plus accessible quand il dit que « Le salaud, c’est l’égoïste sans frein, sans scrupule, sans compassion ».

Les choses ont changé depuis l’écriture de La Nausée ; la dernière grande tuerie mondiale est lointaine et passablement oubliée malgré les rites mémoriels. Mais le monde, plus que de changer de nature, s’est raffiné, précisé, caricaturé. Car il en est des sociétés comme des gens : avec le temps long qui permet la parfaite expression des gènes et la compréhension des cosmogonies, chaque être devient la caricature de ce qu’il est vraiment. Et le monde est de moins en moins « monde », pour être de plus en plus « système », l’artifice effaçant la nature et la réalité se réduisant au spectacle dans un univers où le mal-être devient la condition naturelle de l’homme, le symptôme d’une aliénation insurmontable. Nous sommes tous formatés, abimés par le Système ; et assignés, non pas à nous comporter, ou pas, comme un salaud, mais de manière plus complexe, moins claire, à chercher notre confort entre différentes postures que l’on adopte selon les circonstances, nos possibilités ou notre nature intime. Et sans voir de véritables salauds, je vois bien ces exploiteurs dont les visages changent au cours stérile des siècles, et, en regard, ces éternels esclaves d’un maître ou d’une terre, aujourd’hui d’un travail irresponsable et pénible, et puis tous ces collabos qui font tourner la machine, ceux qu’on pourrait appeler les chiens du système, cerbères ou caniches censés garder le troupeau. Oui, c’est l’éternelle partition du maître, de l’esclave et du soldat, ou du prêtre, que Dumezil voyait dans l’organisation des sociétés indo-européennes, celle qu’Orwell décrit se reconstituant inexorablement dans La ferme des animaux et que l’on retrouve sous tous les visages qu’elle présente selon les époques : le maître étant noble ou grand bourgeois, idéologue ou tyran ; le dominé, esclave, paysan ou ouvrier ; le collabo, prêtre, soldat, enseignant ou fonctionnaire. Mais c’est toujours ce même système qui œuvre et exploite la masse au profit d’une élite qui possède d’autant plus que les autres ont peu.

Mais, pour tenter d’être complet, ou moins incomplet, il faut sans doute rajouter deux figures historiques, en fait assez rares : le sage, dans sa bulle spirituelle, hors du monde, un illuminé qui vit de rien et ne craint rien : c’est Diogène ou Epictète qui, nous dit la légende, accepta de perdre le bon usage de sa jambe sous les coups de son maître, sans se plaindre. Et puis le résistant, posture que je voulais ici exalter, me retrouvant dans cette attitude plus qu’en tout autre, sans forcément jeter la pierre aux exploiteurs, sans dénoncer les collabos, ou moquer les plus soumis. Tout cela n’est souvent qu’affaire de circonstances, de naissance, de chance, de talent. Et si personnellement j’ai toujours eu le ventre un peu mou, le menton assez volontaire, le front bas du rebelle, et l’esprit obtus de l’âne, j’ai beaucoup subi, me suis trop prostitué. Et, trop courbatu aujourd’hui d’avoir tant pris les positions que l’on attendait de moi, j’en suis venu, non seulement à refuser de collaborer, mais à résister, chemin que certains Français firent entre 1940, moment où, selon le Général, les Français se laissèrent mener à l‘abattoir comme des veaux, et la fin de la guerre. Car je crois que la situation, si différente de celle de l’occupation nazie, appelle encore à un mouvement de résistance et de sabotage. Et j’en viens à penser, moi dont les questions morales sont sans doute les seules qui me passionnent vraiment en philosophie, que résister, refuser de consentir, pour reprendre cette formule de La Boétie, est la seule éthique qui convienne à un homme qui chemine vers le terme de sa vie, ce moment si redouté, quand il faudra bien rendre quelques comptes. Refuser de se soumettre ou de collaborer, se cabrer comme un vieux cheval devant l’obstacle de trop, le dernier fossé à franchir…

 

Depuis de nombreuses années, je ne vote plus ; ou si je le fais, par exception, et toujours aux extrêmes, ce sera dans une volonté de saboter le vote. Et quotidiennement, fourmi industrieuse à la sape, je travaille stérilement à la ruine du Système dans l’espoir vain et un peu puéril que le peuple sorte de sa léthargie, secoue son joug et renverse ce système liberticide, méprisant de la vie et qui nous cuit à petit feu, hommes, bêtes et toute la nature dans le même chaudron diabolique. Je résiste, petit avorton ridicule et têtu, pratiquant quotidiennement, soit cette désobéissance que l’on nomme civile, mais que je dis « civique », soit sabotant tout ce qui peut l’être, sans jamais attenter ni aux personnes ni aux biens. Non, je ne pose pas de bombes, ne mets la vie de personne en péril, pratique autant la non-violence que l’humour, préférant entartrer le Système plutôt que le dynamiter. Mais nous avons tous mille occasions de nous attaquer avec détachement et humour au système et à son attelage de tête : le Marché et la Bureaucratie, en rêvant qu’un jour peut-être, des maquis de résistance pourront s’organiser en un Conseil National de la Résistance au Système.

Je résiste avec constance et application, cultivant une posture qui se veut pacifiste et essayant de ne porter aucun jugement moral sur les uns ou les autres. Les exploiteurs exploitent le Système comme les situations et les hommes. Je les combats sans haine, presque nu face à leurs grosses machines. Les soumis ne sont pour moi que des victimes et je me reconnais en eux, parfois fatigué, écœuré, découragé ou brisé.  Et le collabo n‘est souvent qu’un individu qui a peur, peur de l’avenir et du changement, qui pense à sa famille et à son confort, fait ses petites affaires dans un mode d’affairistes. Et je vois trop que si je résiste, c’est plus par « conformation physiologique » que par « courage » ou « grandeur d’âme », et qu’il n’y a pas lieu d’en tirer la moindre fierté.

Le luxe ! ou rien…

On oppose trop souvent et à tort, conservateurs et réformateurs, alors que les réformateurs sont le plus souvent les pires des conservateurs. Quand on veut vraiment changer les choses, on ne procède pas par réforme, laissant cela à ceux qui veulent « tout changer pour que rien ne change ». Car réformer, c’est corriger, donc conserver.

On prétend ainsi réformer les retraites pour ne pas changer de système ; on réforme le système politique en changeant le nom des choses, les têtes ici ou là, mais sans rien remettre en cause ; après chaque crise financière, on réforme le système financier ; aujourd’hui nous sommes confrontés à un problème de développement économique, une impasse, et on en reste à imaginer mettre des cautères sur une jambe de bois.

Il faut cesser de réformer, cesser de réparer, de colmater, d’arranger, de faire perdurer ce qui ne marche pas. Laissons ces idées aux conservateurs macronistes et aux idéologues énarquiens. A un certain moment, il faut « changer de véhicule ». Notre République est en panne : elle est de moins en moins démocratique, de plus en plus liberticide, inégalitaire, injuste, bureaucratique. Mais je sais bien qu’elle distribue postes, honneurs, prébendes, allocations, et que chacun à trop peur de perdre le peu qu’il a – et je ne parle pas de ceux qui ont beaucoup, et parfois trop à perdre. Il faut remettre tout à plat et accepter de prendre ce risque. Je pense qu’on le doit à ceux qui viennent après nous.

 

Non, je ne prétends pas à la Politique, et si je devais avoir un programme, je ne revendiquerais que celui-ci : permettre à chacun d’accéder au luxe. Et cela est parfaitement possible. Mais j’entends le luxe comme réappropriation de l’espace et du temps, c’est-à-dire en fin de compte, de la nature.

Subversion des commissaires de la république

Si je n’aime pas les religions, ce n’est pas seulement parce qu’elles nous proposent de vivre dans un monde symbolique, disons-le poétique, un monde irréel et fumeux. Non ! Après tout, pourquoi pas si cette construction idéelle, fantasmagorique, en nous éloignant de la vraie vie, ne nous la gâchait pas ? C’est surtout que je suis trop attaché à la liberté, et notamment à celle de penser, pour céder totalement aux idéologies, même religieuses, et pour vendre mon âme à un parti, fût-il religieux. Je reste un esprit libertaire, fidèle à cette simple définition : être libertaire, c’est refuser la soumission sans refuser l’engagement, et c’est autant refuser le nihilisme que la moraline. Et je suis malheureux de voir que nos sociétés restent si religieuses et que le progrès qu’on nous vend comme tel nous prépare gentiment à un monde de moins en moins démocratique, de plus en plus totalitaire, de plus en plus régressif. Triste progrès ! Et si je dis « gentiment », c’est en ayant à l’esprit les images d’Emanuel Maron ou de Bruno Lemaire, des personnalités jeunes et souriantes, modernes, intelligentes, des hommes au charme véritable, très élégants, et à la communication lisse comme leurs visages télégéniques. Des ambitieux qui travaillent sérieusement à notre malheur en nous tapant gentiment sur l’épaule et en nous racontant des sornettes, qui nous parlent d’une « start up nation », en pérennisant un système d’un autre temps, dont le conformisme et la ringardise sont les marques.

 

Camus déclarait en mars 1957 : « Ce qui définit la société totalitaire, de droite ou de gauche, c’est d’abord le parti unique, et le parti unique n’a aucune raison de se détruire lui-même. C’est pourquoi la seule société capable d’évolution et de libération, la seule qui doive garder notre sympathie à la fois critique et agissante, est celle où la pluralité des partis est d’institution ». Comment ne pas être globalement d’accord avec lui, et ne pas pointer aujourd’hui l’Algérie ou Cuba, la Chine ou la Corée du Nord ? Mais je voudrais aussi prolonger le propos, l’actualiser en quelque sorte. Encore faut-il, dans une société prétendument démocratique, qu’un parti ne soit pas en position de domination, ou que le pouvoir d’un leader charismatique ne s’affranchisse pas des partis.

Mais que penser quand les politiques n’ont plus la main et que le pouvoir est exercé par une institution, une administration sans contrôle ? En fait, je pense que le totalitarisme commence là où cesse la politique, c’est-à-dire la libre confrontation des idées et la possibilité d’un véritable choix. Et son niveau le plus abouti est la fin de l’état de droit. Et puis je rajouterai un dernier point, sans doute le plus important : on ne peut imaginer de gouvernement démocratique sans construction d’une société démocratique, et je vois trop que les Français, entre apathie et violence, sont de moins en moins informés et de moins en moins politisés. Ils sont découragés, ou s’en moquent ; et les gilets jaunes font tache – malheureusement pas « tache d’huile ».

 

La France, progressivement, mais rapidement, s’éloigne d’un schéma démocratique qu’elle n’a jamais atteint, et je ne vois pas comment ne pas écrire, sans chercher l’outrance, qu’elle est de plus en plus totalitaire. À croire qu’Orwell et Huxley étaient prophétiques.

 

Et si je pointe les raisons de ce pourrissement, c’est moins pour remuer le couteau dans la plaie que pour pointer dans le même temps les possibles réponses.

La bureaucratie étatique a pris le pouvoir, et l’exerce sans partage. Quelques dizaines de milliers de hauts fonctionnaires, non élus, mais cooptés, formés à une écrasante majorité à l’ENA, gouvernent le pays et ont réussi à imposer les leurs aux principales élections pour justifier d’une forme de légitimité. Emanuel Macron, comme le fut François Hollande avant lui, n’est qu’un représentant de la haute administration ;

Au fil des décennies, cette bureaucratie jacobine a construit tout un maillage d’institutions (agences, instituts, conseils, comités, commissariats, hautes autorités, observatoires, directions, bureaux, fondations), pour lui permettre de tout verrouiller, sans laisser la moindre liberté ou initiative aux usagers ou aux pouvoirs locaux ;

Elle a tout fait pour éloigner les gens de la politique, quitte à tout complexifier artificiellement pour réserver le champ de l’action publique à des spécialistes fonctionnarisés ;

Elle s’est alliée au Marché pour surveiller, contrôler et exploiter la population, transformant le consommateur en un animal de rente. Je remarque que tous les grands médias appartiennent au Marché et que notre siècle sera celui de « Big Brother » ;

Elle capte une partie essentielle et toujours croissante de la richesse produite (aujourd’hui plus de la moitié, demain 60, puis 70, puis 80 %), non seulement pour financer son couteux système de gestion et de prébendes, mais aussi pour rendre dépendant de l’État une partie toujours plus importante de la population (subventionnée ou allocataire), nous emmenant dans un schéma où une petite minorité de riches seront libres, car indépendants de l’État, et où la masse des gens seront totalement surveillés, dépendants et asservis à l’État. Rappelons que toute dépendance à l’État est une perte de dignité ;

Elle développe de manière méthodique, en s’appuyant sur les médias de masse, et en la justifiant « pour le bien et la sécurité de tous », une culture de l’irresponsabilité, de la soumission, de la surveillance, de la bien-pensance, une culture qui pue et me fait gerber.

Elle ne laisse aux esprits libres qu’une seule alternative : entrer en résistance.

Restons sur la politique

Restons sur le plan politique pour redire, déjà, que toute la perversité de notre époque tient dans cette formule : « Obéissez et nous vous garantirons vos droits individuels fondamentaux » ; une formule qui fait pendant à cette autre, qui n’est plus celle de la Bureaucratie, mais celle du Marché : « Profitez de nos services et laissez-nous nous occuper de tout ». Mais c’est bien ce marché de dupe que je refuse absolument, car je ne veux pas n’être qu’un animal de rente, un mouton dans le pré. Et que ce pré soit maigre ou gras m’importe peu. Je veux un peu de vraie liberté, quitte à la payer par la faim et le froid.

 

La volonté du peuple, ça n’existe pas, car le peuple n’est qu’un concept ; et si les concepts ont du pouvoir, ils n’ont pas de volonté. Ce que nous appelons « intérêt général », c’est-à-dire « le bien public », ou « le bien commun », se réduit donc souvent à peu de choses et ne peut suffire à occuper le champ politique ou à constituer l’essentiel de ses fins. Car nos débats politiques sont souvent moins axiologiques que méthodologiques.

Par ailleurs, la volonté générale ne peut être décrétée ni par un responsable politique ni par un juge ou un philosophe, encore moins par un fonctionnaire qui ne peut évidemment en juger, ou par un institut de sondage. Car elle n’existe pas a priori, n’étant que le fruit improbable d’un processus délibératif très étendu qui permet de faire converger plus ou moins largement les aspirations personnelles en dépassant les égoïsmes. Dans le meilleur des cas, cette convergence prend la forme d’un consensus que l’on peut qualifier de bien public. Dans d’autres cas, ce processus qui est alors plus de clarification et de raffinage que de construction, d’élaboration, conduit à un affrontement radical entre deux conceptions axiologiquement irréconciliables, ou entre deux sensibilités à la vie ; et le plus souvent entre deux façons de positionner un curseur entre deux options radicales qui ne conviennent pas plus l’une que l’autre. Et la délibération garde alors tout son intérêt comme clarification et rationalisation. Il faut alors trancher entre ces deux options finales clarifiées, accepter le rapport de force, et, soit renoncer à décider et à agir, soit mettre en suspension la démocratie pour faire prévaloir le point de vue majoritaire, c’est-à-dire se résoudre à accepter la dictature du plus grand nombre pour peu qu’elle préserve a minima les intérêts minoritaires.

 

Pourquoi voulais-je évoquer le processus délibératif ? Parce qu’il n’y a pas de démocratie véritable qui ne soit représentative – malheureusement –, directe – dans le même temps –, mais aussi participative et délibérative ; et parce que l’on parle de démocratie délibérative depuis plusieurs décennies sans voir de vraies avancées dans le domaine (Habermas, Rawls, etc.).

Mais comment un système politique pourrait-il être à la fois représentatif et direct ? N’y a-t-il pas contradiction dans les termes ? De fait, on voit mal comment une démocratie pourrait ne pas être directe, sauf à renoncer à son caractère démocratique ; et comment les démocraties de masse pourraient ne pas être représentatives ? Il n’y a donc qu’une façon de résoudre l’équation, de dissoudre l’aporie : s’assurer que les représentants des citoyens sont à la fois représentatifs, et qu’ils représentent bien leurs électeurs et non pas leurs partis d’affiliation ou les dirigeants de ces partis. Il faut donc qu’à tous les niveaux, ils soient tirés au sort pour des mandats courts, afin que soit réalisée la « confusion des dirigeants et des dirigés ». Car c’est la ruine de la démocratie quand on laisse une élite politique se créer, à côté du peuple, et vivre et travailler dans des palais protégés par des gardes mobiles.

Faut-il vraiment plaider pour la participation des citoyens aux affaires publiques ? Je pense la plaidoirie inutile, mais sans doute faudrait-il distinguer les citoyens, engagés dans la vie politique, et les nationaux-non-citoyens qui ont choisi de ne pas s’investir, mais qui ne peuvent être écartés de la vie démocratique ; ceux-ci ne sont pas prêts à accepter les devoirs exigés des citoyens, mais ces nationaux politiquement passifs doivent néanmoins participer aussi à l’élaboration des décisions. Car décider pour quelqu’un sans lui, c’est toujours lui imposer cette décision ; c’est donc toujours attenter à sa liberté, car tout ce qui est imposé est liberticide.

Quant à la démocratie délibérative, elle est nécessaire, soit pour créer ces consensus qui font nation, soit pour clarifier les différences axiologiques, mais ces processus de délibération doivent être normés et qualifiés précisément, et je renvoie chacun à la lecture d’une très abondante littérature sur la démocratie délibérative. Mais je saurai aussi y revenir.