Le mécréant

Vous l’avez remarqué, je viens de reprendre la forme de ce blog qui avait vieilli. Oui, lui aussi… À l’origine, je l’avais nommé lemescréant.fr, puis, sous la pression d’une actualité chargée et marquée par un semblant de croisade islamiste contre les mécréants, j’avais choisi, pour couper court aux malentendus, de le renommer ; et bien que l’usage du « s » dans mescréant fût sensé évoquer, en renouant avec une graphie obsolète, un tout autre univers, celui des êtres qui mescroient : « Jhesu Crist m’envoit honte a la mort se je vous ai menti de mot ! Frans quens, c’est péchiés de mescroire ». Mais tout lecteur ne prend pas le temps de comprendre ce qu’il a sous les yeux. Mais j’ai toujours gardé dans ma présentation intime, cet aveu de mescréance. Je le retrouve dans cet onglet « qui suis-je ? » que j’ai rebaptisé : « Ecce Homo ! » On n’en sort pas vraiment.

Et j’y reste pour à nouveau réfléchir sur cet aveu de mécroire, qui est plus, de mon point de vue, le contraire que la simple négation de croire. C’est un peu subtil, d’aucuns diraient : « tiré par les cheveux ». Ce que je voulais dire, c’est que certains sont convaincus, soit qu’une chose est vraie, et ils la croient alors telle, soit qu’elle est fausse, et ils la croient alors ainsi. D’autres, et j’en suis, ne savent pas, et en sont réduit, non pas à suspendre leur jugement, mais à juger tout en ne sachant pas, et en sachant qu’ils ne savent pas.

Et c’est une des raisons, cette mécréance, qui a fait de moi un antireligieux convaincu, un militant dénonçant tout dogmatisme, tout totalitarisme moral ou ce que l’on pourrait nommer plus pudiquement tout « esprit d’orthodoxie ». Je ne me définis donc pas comme athée, me sentant proche et en sympathie avec ceux qui ont une foi chevillée à l’âme que je ne veux pas discuter, que je respecte totalement. Je fais seulement partie de ceux qui ne croient pas que Dieu existe, du moins celui des religions du livre, sans faire partie de ceux qui croient qu’il n’existe pas. Mais tout cela, ce n’est que jeux d’esprit, travail épistémologique. Pas vraiment ! car cette disposition, cette conformation psychologique a des conséquences sociales et politiques. Car mescroire, tel que je le conçois, c’est ne pas adhérer à une croyance ; et ce refus d’adhérer, de me soumettre, est bien dans ma nature. Je ne prétends pas n’avoir « ni dieu ni maître » – quel orgueil ! –, mais seulement n’être ni encarté ni enrôlé ni fidèle à telle ou telle religion. C’est un peu le message de La Boétie : « Soyez résolus de ne servir plus, et vous serez libres ». On pourrait rajouter et le dire ainsi : ne pas croire, ne soumettre son esprit à aucune croyance, rester ouvert au possible, être libre dans sa tête… 

Évidemment, je crois un peu, par exemple que ce que j’écris ici sera peu lu, ou que demain matin le soleil se lèvera sur le Golfe du Morbihan, et qu’Emmanuel Macron sera toujours notre président et n’aura pas changé. Mais parlons de choses plus importantes, de ce qu’on appelle la foi, et qui brille dans les yeux de certains de mes amis.

Je ne crois pas que ce qui est se limite à l’univers sensible et temporel. Mais je ne saurais rien dire de ce dans quoi notre univers se dilate depuis 13,8 milliards d’années. Je n’en sais rien et suis même incapable de le concevoir. Et faute de le concevoir, faute de pouvoir concevoir l’inconcevable, sauf à le réduire à une fable plus ou moins morale, je ne peux croire à son existence, même si je crois cette existence possible. Mais rien n’existe qui ne puisse être senti ou conçu.

Je continuerai donc à dire à qui me le demande que je suis incroyant, mais pas athée, sachant bien que ma psychologie et ma spiritualité sont toutes entières structurées par cette mescréance que je porte un peu comme un étendard, disons comme un drapeau ou un mouchoir de poche.

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