Profession de mescréance

Noël, Noël !

Dérèglement climatique ou pas, le père Noël revient nous visiter dans quelques jours, un peu avant les pompiers avec leurs calendriers. Il faut sans doute consentir de bonne grâce à ces rituels saisonniers. Il n’y a plus de saisons !, mais la vie continue. Je n’aime pas beaucoup les fêtes de Noël, trop peu enclin à me prêter aux rites, surtout quand le Marché nous enjoint de consommer, d’acheter absolument des gadgets qui décevront nos enfants trop gâtés, et qu’ils délaisseront sous peu. Mais il faut bien soutenir le PIB, c’est-à-dire payer de la TVA. Je trouve sur un site (www.alliancy.fr) les chiffres suivants – extraits d’un rapport « CRR annual report 2017 » –, qui ne concernent que la France de 2017 : 68,14 Milliards d’euros de dépenses prévisionnelles pour Noël, dont 19,70 pour le commerce en ligne et sur mobiles, et un budget cadeau de 320 € par ménage. C’est dire – si je peux endosser ici, non pas la houppelande rouge de père Noël, mais celle, plus sombre de père Fouettard – que Noël est d’abord une machine à détruire la planète, à enrichir la Chine, à faire le bonheur d’Amazon, à faire rentrer dans les caisses de Bercy, compte tenu de la TVA sur les jouets et autres frais, une centaine d’euros par ménage. Merci petit Jésus ! Soutenir Noël est donc une cause nationale, et chinoise – ce grand et beau pays des droits de l’homme –, et nous avons ici le devoir civique de consommer, voire de nous enivrer. On remarquera d’ailleurs que ce sont les pauvres qui, à cette occasion, consomment le plus ; au moins relativement.

Mais cessons de morigéner, et après Noël et Fouettard, ne passons pas le costume de l’autre petit barbu, Grincheux, même si une chronique, en ce temps si particulier, se doit d’être un peu puérile.

 

Noël, c’est la fête, les cadeaux, les jeux de société. De mon point de vue, ce sont les meilleurs cadeaux à offrir, car, par définition, ils n’ont d’intérêt et ne produisent de plaisir qu’en société. Les autres jeux sont souvent trop solitaires, et favorisent nos penchants solipsistes, un peu comme la masturbation – pour rester sur le registre de la puérilité, mais je pense ici à la philosophie qui en est une, par d’autres voies.

Et bien que j’aie toujours adoré les mécanos – toujours ce goût des constructions conceptuelles – je préfère ces jeux de société qui miment la vie : les jeux de cartes, celui de l’oie, le Monopoli. Le jeu de l’oie est très ancien – début XVIe, indémodable, et si clair dans cette façon de figurer un chemin de vie : un pas en avant, deux en arrière, et cette façon de le jouer des dés, symboles si purs et si carrés d’un fatum facétieux.

 

Et pour les plus âgés, je regrette un peu, actualité inspire, ne pas avoir trouvé en supermarché le jeu du petit constitutionnaliste. Après tout, si le Monopoli a pour vocation à former des hommes d’affaires, voire à venger tous ces ratés du business que nous sommes dans la vie, on aurait pu distribuer aux gilets jaunes, ce jeu de grand afin qu’ils imaginent cette nouvelle république que chacun appelle de ses vœux.

Promis ! Si, cette fin de semaine, je trouve cette jolie boite barrée de jaune, nous l’ouvrirons ensemble pendant les fêtes, au moins pour prolonger encore un peu le jeu, avant le saut dans une nouvelle année et le retour aux choses sérieuses avec ou sans la gueule de bois.

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