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Un peu d’humilité

On aura peut-être remarqué que souvent je semble passer à côté. C’est juste… et c’est souvent un choix « éditorial ». Tout le monde semble en effet aujourd’hui ne s’intéresser qu’à cette question posée aux Français : peut-on reconduire « une équipe qui perd », animée par un chef d’État qui en sept années a réussi à mener la nation dans une impasse chaotique, ou faut-il se résoudre à faire le choix entre la peste et le choléra ? Bon dimanche ! Mais tout étant dit sur cet exercice périlleux de citoyenneté, je préfère m’interroger sur les fins de la politique et la notion de progrès. Après tout, notre Président n‘a-t-il pas parfois réduit le débat à cela… Les progressistes, plutôt jeunes et disruptifs, En Marche sur le chemin de l’Histoire versus les conservateurs, vieux, ringards et déconnectés, incapable de prendre la route ou le train de l’Histoire. Et la question qui me préoccupe est de savoir, précisément à l’époque où la puissance individuelle d’agir semble réduite à rien dans un monde global, mécanisé, aux économies interdépendantes, si un homme, une femme politique providentiels peuvent encore prétendre changer le monde ; ou si nous en sommes réduits à nommer aux plus hautes responsabilités des énarques rompus aux relations publiques, dont la seule marge de manœuvre serait sur le plan sociétal, car tout le reste serait déjà inéluctablement « plié ».

Pour faire court, rappelons que les théories scientifiques, qui permettent d’appréhender, c’est-à-dire de décrire et de prévoir des phénomènes qui semblent régis par des lois de causalité, ont profondément bouleversé la philosophie. Notamment la vision que nous pouvons avoir de l’Histoire et du Progrès. Je pense précisément à la théorie de l’évolution que Darwin nous a laissée : à savoir que l’évolution ne résulte pas d’un « projet » au service d’une « fin » – vision théologique –, mais d’adaptations conjoncturelles du vivant à son milieu avec trois principes : «  la lutte pour l’existence (des individus et des espèces ; donc aussi des sociétés), le principe de divergence (dont la forme est aléatoire et qu’on pourrait nommer principe ou capacité d’invention), le principe d’utilité » (ou d’efficacité, qui capitalise ce qui sert ou marche, et finit par rejeter ce qui n’apporte rien ou n’est pas viable).

L’essentiel de ce que je retiens est donc que le vivant semble, en matière de devenir, n’avoir d’autre volonté que de survivre et de s’adapter. Mais Darwin s’intéressait à l’évolution des espèces vivantes dans une perspective de long terme et hors du champ politique ; et je ne cherche pas à lui faire dire ce qu’il n’a pas dit.

Car là où l’homme intervient de manière singulière, c’est qu’il rajoute à ces principes naturels (notamment la lutte pour sa survie et d’adaptation au milieu – on le voit face au dérèglement climatique) le principe de responsabilité. En effet l’homme est le seul animal à posséder à ce niveau significatif une sensibilité, une conscience morale dont l’esprit de responsabilité est l’autre nom. Et si l’homme évolue « naturellement » de manière corrélée avec l’évolution de son environnement, il est aussi celui qui modifie cet environnement qui est aussi celui de toutes les espèces : par l’urbanisme, l’architecture, l’agriculture, en polluant durablement les océans ou, au contraire, en protégeant et sanctuarisant certains espaces naturels. Et, étant en capacité de faire des choix éthiques, il peut intervenir en redonnant une axiologie à l’Histoire et sur le cours naturel et aléatoire de l’évolution des choses. Et d’une certaine manière, après avoir inventé une utopie divine et l’avoir nommé Dieu, afin de ne pas sombrer dans un désespoir fatal, il peut travailler à l’avènement d’un homme nouveau dans le meilleur des mondes possibles, dans la perspective de devenir à l’image et à la ressemblance de son utopie – la fin de l’histoire et le premier homme… Mais le chemin de l’Histoire est long, chaotique, et pavé de bonnes intentions. Et le seul viatique indispensable à ce long voyage vers cet horizon qui semble toujours s’éloigner est un esprit d’humilité. Nos candidats primo ministrables en ont-ils ?