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Articles politiques

Une démocratie du bon sens

Si la pédagogie repose sur l’art de la répétition, encore faut-il, à chaque fois, trouver de nouveaux moyens d’expliquer les mêmes choses. En ces temps de crise institutionnelle où l’on prend progressivement conscience de la fin de la Ve République et de la nécessité d’un changement de régime, il semble utile de revenir aux fondements de la philosophie politique. Et à une comparaison renouvelée de l’aristocratie et de la démocratie, en laissant de côté la monarchie — forme de pouvoir d’un seul, qui, sauf à s’appuyer sur une légitimité divine, risque toujours de dégénérer en tyrannie. Les exemples historiques qui ne manquent pas : Staline, Franco, Castro ou Mao — pour ne citer que ceux qui sont morts dans leur lit — illustrent comment la monarchie, même déguisée, se transforme souvent en théocratie.

L’aristocratie : le gouvernement des meilleurs ?

À entendre certains, notamment européistes et méprisant le populisme – les mêmes qui ne craignent pas d’user de démagogie –, une aristocratie d’experts serait mieux à même de gouverner que des élus du peuple. Leur argument ? La complexité croissante du monde rendrait nécessaire un pouvoir exercé par des spécialistes. Pourtant, cette complexité est largement le fruit de leurs propres actions : ce sont ces mêmes experts qui, en multipliant les normes et les mécanismes, ont créé un système ingérable, dont ils peinent eux-mêmes à maîtriser les conséquences. Leur fuite en avant inquiète : vers quel mur nous entraînent-ils ?

Mais l’aristocratie, si l’on s’en tient à l’étymologie, c’est toute autre chose, c’est le gouvernement des meilleurs (aristoi). Et convenons qu’en bonne logique, « ce gouvernement des meilleurs devrait être le meilleur des gouvernements ».

Mais comment le trouver ? Platon répond précisément à cette question au livre V de sa République. On sait que, pas plus que son maître Socrate ou que son plus célèbre disciple, Aristote, il n’était démocrate. Il défendait au contraire cette idée que « les philosophes doivent être rois ou les rois, philosophes ». Cette formule, souvent mal interprétée, ne signifie pas que les diplômés en philosophie devraient gouverner. Elle souligne plutôt que le pouvoir devrait revenir à ceux qui, par leur quête de la vérité et leur élévation morale, incarnent la sagesse. Ceux-là seuls pouvant être qualifiés de philosophe-φιλοσοφία-philosophía. Socrate, Diogène ou Héraclite — qui n’ont rien écrit — en sont des exemples. Mais comment distinguer un vrai philosophe d’un simple rhéteur ? Platon lui-même en a fait l’expérience : alors qu’il définissait l’homme comme un « bipède sans plumes », Diogène lui jeta un coq déplumé aux pieds, soulignant l’arbitraire de ses définitions.

Pourtant, l’idée d’une aristocratie comme « gouvernement sage du peuple par les plus sages » reste séduisante. Notre prétendue démocratie, en réalité une technoploutocratie, en est loin : la classe politique manque en effet cruellement de vertu et de sagesse. À moins d’accepter le concept paradoxal d’une « aristocratie de la médiocrité ». Et je passerai vite sur ce qu’il convient d’appeler, en utilisant l’oxymore, « démocratie illibérale ». Je pense à ces régimes hybrides, comme ceux observés en Turquie, en Russie ou en Chine qui illustrent comment une élite peut capturer les institutions démocratiques pour servir ses propres intérêts, tout en maintenant une façade électorale. Où l’on y voit que l’expertise peut devenir un outil de concentration du pouvoir, loin de l’idéal platonicien d’un gouvernement des sages. C’est d’ailleurs l’écueil dans lequel la construction de l’EU s’est encastrée.

La démocratie : le gouvernement du bon sens

Si la démocratie se définit comme le « gouvernement du peuple, par le peuple », le parlementarisme en est une version très édulcorée. Les députés, élus par délégation, n’ont pas de mandat impératif ; les partis politiques, qui contrôlent les investitures, gouvernent selon leurs intérêts. L’agora citoyenne étant trop vaste pour être réunie, la représentation est nécessaire. Mais comment garantir que les élus incarnent la volonté populaire ?

Une solution consisterait à redéfinir la démocratie non comme le pouvoir des experts ou des sages, mais comme celui du bon sens. Les citoyens, s’ils ne sont pas tous des philosophes, possèdent une expérience concrète de la vie commune. Plutôt que de chercher des sages introuvables, on pourrait leur reconnaître deux qualités : le bon sens et la connaissance des réalités qu’ils partagent. D’où cette nouvelle proposition de définition : si la monarchie est théocratique ou dictatoriale, et l’aristocratie le gouvernement des sages, la démocratie doit être celle du bon sens.

La crise des institutions appelle à repenser les fondements du pouvoir. Entre l’illusion d’une aristocratie des experts et les limites d’une démocratie représentative captive des partis, une autre voie existe : celle d’un gouvernement du bon sens, où le bon sens collectif et une forme de sagesse collective l’emporteraient sur les intérêts particuliers. Une révolution authentique consisterait alors à libérer les députés de la tutelle des partis, et à introduire une dose de bon sens à l’Assemblée — par exemple, en élisant une partie des représentants par tirage au sort. Ce qui permettrait une meilleure diversité sociale que les élections, souvent dominées par des élites politiques ou économiques. Et des citoyens tirés au sort, conscients de leur responsabilité, peuvent s’engager très sérieusement dans des débats, comme le montrent quelques retours d’expérience ici ou là.

Un fédéralisme à la française : une fausse bonne idée ?

J’écoutais hier, sur une chaîne d’information, Jean-Louis Borloo plaider pour une réforme fédéraliste comme remède aux désordres que traverse la France. J’ai eu envie de lui répondre, car l’homme est brillant, visiblement passionné, et nous manquons cruellement de débats de qualité.

Il s’est longuement attardé sur la crise actuelle — un préalable nécessaire à toute proposition de solution. Il a parlé de « faillite », rappelant qu’une entreprise en faillite ne souffre pas seulement d’une crise de liquidités, mais d’un dysfonctionnement global. Une comparaison que je ne reprendrais pas totalement à mon compte, mais qui, venue d’une personnalité de son expérience, renvoie certains députés « Ensemble » à leurs contradictions.

J’en entendais une, récemment, plaider contre la dissolution parlementaire et nous expliquer que « ça ne va pas si mal », que la crise est surmontable, et qu’il faudrait plutôt s’entendre dans le cadre d’une coalition « à l’allemande ». Mais Jean-Louis Borloo, lui, préfère « renverser la table ». Après ce constat asséné à coups de marteau, il en est venu à diagnostiquer un mal structurel : notre système n’est ni vraiment centralisé, ni complètement décentralisé. Résultat, à force de niveaux de décision superposés, on s’occupe de tout sans rien maîtriser. Il en a donné des exemples, il a raison sur ce point. Et, en conclusion, il en appelle au fédéralisme : un système à inventer, où l’État ne s’occuperait que du régalien, laissant le reste aux régions. Une idée si séduisante que 60 % des Français y seraient favorables, selon un récent sondage.

Je suis contre. Mais encore faut-il l’expliquer.

Jean-Louis Borloo escamote — car il est trop fin pour l’oublier — un point essentiel : cette réflexion ne peut se limiter au cadre national. Elle doit intégrer la question européenne et notre vassalité croissante à la Commission de Bruxelles.

C’est là que réside ma réticence principale, même si je crains aussi que ce fédéralisme ne coûte cher au contribuable. Celui-ci serait d’ailleurs traité différemment selon les régions, posant une question constitutionnelle majeure : l’égalité des Français devant l’impôt. Sans doute créerait-on des emplois… mais des emplois de fonctionnaires, sans création de richesse ni de valeur ajoutée.

Même si les régions fédérées, en prélevant des impôts locaux, assuraient leurs nouvelles missions, l’État continuerait de s’immiscer partout. Il ne réduirait ni son train de vie, ni le nombre pléthorique de ses agences et fonctionnaires, ni les impôts qu’il perçoit. Mais ma critique va plus loin.

Notre culture politique, celle qui a fait notre grandeur, repose sur le centralisme d’un État souverain. Pourtant, sous la pression des européistes et des internationalistes, notre classe politique prône la disparition de cet État. Celui-ci a déjà abandonné une partie essentielle de ses prérogatives : à la technocratie bruxelloise, aux grandes entreprises aux ancrages nationaux fragiles, et bientôt, à une Europe qui ne cache plus ses ambitions impériales.

Le débat sur l’État de droit est biaisé, car la souveraineté et la démocratie — foulées au pied chaque jour par nos parlementaires — en sont les fondements. Notre État ne contrôle plus ses frontières, ni ses flux migratoires. Il ne maîtrise plus son économie depuis qu’il a renoncé à sa monnaie pour un mark rebaptisé « euro », ni sa capacité à fixer le prix de son énergie, partie des coûts de production. Il ne décide même plus des traités commerciaux qu’on lui impose. Bientôt, il n’aura plus de diplomatie, plus de défense, et deviendra invisible.

Pire : la Commission européenne s’est arrogée, sans légitimité constitutionnelle, le droit de mener sa propre diplomatie. Elle a embauché, pour la diriger, un clone d’Ursula von der Leyen, et cette dernière s’invite aux réunions sur la défense comme un chef d’État. L’UE s’est octroyé ces pouvoirs comme une grande, mais elle n’a de grand que ses prétentions.

Demander à un État déjà vidé de ses pouvoirs par le haut (Bruxelles) de se départir du reste par le bas (les régions), c’est accélérer sa disparition. Avec un peu d’humour, on pourrait dire qu’après avoir enlevé le haut, on lui demande d’enlever le bas… et à révéler que le roi est nu et son corps décharné.

Jean-Louis Borloo prétend que c’est le « sens de l’histoire ». Mais, faute d’être déjà écrite, cette histoire n’a aucun sens. L’idée d’une Europe continentale n’est pas nouvelle : elle aurait pu être française, imposée par le sabre de Napoléon, ou allemande, sous le joug d’Hitler. La partie n’est pas jouée.

Le fédéralisme qu’on nous propose ressemble étrangement à un « machin » : un empire européen dominé par une Allemagne réarmée, un nouveau Reich dont les länder seraient dirigés depuis Bruxelles par les successeurs de la chancelière Ursula von der Leyen. Remarquons qu’Emmanuel Macron, le plus européiste de nos présidents, a proposé de partager notre siège au Conseil de sécurité de l’ONU avec l’Allemagne, puis d’européaniser notre dissuasion nucléaire. En somme, il s’agit de rendre à l’Allemagne ce que le général de Gaulle avait bâti pour défendre notre indépendance.

Ce projet fédéraliste conduira à la disparition de la France, à la fois comme État, vidé de sa substance, et comme nation, diluée dans un ensemble sans âme. N’a-t-on pas entendu Macron affirmer que « la France n’a pas de culture » ?

Enfin, à la question « Comment faire ? », Borloo évoque la Pologne de Solidarnosc : un processus populaire, inattendu, révolutionnaire. Mais la France n’est pas la Pologne, et pour deux raisons.

D’abord, le peuple français n’est pas révolutionnaire — ce que Jean-Luc Mélenchon doit regretter. Les Parisiens ont bien pris la Bastille, mais dans des conditions bien particulières. Ensuite, l’État français, grâce à une fonction publique nombreuse et dévouée, a toujours « tenu » le peuple. Les Gilets jaunes en ont fait l’amère expérience. Et continue dans ce désordre si évident à le tenir.

Les dernières initiatives de la Commission européenne (comme l’identité numérique) visent d’ailleurs à transformer l’UE en un empire à la chinoise. Un jour, les manifestations non autorisées place de la République seront peut-être réprimées comme celles de la place Tiananmen.

Si une politique doit être cohérente et globale, elle ne peut se décider ni à Bruxelles ni dans des capitales régionales. Elle doit se penser à Paris, ou ne sera qu’un leurre de plus.

Pour conclure avec une pointe d’ironie : le fédéralisme à la française risque de nous laisser avec le corps nu d’un roi décharné… et émasculé.

Peux-tu m’aider à corriger un article politique pour mon blog : cohérence, syntaxe, en conservant un ton humoristique ou acerbe ?

C’est bien une crise de régime

Une crise de régime dont on ne prend pas la juste mesure…

Un gouvernement est nommé en France le dimanche soir – le troisième en peu de temps. À peine la nuit passée, et alors qu’avec l’aube chacun se réjouit du retour d’une forme de clarté matutinale, son Premier ministre démissionne. On croirait revivre les heures troubles de la Quatrième République. Voici ce qu’on appelle une crise de régime.

D’un côté, une députée macroniste, probablement inquiète pour son siège, déclare « on y était presque… on peut encore y arriver… il faut rester positif et continuer à travailler pour rapprocher les points de vue ». De l’autre, on évoque une dissolution inéluctable, voire une démission du Président pour, après retour au peuple, sortir de l’impasse. Mensonges, erreurs d’appréciation, calculs politiciens ? La réalité est plus simple :  ils craignent tous pour leur poste, sont prisonniers de leurs habitudes et incapables de changer de logiciel. Comme le résume Philippe de Villiers, des « gens qui font leur petite cuisine, sur leur petit réchaud, dans leur petite cuisine ».

Une crise de majorité se résout par un changement de majorité, voire une cohabitation ; une crise politique traditionnelle, par un retour aux urnes et une nouvelle orientation gouvernementale. Mais une crise de régime ne peut se résoudre que par un changement de régime. Or, la classe politique n’en a ni l’envie ni le courage.

La Cinquième, une symphonie funèbre

Très efficace pendant les Trente Glorieuses, elle ne correspond plus à l’époque. L’absence durable de majorité claire, l’éclatement du bipartisme d’après-guerre, les mutations sociétales exacerbées par l’immigration de masse, la révolution des médias — où le tweet remplace l’analyse de fond — et la montée des populismes ont rendu obsolète la politique « traditionnelle ». Les classes sociales, bouleversées par le consumérisme et la désindustrialisation, ont vu leurs lignes de fracture se déplacer.

La caste politique, incarnant un monde révolu, a perdu toute représentativité. Les clivages ne sont plus entre droite et gauche, mais autour de l’immigration, du prosélytisme islamique, de la relation à l’Union européenne (fédéralisme contre souverainisme), du poids de l’État-providence ou de la réforme des retraites. Marine Le Pen, comme Emmanuel Macron avant elle, l’a compris : se déclarer « ni de droite ni de gauche » ou « au-dessus des partis » permet d’attirer tout le monde… avant de se fâcher avec tous.

Dans ce contexte instable, en quête de nouveaux équilibres, la Cinquième République n’est plus qu’un cadavre politique. La « rupture » promise par M. Le Cornu, incarnée par un gouvernement éphémère (14 heures à peine), ne suffit pas. Cette fin de mandat s’étire en une agonie sans fin, annonciatrice d’une renaissance qui ne viendra que dans une douleur extrême. La Cinquième n’est plus qu’une symphonie funèbre. Elle meurt de vieillesse, mais aussi des « viols » qu’elle a subis.

Trois trahisons fatales

Portée sur les fonts baptismaux par De Gaulle, notre république a été violée à trois reprises. En 1986, Mitterrand, battu aux législatives, invente une cohabitation contre nature, trahissant l’esprit gaulliste (le Général aurait démissionné). En 2000, Chirac achève de sortir la France de la Cinquième avec deux réformes : l’abandon du septennat et l’inversion du calendrier électoral — que les Français acceptent sans broncher. Enfin, en 2008, Sarkozy fait adopter par le Congrès la Constitution européenne, rejetée par référendum trois ans plus tôt. Ce mépris pour la volonté populaire prouve que les parlementaires ne représentent plus le peuple, mais leurs appareils. Hanna Arendt l’avait pressenti : « Le système représentatif traverse une crise parce qu’il a perdu les institutions permettant une participation citoyenne effective, et parce que les partis, bureaucratisés, ne représentent plus que leurs propres intérêts. » La France, après avoir fui la Quatrième République, y revient fatalement.

Notre Cinquième République, conçue comme une « dictature majoritaire », a fait son temps.

L’illusion du retour aux urnes.

Organiser de nouvelles élections n’a plus de sens quand les partis ne cherchent qu’à survivre. Quel lien entre M. Faure et M. Gage, ou entre M. Retailleau et M. Bertrand ? Il faudrait refonder, mais ceux qui le pourraient s’accrochent à leurs privilèges comme des naufragés à une épave. On tente encore de former un gouvernement « macroniste » avec des députés de droite ou de gauche, alors qu’il faudrait un exécutif composé à 80 % de techniciens sans étiquette.

L’impasse.

Nous sommes donc dans une impasse historique et n’en sortirons qu’en prenant un chemin radicalement nouveau. Et il faudra bien plus que la rupture promise par M. Le Cornu et incarnée dans son gouvernement si éphémère (14 heures) pour retrouver des perspectives. Cette fin de mandat est donc bien une fin qui n’en finit pas, et l’annonce d’un début qui n’est pas pour demain, une future naissance, par les voies naturelles, populaires, qui ne pourra se faire qu’aux forceps ou par césarienne. Tout ce chaos va donc durer au-delà de 2027 et le corps agonisant de notre république va continuer à pourrir et à puer.

Pour éviter que la Cinquième ne régresse en Quatrième, il faudrait en inventer une Sixième. Qui pourrait le faire ? De Gaulle est mort. S’il a pu refonder la République en 1958, c’est qu’il cumulait deux atouts : une autorité incontestable et une indépendance totale vis-à-vis des partis. Où trouver aujourd’hui un tel leader ? Non qu’il n’existe pas, mais notre système médiatique, obsédé par le spectacle, ne lui offrirait aucune visibilité.

De l’indifférence citoyenne

L’indifférence peut-elle être un choix militant ?Haut du formulaire

Face à une actualité déprimante, l’annonce de la nomination, par la maire de Paris, d’une DJ (on l’appellera la BB) comme Directrice artistique de la « Nuit Blanche 2026», m’a surpris, voire agacé. En effet, j’aurais imaginé une personnalité, moins clivante, dont les compétences ou l’art incarnaient la culture de notre capitale, plutôt qu’une militante woke, représentant une minorité aujourd’hui discriminée positivement, et que se définit elle-même comme « Activiste féministe, lesbienne et grosse » – un modèle discutable pour une jeunesse, alors que l’obésité est devenue un enjeu majeur de santé publique.

Et puis, hier, la nomination d’un nouveau gouvernement – majoritairement macroniste, fruitautre d’une discrimination positive et inclusive – m’a finalement convaincu d’une chose : tout cela n’a pas tant d’importance, et surtout ne mérite ni réaction ni commentaire. L’immobilisme verbeux et les choix idéologiques ne justifient plus l’indignation.

La désobéissance civile, héritage de Gandhi.

Gandhi reste dans nos mémoires pour sa pratique de la désobéissance civile, concept que j’aime à rebaptiser « civique » ou « citoyenne », afin d’en souligner la dimension politique et militante. Bien qu’il n’en soit pas l’inventeur, il l’a popularisé avec la réussite que l’on sait dans sa lutte pour la libération de l’Inde.

Cette idée ancienne et stoïcienne, dont il faudrait faire toute la généalogie, trouve aussi écho chez La Boétie, dans cette formule, que l’on pourrait croire sortie de la bouche du Mahatma : « Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre ». Elle s’applique déjà à l’impérialisme britannique et résonne encore. 

Du refus à l’indifférence : une nouvelle forme de militantisme.

Si j’ai voulu, précisément dans ce triste contexte, évoquer la désobéissance citoyenne, c’est pour introduire et promouvoir une autre approche militante, plus adapter à notre époque, et qui mérite d’être conceptualisée pour éviter le malentendu. C’est celui de désintérêt civique – ou citoyen. Comment passer de la désobéissance à l’indifférence ?

Une posture, à la fois engagée et distancée, entre tolérance et mépris. Et qui peut correspondre au choix assumé d’un militant libertaire non violent, assez proche d’un Gandhi ou d’un Martin Luther King.  

Une position médiane, donc, entre tolérance et mépris. Non pas mépris pour la classe ou la chose politique, mais comme un reflet projeté sur un espace de médiation, par le mépris que ceux-là ont pour nous.

Conclusion : l’art de s’abstraire de ce qui n’est pas essentiel.

Que l’État profond nomme qui il veut ! Ne commentons plus, ne réagissons plus. Tout cela ne nous concerne pas. C’est un théâtre pervers qui se joue sous nos yeux : détournons-nous, écoutons de la musique, partons respirer l’odeur frais et parfumé de l’automne dans les bois et les campagnes. L’indifférence, parfois, est la plus radicale des réponses.

Il n’y a pas de neutralité médiatique

Les médias publics et la subjectivité de l’information : entre parti pris et silence médiatique.Haut du formulaire

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Comment s’indigner que des journalistes, intervenant sur des médias publics, complotent dans un bar avec des responsables socialistes pour nuire à une personnalité de droite ? Cette révélation ne fait que confirmer ce que beaucoup suspectent déjà : les chaînes publiques françaises penchent à gauche. Ce n’est pas une surprise.

L’illusion de la neutralité médiatique ;

Publique ou pas, une chaîne d’information aura toujours un parti pris politique compte tenu du recrutement, assez endogamique, de ses collaborateurs. En effet, comment ne pas comprendre que tout responsable a plutôt tendance à recruter des collaborateurs avec qui il se sent bien, qui partagent un certain nombre de ses valeurs? Ainsi, tout média, qu’il s’en défende ou non, offre une information filtrée par sa sensibilité. L’AFP elle-même, en censurant ou en déformant certaines informations, illustre cette réalité.

Je lis par exemple dans un article que 47% des Français désapprouveraient une récente décision du Chef de l’État concernant la Palestine. Pourquoi ne pas souligner, à l’inverse, que la majorité l’approuve ou reste indifférente ? Chaque choix éditorial révèle un angle, une focale, une subjectivité. Les médias ne font pas exception : ils mettent en avant certains faits, en minimisent d’autres, et façonnent ainsi l’opinion publique.

L’héritage politique des médias publics.

Dès l’époque du général de Gaulle, les chaînes publiques ont servi de caisse de résonance au pouvoir en place. Aujourd’hui, l’ARCOM, censée réguler l’audiovisuel, est dirigée par Martin Ajdari, un centriste proche de la gauche, nommé par Emmanuel Macron. Sa nomination a d’ailleurs été critiquée par la presse comme celle d’un « haut fonctionnaire woke ». Peut-on s’étonner que cette instance reflète les orientations politiques du président ? La nomination de Delphine Ernotte à la tête de France Télévisions, malgré un bilan contesté et une méthode critiquée, confirme cette tendance : les médias publics restent un outil de pouvoir.

Le choix des sujets : une politique de l’oubli.

L’engagement le plus flagrant d’une direction éditoriale ne réside pas seulement dans le traitement des sujets, mais dans leur sélection et leur hiérarchisation qui nécessairement relativise une info par rapport à une autre, celle qui « ouvre » le journal et celles qui passent après, en second rang, au second plan.

Quels faits sont mis en avant ? Quels drames sont ignorés ? La guerre entre Israël et le Hamas, avec ses 50 000 morts depuis le 7 octobre 2023 – dont une grande partie de civils palestiniens –, occupe quotidiennement les écrans. Pourtant, qui se souvient de la guerre en Éthiopie, qui a fait entre 385 000 et 800 000 morts ? Qui parle encore de la guerre civile au Soudan, engagée en avril 2023, et qui a provoqué des centaines de milliers de morts, déplacé plus de 10 millions de personnes et plongé le pays dans une crise humanitaire sans précédent ? Les Nations unies évoquent une famine déclarée dans le camp de Zamzam, au Darfour, et plus de 25 millions de Soudanais en besoin d’aide urgente. Pourtant, les médias français, qu’ils soient publics ou privés, consacrent très peu de temps à ce conflit.

Notons qu’entre octobre 2023 et septembre 2024, le conflit Israël-Hamas a été mentionné en moyenne 52 609 fois par mois sur les chaînes d’information françaises, soit une couverture sans commune mesure avec d’autres crises humanitaires. Tandis que le Soudan reste donc un sujet marginal.

Cette omission – qu’il s’agisse des chaînes publiques, de TF1 ou CNews par exemple – n’est pas anodine. En focalisant l’attention sur la Palestine et sa population qui reçoit cent fois plus d’aide que la population soudanaise, les médias fabriquent une opinion publique et instrumentalisent l’émotion collective. Pourquoi Jean-Luc Mélenchon, si prompt à dénoncer les injustices, reste-t-il silencieux sur le Soudan ? Pourquoi les partis humanistes ne proposent-ils pas de pavoiser les mairies du drapeau soudanais, comme ils le font pour d’autres causes (si rarement les portraits de Christophe Gleizes et Boualem Sansal) ?

La transparence et le pluralisme : des exigences légitimes.

 Les médias devraient assumer leurs orientations politiques. Vincent Bolloré n’est pas de gauche, Matthieu Pigasse n’est pas de droite. Philippe de Villiers est très à droite et Michel Onfray clairement à gauche, mais si l’un et l’autre se retrouvent, c’est à la fois dans leur détestation du Président Macron, et dans leur position très souverainistes – comme, à une autre époque, Seguin et Chevènement.Et l’un et l’autre sont d’ailleurs traités de fascistes par une France Insoumise, antisémite et représentant d’un nouveau fascisme de gauche : volonté de discréditer plutôt que de débattre.

Pour les médias publics, héritiers des années Mitterrand, une ligne « socialiste » est compréhensible. Mais elle doit être assumée, et contrebalancée par un pluralisme réel. Est-il acceptable qu’un parti, que je ne soutiens pas, mais qui est le premier parti de France, soit interdit dans leur média, au prétexte que M. Mélenchon serait « républicain », mais pas M. Bardella ? La démocratie exige que toutes les voix, y compris celles qui dérangent, puissent s’exprimer.

L’exigence de rigueur journalistique.

 Au-delà des orientations politiques, une exigence s’impose : la rigueur. Les journalistes, qu’ils travaillent dans le public ou le privé, doivent informer sans mentir, sans propager de fausses informations. Leur rôle n’est pas de faire de la politique, mais de fournir des faits vérifiés et contextualisés. La propagande doit rester le domaine exclusif des hommes politiques, déjà largement discrédités.

La nomination de Delphine Ernotte, européiste convaincue, à la tête de France Télévisions, illustre cette confusion des genres. Une nomination politique, contestée dans sa forme comme sur le fond – du fait de son bilan catastrophique –, rappelle que les médias publics restent un enjeu de pouvoir. Les médias doivent-ils être des acteurs politiques ou des observateurs neutres ? La réponse est sans doute entre les deux : des acteurs transparents, assumant leurs biais, mais respectueux des faits et ouverts au débat. La démocratie a besoin de médias pluralistes, pas de machines à propagande. Et je vois bien que pour être plus complet, il ‘aurait fallu aussi parler des réseaux sociaux. Ce sera pour une autre fois.