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Articles politiques

Ça se calme ?

Je ne voulais pas parler des émeutes, je l’ai fait. Et si j’y reviens, c’est que je n’imaginais pas que puisse se passer, dans notre pays, ce qui s’est passé dans la nuit de samedi à dimanche au domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses. Vincent Jeanbrun était dans sa mairie ; son domicile a été attaqué, son épouse et ses enfants blessés et probablement traumatisés à vie.

On parle de violences urbaines, d’émeutes, de guerre civile à bas bruit… On cherche les mots pour désigner un phénomène nouveau, comme un médecin face à une maladie qu’il ne peut nommer et dont le diagnostic n’est pas décrit dans ses livres de fac. Nous en sommes précisément à ce point d’incompréhension, de sidération ; et si les journalistes montrent leurs limites face à des images qui se passent de commentaires, si les politiques font de la politique, les uns admettant qu’ils se sont tous globalement trompés, les autres qu’on aurait dû les écouter, on aimerait entendre des sociologues, des philosophes qui puissent proposer une analyse, mettre en débat des idées neuves.

Mais je vois que l’exécutif est serein, concentré sur sa tâche, mais calme et souriant. Car il sait que les violences vont se calmer, qu’il suffit de mettre toujours plus de forces de police sur le terrain, des hélicoptères si nécessaire, des drones ou des blindés ; et que ça va se calmer. Il voit d’ailleurs déjà le bout du tunnel et le dit avec satisfaction : « la dernière nuit a été plus calme » ; c’est comme pour la réforme des retraites : tenir, ne rien lâcher, déployer toujours plus de forces de police… Et puis, quand l’orage sera passé, l’exécutif pourra pérorer, nous montrer qu’il a gagné, qu’il a su ramener l’ordre, fait prévaloir la République, qu’il n’est pas tombé et s’en sort donc renforcé : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». Car les émeutiers seront rentrés dans leur cité, démobilisés mais conscients d’avoir quand même gagné une bataille, de s’être bien défoulés, bien amusés, bien entrainés pour la prochaine fois.

Car au prochain prétexte, ils repartiront à l’assaut de l’État, des services publics, des bâtiments administratifs et des vitrines du Marché. Et ils le feront avec des armes à feu qu’ils possèdent déjà, et l’État leur opposera alors l’armée qui saura le défendre. Car rien ne changera. Une fois le calme revenu, le gouvernement passera à autre chose, feignant de ne pas voir la faillite de l’État. Évidemment, il aura appris quelque chose, comment mieux mater la rue, développer de nouvelles stratégies face aux violences urbaines. Il investira plus encore dans la police, équipant ses hommes comme des soldats en guerre, déversera encore plus d’argent dans les caisses d’associations douteuses pour financer le communautarisme, l’assistanat, le sentiment que par la violence on obtient à peu près tout ce que l’on veut. Et les médias flatteront et se pâmeront devant tous ces tenants d’une contreculture de merde qui « Nique Ta Mère », prône la haine des petits blancs. Et le Marché fera son beurre en promouvant une mode grunge pour que des bourgeoises parfumées et fardées jouent la prolo, comme hier Marie-Antoinette la bergère. Pourtant, ces gens n’aiment pas cette France qui les nourrit et les protège, se foutent de l’écologie, méprisent les femmes, ne respectent pas les vieux, sont souvent incultes et ignorent tout de l’histoire de leurs ancêtres.

 Oui, cette séquence encore inachevée, on sait que la prochaine sera pire, et on se demande si le pouvoir ne s’en frotte pas déjà les mains, content d’oblitérer un peu plus nos libertés, ravi de justifier par le besoin d’ordre la construction d’une société de plus en plus carcérale.

Ces gens qui cassent, rappelons-le, ne sont pas des gens dans la difficulté – rien à voir avec les Gilets Jaunes –, ni des révolutionnaires – rien à voir avec Nuit Debout –, n’ont aucun idéal, aucune conscience politique, même s’ils sont parfois manipulés par des mouvements politiques ou religieux. Et ils sont, relativement « irresponsables », car « fabriqués » par notre Système politico économique, un système fatal que personne ne semble vouloir analyser et remettre en cause, ni Macron son premier défenseur, ni Mélenchon un marxiste qui méprise les gens pour mieux idéaliser le peuple, ni même Marine Le Pen qui n’a, au bout du compte aucun programme, si ce n’est d’accéder au pouvoir et d’en passer enfin le seuil.

Émeutes

Je n’aime pas chroniquer l’actualité, tant le font, et en boucle : un fait divers dramatique qu’on s’explique mal et qui a vu un policier tuer un jeune délinquant dans des conditions dignes d’une série télévisée. Il faudra que la lumière soit faite, que la justice passe.

Et puis ce nouvel embrasement qui a trouvé là son prétexte : déchainement de haine, bris de vitrines, pillages de magasins de marque, incendies et destructions de biens institutionnels. Et on nous dit que les casseurs les plus jeunes ont 12 ou 13 ans. Quid de leurs parents ?

Je l’ai écrit ici, mais aussi dans mes deux derniers livres, nos sociétés occidentales, valétudinaires, sont confrontées à des maux que l’on peut nommer – c’est déjà ça –, hiérarchiser, évidemment de manière subjective. J’ai fait l’exercice : perte des libertés individuelles, destruction de notre environnement, violence de nos sociétés. Voilà pour les trois premières – j’en ai comptabilisé cinq d’importance, je veux dire fatales. En fait, de la violence partout : celle d’un État liberticide, celle d’un climat perturbé, celle d’une société déboussolée et d’un Système prévaricateur. Et ce n‘est pas nouveau, un de nos anciens présidents prétendait vouloir kärchériser des banlieues que ses prédécesseurs avaient abandonnées à leur triste sort, au communautarisme et aux trafics les plus crapuleux. Qu’avait fait Chirac après les émeutes de 2005 ? rien de convainquant ! Car c’est toujours pareil, le Système produit de la violence qui explose de manière régulière. Et puis on tabasse, on discourt, on déverse de l’argent ici ou là, on balaye pour finir par tout mettre sous le tapis. C’est vrai, on installe aussi des caméras pour mieux surveiller les gens, et toujours on supprime d’autres libertés. Mais on ne touche pas au Système. Ici, ce sera pareil. On va ramener l’ordre, que ça prenne quelques jours ou quelques semaines, et puis tout repartira comme avant.

La répression est évidemment nécessaire, absolument nécessaire, car il y a le feu, mais que, surtout, ces individus ne veulent pas faire la révolution, n’ont aucun idéal, aucun projet de société. Et je ne parlerai même pas de révolte – des révoltés prendraient d’assaut l’Élysée ou le Palais Bourbon, pas un magasin de luxe ou une enseigne Lidl ; et voir un homme lâchement tabassé à dix contre un, parce qu’il défendait sa voiture qu’on voulait brûler, est-il acceptable ? Mais ce retour à l’ordre, nécessaire dans les délais les plus brefs, ne règlera rien et permettra, j’en fais le pari, de mettre en œuvre des mesures qui ne feront qu’aggraver la violence de nos sociétés qui deviennent chaque jour plus carcérales.

Notons encore l’extraordinaire responsabilité des deux chefs des partis politiques les mieux représentés à l’Assemblée, les duettistes les plus ridicules, les plus dangereux qui se puissent imaginer : Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon. Quand Marine Le Pen, décidément beaucoup plus fine, allongée sur la barque sur laquelle les deux autres rames, se laisse gentiment mener à bon port. Elle se tait, sourit, rêve.

Un maire jette l’éponge

Maire de St Brévin

J’entends ce matin à la télé Bruno Le Maire s’offusquer des agressions subies par l’édile démissionnaire de Saint-Brévin, s’en scandaliser – c’est la moindre des choses – et en appeler à plus de répression. On ne peut évidemment qu’être choqué par le sort fait à Yannick Morez et je ne chercherai aucune excuse à ceux qui ont brûlé ses voitures au risque d’incendier sa maison. Mais on aurait pu attendre du ministre autre chose que des propos de circonstance, sans profondeur, donc sans intérêts. Aucune analyse…

Cette classe politique énarquienne est décidément, soit d’une grande médiocrité, ce que j’ai peine à croire, soit experte en enfumage. Ce qui est facile, quand on est bien formé à ce jeu pervers et face à une journaliste qui vous sert la soupe.

Je le redis assez insistance à qui veut bien m’entendre radoter, notre société déliquescente est bien confrontée à des problèmes existentiels que je hiérarchise ainsi – voir mes derniers ouvrages parus : la perte progressive des libertés individuelles, la destruction systématique de notre environnement naturel, la montée irrépressible de la violence. Ma liste ne s’arrête pas là.

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Légitimité démocratique

Alors que les relations entre décideurs et usagers se tendent et que les conflits sociaux augmentent en nombre et en intensité, les procès en illégitimité fleurissent. Et je voulais évoquer les trois formes de légitimité que l’on peut « légitimement » invoquer.

Il y a certes la légitimité représentative, en politique et pas seulement, qui permet de se prévaloir d’un mandat – plus ou moins impératif. Évidemment, quand on est élu avec un taux record d’abstention qui voisine ou dépasse les 50%, cette légitimité sortie toute propre des urnes est entachée. Et c’est l’un des avantages, et non des moindres, de l’élection des députés par le sort. S’affranchissant du vote, il évite cet écueil.

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Réactionnaire assumé

J’entendais récemment Michel Onfray répondre, alors qu’on le présentait comme un gaulliste de gauche, qu’il était prêt à abandonner le qualificatif « de gauche ». Qu’a-t-il voulu dire ? Il ne s’en est pas expliqué. Personnellement, plus je crois comprendre de Gaulle, plus je me sens gaulliste, mais sans rien renier de mon enracinement à l’extrême gauche d’un échiquier qui n’est qu’une façon comme une autre d’opposer les uns aux autres, souvent sur des sujets mineurs, donc loin de l’essentiel ; et sur un schéma un peu étroit de lutte des classes.

De Gaule n’était pas de gauche, évidemment. Était-il de droite ou du centre ? À l’évidence, il avait une certaine idée de la France et du Peuple.

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