De l’amour à la politique

Je voulais vous parler à nouveau d’amour… comme si le sujet politique me lassait. Mais ce n’est sans doute qu’une autre façon de toujours ressasser.

Essayant de le mieux définir, j’avais écrit dans un moment d’apparente lucidité « l’amour comme attachement désintéressé et comme raffinage et sublimation du respect », et j’avais clos cette courte réflexion en pensant au Jésus du Nouveau Testament : l’amour comme éthique…

J’étais content de ces quelques mots. Et puis, à la relecture, à la lumière crue de l’aube, j’ai bien vu les limites de ce que j’avais écrit : cela ne sonnait plus vraiment juste ; et j’ai laissé ces notes de circonstance sur mon bureau. Et puis, plus tardivement, lisant un court texte de Simone Weil « La Personnalité humaine, le juste et l’injuste », paru fin 1950 dans la revue « La Table ronde », je lis cela : « L’esprit de justice et de vérité n’est pas autre chose qu’une certaine espèce d’attention, qui est pur amour ». Et j’ai compris ce qui sonnait faux dans ma formule de la veille : écrivant “l’amour comme attachement”, c’est “amour comme attention” que j’aurais dû dire. C’est ainsi que l’on mesure la largeur et la profondeur du fossé entre le presque vieillard que je deviens un peu plus chaque jour, si lourd, et l’enfant lumineuse que je retrouve dans ce texte, toute la distance entre la médiocrité et le génie… Et elle me ramène à la politique, me faisant une fois de plus la leçon, en me rappelant que « le droit est par nature dépendant de la force » et qu’il n’a donc pas de « relation directe avec l’amour ». Et d’opposer l’esprit de Rome, fondé sur le droit, et celui de la Grèce antique, sur l’idée de justice. Et de conclure ainsi : « Au-dessus des institutions destinées à protéger le droit, les personnes, les libertés démocratiques, il faut en inventer d’autres destinées à discerner et à abolir tout ce qui, dans la vie contemporaine, écrase les âmes sous l’injustice, le mensonge et la laideur. Il faut les inventer, car elles sont inconnues, et il est impossible de douter qu’elles soient indispensables ».

Au moment où nos concitoyens européens sont appelés aux urnes, tout est dit à qui veut relire ce texte. Libre à chacun de perdre son temps avec ces élections et de se passionner, comme certains le font, pour telle compétition des Jeux olympiques : il y aura du sport, un peu de suspens, de l’émotion chez ceux qui vivront dans leur âme le sentiment d’avoir perdu ou gagné. Mais la vraie question politique est ailleurs, c’est celle du bonheur. Comment abolir en Europe tout ce qui, dans la vie contemporaine, écrase les âmes sous l’injustice, le mensonge et la laideur ? Quel homme ou femme politique s’en soucie un tant soit peu ? Quel leader religieux est crédible sur ce thème ?

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