Légitimité démocratique

Alors que les relations entre décideurs et usagers se tendent et que les conflits sociaux augmentent en nombre et en intensité, les procès en illégitimité fleurissent. Et je voulais évoquer les trois formes de légitimité que l’on peut « légitimement » invoquer.

Il y a certes la légitimité représentative, en politique et pas seulement, qui permet de se prévaloir d’un mandat – plus ou moins impératif. Évidemment, quand on est élu avec un taux record d’abstention qui voisine ou dépasse les 50%, cette légitimité sortie toute propre des urnes est entachée. Et c’est l’un des avantages, et non des moindres, de l’élection des députés par le sort. S’affranchissant du vote, il évite cet écueil.

La seconde légitimité est celle de l’expert, et, en allant un peu plus loin, on pourrait dire que si la première est démocratique, la seconde est aristocratique. Car on peut penser que dans des domaines politiques, où le choix des solutions n’est pas réduit à un choix technique, ce sont les meilleurs qui ont le plus de légitimité à l’opérer. Mais on connait cette difficulté à débusquer les meilleurs et à les évaluer. S’agissant de politique, donc de valeurs morales, ce ne sont ni les résultats aux concours d’entrée à l’ENA, ne ceux à la sortie qui nous apportent des réponses. Mais les économistes, dans un monde matricé par l’économie, ont une légitimité à intervenir dans le débat et à y porter une parole d’expert. Sauf qu’ils ne sont jamais tous d’accord.

Reste la troisième légitimité, celle de l’expérience, du vécu, qui est très éloignée de celle de l’expert qui ne connait la vie que par les livres. C’est la légitimité de celui qui subit, étant directement concerné par les décisions qui se prennent sur son dos. Puis-je la nommer, d’usage ? car c’est bien celle de l’usager. Et je pense à cette séquence de réforme des régimes de retraite. Qui mieux que le travailleur sait, précisément dans son métier, ce que cela représente de travailler deux ans de plus ? Qui sait mieux que lui, quel minimum de retraite est nécessaire pour vivre sa fin de vie décemment, dignement. Il le sait mieux qu’un haut fonctionnaire embourgeoisé, mieux qu’un économiste qui ne voit pas toujours que derrière les chiffres, ce sont des données humaines qu’il prétend manipuler. Légitimités démocratique, aristocratique, d’usage, je ne veux les hiérarchiser, mais je vois bien que l’une ne peut mépriser les autres.

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