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Oui, la guerre encore…

Car je souhaitais répondre à Dominique de Villepin qui faisait il y a quelques jours une matinale de France Inter, que le Royaume de Jérusalem n’a pu tenir que deux siècles…

Ni avec la dernière attaque du Hamas ni par la réponse d’Israël, nous n’entrons dans une guerre de civilisation, comme notre ancien ministre le craint. Nous y sommes déjà, depuis le début, c’est-à-dire depuis le VIIe siècle de l’ère chrétienne. L’expansion de l’Islam a en effet débuté dès 622, date de l’Hégire, quand le fondateur de la nouvelle religion révélée a quitté La Mecque pour Médine ; en fait plutôt dans les toutes premières années qui ont suivi, car tout est allé très vite : prise de La Mecque en 630, campagne militaire de Tabouk l’année suivante, création d’un premier Kalifa à la mort du Prophète, en 632. Depuis, l’Oumma croît, car l’Islam (religion et idéologie) progresse partout, et cette nouvelle civilisation arabo-musulmane qui est par exemple venue à bout de la civilisation perse, s’est vite heurtée à la civilisation occidentale, plus ancienne qu’elle. Car elle a extrêmement rapidement conquis toute la péninsule arabe, l’Afrique du Nord, le Levant, le pourtour méditerranéen, une partie de l’Europe du Sud et l’Empire romain d’Orient… Et bien d’autres régions depuis…

Les chrétiens menacés ont réagi dès le VIIIe siècle : Le royaume franc de Charles Martel les arrêtant là où on sait ; et les forces chrétiennes reconquérant très progressivement la péninsule ibérique, sur plusieurs siècles, depuis l’escarmouche de Covadonga en 722, jusqu’à la prise du dernier bastion musulman, à Grenade, en 1492, par les rois très chrétiens Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon. Ce fut d’ailleurs le début d’une nouvelle séquence pour l’Occident qui partira à la conquête des Amériques, puis de l’Afrique noire, sacrifiant d’autres civilisations sur l’autel de sa propre expansion religieuse et politique. Mais d’abord, le Christianisme a aussi voulu revenir aux sources et a organisé plusieurs croisades pour reconquérir Jérusalem. Et la création du royaume chrétien de Jérusalem en 1099 a été une nouvelle séquence de cette guerre de civilisation. Évidemment, les islamistes ne pouvaient accepter ce qu’ils considéraient comme un sacrilège, une présence chrétienne sur une terre sanctifiée par la naissance de leur Prophète. Cette enclave disparaitra en 1291 avec la chute de Saint-Jean-D’acre. Ils ne pouvaient l’accepter, comme les Arabes refusent l’historicité d’une présence chrétienne sur leurs terres, aux premiers siècles de notre ère (c’est-à-dire un demi-millénaire avant la naissance de leur religion), et détruisent systématiquement les témoins archéologiques de cette présence dès qu’ils en exhument de leur linceul de sable.

Et il aura fallu attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que l’Empire ottoman disparaissant, libérant les Arabes du joug turc, et que la Société des Nations (une structure internationale n’ayant d’autre objet que d’imposer à notre planète l’idéologie occidentale, c’est-à-dire surtout américano-anglaise) impose la présence occidentale au Moyen-Orient (protectorat anglais sur la Palestine), pour que l’Occident prenne sa revanche. Et la création en 1947, après que les nazis aient perpétué la Shoa, après que les autorités islamiques de Jérusalem se soient compromises avec les nazis, va permettre la création d’un nouveau « royaume occidental » de Jérusalem.

Évidemment, les islamistes ne peuvent l’accepter et même si cela leur prend deux siècles veulent l’élimination d’Israël – la cause palestinienne n’étant qu’un détail de l’histoire, un prétexte, la réparation d’un dégât collatéral.

On peut donc dire que le Hamas s’inscrit dans une tradition millénaire, et messianique. Et ses crimes de guerre génocidaires et assez dégueulasses … redisons-le … s’inscrivent dans la macabre logique de la guerre religieuse. Qu’on réinterroge l’histoire, les guerres de religion ont toujours été, systématiquement, l’occasion de crimes de guerre atroces ; et aucune religion ne s’est montrée particulièrement encline à respecter l’homme, la femme, l’enfant… Car si on peut imaginer « humaniser » une guerre faite au nom d’un état, d’enjeux économiques, de problèmes démographiques, c’est-à-dire d’une structure politique, en rédigeant par exemple des conventions internationales, on ne peut humaniser une guerre faite au nom de Dieu, puisqu’il s’agit de « sauver des âmes » en convertissant, ou, à défaut, en tuant des mécréants égarés dont le statut est alors bien inférieur à celui d’un homme, puisqu’ils n’appartiennent pas au peuple de dieu.

Et c’est là où Dominique de Villepin se trompe, en considérant que seule la création d’un état palestinien règlerait le problème. Cette création est absolument nécessaire, mais ne règlera rien, car ce n’est pas ce que veut le Hamas et ce n’est pas ce que demandent les islamistes purs et durs.

On finira donc par sortir de cette crise – à quel prix ? –, mais la guerre va continuer sans que l’on puisse en prévoir la fin, les Occidentaux pouvant compter sur leurs arsenaux militaires et leur maîtrise technologique (voir Israël) ; les musulmans comptant sur les ventres de leurs femmes, leur mépris de l’individu, mais surtout la décadence occidentale – qui porte le doux nom d’humanitarisme, mais qui n’est, comme Nietzche l’a bien montré, qu’un abaissement ; les premiers produisant des canons, les seconds de la chair à canon… 

Nous sommes donc coincés par cette Histoire, étranglés par cette réalité historique aujourd’hui prégnante, contraints d’accepter les faits que le Hamas nous a rappelés de la manière la plus horrible, en l’occurrence cette guerre, ou bien de répondre à côté, de regarder ailleurs, de nous coucher – l’esprit de Munich, les idiots utiles qui manifestent à contretemps leur solidarité avec les palestiniens. Mais il y a aussi une troisième voie, celle dont Houellebecq a fait un roman, nous soumettre, trahir ce que nous sommes pour espérer sauver notre peau, et en sortir par le haut, devenir de bons musulmans… Car il ne faut pas trop compter sur les musulmans pour, tout en gardant leur foi, accepter de s’occidentaliser. Car Ils ne peuvent le faire sans justement renier leur foi.